Brigitte, passionnée et engagée pour la musique à Rennes (été 2025)
L’histoire de Brigitte pourrait se composer d’une série de notes et de chiffres. Une partition qu’elle a commencé à écrire dans les années 90 et qui lui a permis de se faire une place dans le monde de la musique à Rennes. Pendant presque trente-cinq ans, elle a travaillé dans des bars et a tenu les comptes d’un bon nombre d’acteurs culturels locaux. Elle a aussi donné des coups de main en tant que bénévole. Un parcours investi qu’elle a façonné au gré des rencontres…
« Oh ! Je ne sais pas si c’est intéressant de faire un article sur moi. Tu vas voir, je ne sais pas expliquer. Je suis trop fouillis, ça va dans tous les sens. » C’est de cette façon que démarre l’interview de Brigitte. Très vite, elle prouve pourtant qu’elle a le sens du détail ! Pour appuyer ses propos, elle a apporté des boîtes qui regorgent de souvenirs : des photos, des places de concerts, des coupures de journaux, des cartes de visites… « Je garde tout », fait-elle en sortant une à une ces preuves du passé. Entre deux billets d’entrées, elle évoque la découverte de la musique live en Bretagne avec la MJC de Guer et le festival Élixir : « à l’époque, on était tous hippies ». Elle n’oublie pas non plus de citer les Trans Musicales qu’elle estime incontournables. Elle parle aussi avec beaucoup d’émotion de Dominic Sonic : une figure de la scène rock rennaise qui a aujourd’hui disparue. Elle l’a vu à maintes reprises mais elle se rappelle surtout de ce concert privé qui avait été organisé pour elle, à l’occasion de son anniversaire : « c’était avec mes meilleurs amis. Un moment que je n’oublierai jamais ! ». Et puis, l’ombre des Tontons Flingueurs ne tarde pas à planer au-dessus de la discussion. Ce café-concert emblématique, Brigitte Hamon y a travaillé jusqu’à sa fin annoncée (avec Frank, Franky et Kroyz). Pour la petite histoire, le lieu était voué à disparaître : Yannick, Robert, Marc et Léna s’étaient associés pour racheter un troquet avenue du Gros Malhon (près du quartier Saint-Martin)… qui serait détruit dans les années à venir. Ils avaient tous gardé leur activité salariée à côté. L’objectif n’était pas professionnel mais plutôt d’aller au bout de convictions partagées par pas mal de passionnés. À Rennes, il manquait des salles de concert et ils souhaitaient proposer un lieu où tous les styles de musique seraient représentés. Pari réussi ! Non seulement, ils sont parvenu à fédérer des associations locales pour l’organisation des soirées mais en plus, ils ont accueilli 487 groupes et donné 684 live. Parmi les artistes qui ont foulé la salle de 200 places, il y a quand même eu – liste non exhaustive – : Miossec, Zebda, Louise Attaque, Frank Black, Yann Tiersen, les Mass Murderers, Mass Hysteria, les Gunners, Billy the Kick… Les pelleteuses ont mis fin à l’aventure en 1998 mais l’endroit est resté gravé dans les mémoires. Brigitte savait qu’elle ne garderait pas son emploi et elle l’avait accepté dès le début : « c’était une vie à cent à l’heure. C’était génial mais on aurait pas pu tenir ce rythme éternellement. »
Depuis ce fameux jour où le bar a fermé, Brigitte n’a jamais cessé de marcher sur ce chemin amorcé par les Tontons Flingueurs. Elle a continué à s’investir dans la musique. D’abord (et toujours) en tant que bénévole et puis, elle a assisté à la création du Jardin Moderne en 1997. L’association est née de la volonté de créer des espaces pour que les groupes puissent se produire et répéter à Rennes. Oui, les Tontons Flingueurs avaient laissé des orphelins mais ils avaient surtout insuffler un champ des possibles. Les scènes restaient peu nombreuses dans la ville et les acteurs locaux voulaient continuer à construire des ponts entre eux et le public. C’est ici – dans ce nouveau lieu – que Brigitte a accepté un emploi de comptable : « au début, ça ne m’intéressait pas trop et j’ai passé vingt-deux ans là-bas ». Fait du hasard… Brigitte est partie en retraite quelques jours avant la fête de la musique, en juin 2025. Deux cent personnes étaient présentes pour la remercier. Une page se tourne ? Non. Sa route… Brigitte va la poursuivre de mille et une façon. En tant que bénévole, passionnée de musique… mais aussi à travers la cuisine… Il se raconte qu’elle serait la reine du caramel au beurre salé.
Caroline Vannier
Interview : Rennes, ville rock
1 – À quel moment Rennes a-t-elle été une ville rock ?
Pour moi, elle l’est devenue au moment des Trans Musicales. Elles ont marqué les années 80 ! Et cette période correspond à ma jeunesse ! Je suis arrivée à Rennes à dix-huit ans. Je me souviens que dans le coin, il y avait le Festival Bleu, blanc, raid (créé par Tetess) mais aussi aussi Les Folies rennaises (organisées par Jean-Michel Lancelot) en juin : un festival dans les bars. Après, ce n’était pas mes premiers concerts. Je venais de Guer et on avait une MJC très active. On avait fait venir – entre autre – Pigalle et Jacques Higelin. On voulait que ce soit folk comme Woodstock. Il faut dire qu’on était tous hippies à l’époque. On a monté un festival deux années de suite qui a fait venir jusqu’à 8000 personnes mais on a décidé d’arrêter assez vite pour ne pas tomber dans le routine. En Bretagne, il y avait aussi Elixir (1979-1987). C’était un gros festival ! Ils ont accueilli Undertones, Nina Haggen, Joe Cocker, The Clash, Léonard Cohen, The Cure… Mais je dois avouer que mon meilleur concert reste celui d’un de mes anniversaires. J’ai toujours été très fan de Dominic Sonic ! Tibo (TV Rennes, Canal B) m’avait fait une surprise. Il avait organisé une petite soirée avec mes cinquante meilleurs potes… et Dominic Sonic était là pour un concert privé. Un moment que je n’oublierait jamais !
2 – Des lieux emblématiques qui le sont restés ?
Le Bistrot de la Cité ! Il y a quelques années, il y avait le Trap, la Bernique, le Sympatic (celui d’avant), le Paradise (sur le Mail), le pub Satori (celui de la chanson d’Étienne Daho) et la rue de Saint-Malo qui était aussi bien vivante.
3 – Tu as travaillé aux Tontons Flingueurs, peux-tu nous parler de cette expérience ?
C’était riche ! Riche de chez riche de rencontres ! Ma bande de copains, je l’ai connue là-bas. C’était incroyable ! On s’amusait, on a mis en place plein de choses… et on ne se la pétait pas. Les Tontons Fligueurs ont marqué ! On m’en a même parlé à Lyon et dans le sud du Portugal. Qu’est-ce que je peux dire… Le bar n’était pas loin du centre, c’était au niveau du Canal Saint-Martin. Tout a disparu aujourd’hui. Les tags étaient de Mathias Breze (groupe RCK qui est devenu aujourd’hui Teenage Kicks). Avec l’équipe, on jouait le jeu pendant les soirées ! Pour l’émission de Canal B, les Pyjama Party* (présenté par Tibo et Raw), on était en tenue. Pour la plupart des concerts, c’est Nono, Niko (Tagada Jones, Rage Tour…) et Bruno (Mondo Bizarro, La Trinquette…) qui faisaient le son. C’était pas évident ! La réglementation du son était très compliquée. Quand les Tontons Flingueurs ont fermé, on a failli reprendre La Baleine Bleue avec l’équipe. Au final, c’est Bruno qui l’a fait tout seul et c’est devenu le Mondo Bizarro. Je pourrais te parler des concerts… Il y en eu tellement ! Ceux de Zebda m’ont marqué. La dernière soirée aussi : une soirée de folie à 800 personnes ! J’ai gardé les listes de tous les groupes qui ont joué aux Tontons. Riad Sattouf venait aussi : il était fan de hardcore. Oh ! On avait notre boisson emblématique ! Les Flingueurs : on la servait avec un pistolet briquet dans des verres à shot. C’était un fond de liqueur de café et de la tequila. On donnait une paille, on trinquait et on buvait d’un seul coup ! On a fait beaucoup de photos souvenirs au Polaroid et on en a numérisé 500. Les Tontons Flingeurs ont fermé le 18 décembre 1998. C’était une vie à cent à l’heure. C’était génial mais on aurait pas pu tenir ce rythme éternellement.
4 – Trois souvenirs marquants de cette époque ?
Les concerts de Zebda. Et toutes les soirées Pyjama Party en général ! Si je peux en mettre une en avant, c’était avec Yann Tiersen : il y avait tellement de monde que le rond-point était envahi.
5 – Des concerts qui t’ont marqué ?
Au Liberté : le concert des Bérurier Noir (avec beaucoup de dégâts). Je peux citer les 2 Many DJ’s au Trans 2002 au Liberté. Oh, je me rappelle aussi de Billy the Kick à l’église désaffecté du Vieux Saint-Étienne.
6 – Des associations dans lesquelles tu t’es investie ?
Les Trans Musicales, Banana Juice (ska et punk garage), I’m From Rennes et Le Grand Soufflet. J’ai aussi été bénévole à Binic une fois. Il y a longtemps, à la Route du Rock. Patchrock aussi. Pendant le confinement, j’ai aidé à préparer des paniers repas avec l’asso Pour eux : ceux qui maraudaient distribuaient ce qu’on cuisinait aux sans abris.
7 – À ses débuts, à quoi ressemblait le Jardin Moderne ?
J’ai commencé comme bénévole. Il y avait Les Fêtes de Saisons : des soirées électro. Il y avait jusqu’à 3000 personnes. Le Jardin s’est monté – entre autre – en réaction à la fin programmée des Tontons Flingueurs. Ils m’ont proposé un poste de comptable : au début, ça ne m’intéressait pas trop et j’ai passé vingt-deux ans là-bas.
8 – Des musiciens ou des acteurs de la scène locale qui ont su transmettre leur passion de la musique ?
Comme musicien, Dominic Sonic. Et dans les asso, Stéphanie de Patchrock. Je me rends compte que je ne cite que des personnes qui ne sont plus là… Sinon, il y a aussi les Banana Juice avec qui on a fait les Halloween Party. Et aussi Mano Negra qui avait accepté de jouer trois fois avec la Bro pour baisser les prix des entrées.
9 – Peux-tu nous parler des Galeries Lafaillites ?
Le projet s’est monté à cause de la Braderie Saint-Martin. À cause des Tontons Flingueurs, en fait ! On était une bande de copains et on voulait être un pastiche d’une grande enseigne qui était présente à la braderie. Je n’ai fait qu’une chanson parce que j’avais une voix de merde. Elle s’appelait La Machine. Je m’appelais Rita Missoucock (entretien des surfaces poudreuses). On portait des blouses blanches floquées avec notre nom. Il y avait beaucoup d’impro. On se déguisait et on faisait des animations dans la rue. On pastichait les « Tout Rennes ». On a fait les Tout Rennes comme Tout Rennes campe et pour Tout Rennes nage, on était là pour l’inauguration de la piscine des Gayeulles. On a aussi fait cinq grands séminaires : les gens partaient 24h et ils ne savaient pas où ils allaient. On faisait l’animation : ils étaient chouchoutés (gym tonic, repas, concerts…).
*Voir article Ubutopik sur les Pyjama Party
