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Des histoires qui se vivent

Jean-Yves : un acteur de la scène locale (août 2017)

Jean-Yves : un acteur de la scène locale (août 2017)

Si vous poussez les portes du Mondo Bizarro ou du Terminus, vous croiserez sûrement Jean-Yves. Veste en cuir, cheveux longs, barbe bariolée… Une vraie dégaine de rockeur. Le personnage est bien connu des Caf’Con’. Des années qu’il fréquente les bistrots rennais (et pas que) pour entendre du son live. C’est qu’il en a usé des chemises à bouger au rythme des groupes de rock, folk, punk ou metal. Ce soir, il est au Mondo : il vient pour The Dictators, une formation punk-rock américaine qui sévit depuis les années 70. Il les a déjà vus mais peu importe : il sait que ça sera encore différent cette fois. Dans le public, il est devant, au plus près de la scène. Une façon de sentir l’ambiance, de recevoir à bloc ce que vont balancer les zicos. Quand le concert démarre, pas moyen de détourner son attention. Il plonge parfois la main dans sa poche pour en sortir son appareil photo mais ça ne dure pas. L’important est de profiter du spectacle. À la fin du show, on prend un verre, on discute… L’homme est encore dans le concert mais il cite déjà tous ceux qu’il verra demain : des groupes du coin pour la plupart. Il faut dire qu’il en connaît un rayon sur le sujet… Au niveau local, il est presque incollable. Quand il en parle, il évoque les anciens comme Marquis de Sade avec Frank Darcel retrouvé dans le groupe Republik et Daniel Pabœuf – le saxophoniste du groupe qu’il suit toujours – « Je le vois sur scène depuis quarante ans et à chaque fois, je me prends une claque ». Mais aussi des plus jeunes comme Season Of Tears ou Black Boys On Moped. La scène, c’est quelque chose pour Jean-Yves. Un truc éphémère et puissant qu’il sait partager avec les musiciens. Mais bon, il est temps de laisser la parole à ce passionné… on aurait tort de s’en priver.

1 – Ton premier souvenir de musique ?
Steeleye span : c’est du folk-rock. En vinyle. L’un des premiers qui m’a vraiment marqué… Vers 1974. Non, peut-être fin 1973, début 1974.

2 – Quel musicien aurais-tu pu être ?
Tout dépend de mon état du moment. Là, j’écoute plutôt du mélancolique, du cool. Mais c’est vrai que le jeu de scène est important pour moi. Robert Plant, j’adore ! Et Delilah, la chanteuse de The Last Internationale : ce groupe est capable d’aller dans les usines pour soutenir les ouvriers.

3 – Quel regard portes-tu sur la scène locale ?
Absolument génial ! Beaucoup de groupes. Les entrées sont très abordables. Oui… et des styles très différents ! Il y a toujours des nouveaux groupes qui apparaissent. Mais il y a aussi les anciens que je revois parfois dans d’autres formations. Sinon, j’aime bien voir les jeunes, ceux qui débutent : quand ils jouent, ils mettent leurs tripes. Le seul truc que je fais pas, c’est d’aller dans les concerts electro.

4 – As-tu créé des liens particuliers avec des groupes locaux ?
Il y a des groupes qui ont dormi chez moi comme CrashBirds ou Healthy Junkies. Il y a aussi des groupes et des gens avec qui le contact passe bien comme Glam Dicinn ou Tom, le chanteur des Chouch’n’ Molotov. Je pense aussi à Gilles et Mich de Vern ou Aurélie. The Inspector Cluzo aussi : je les ai revus à l’Ubu en début d’année… Bientôt dix ans que je les vois une fois par an. Ils tournent régulièrement. Ce sont des personnages : humainement, ils ont quelque chose à dire.

5 – Et les Black Boys On Moped ?
Oui, je leur ai prêté ma voiture pour leur tournée en Italie. Et ils m’o remercier.

6 – Qu’aimes-tu dans la musique que tu ne trouves pas ailleurs ?
Alors là, tu me surprends. Je peux utiliser mon joker ? Quel groupe de musique ferais-tu jouer devant des extraterrestres ? Je dirais Magma mais c’est juste parce qu’ils chantent en Kobaïen. Mais j’aime bien ce groupe. – Intervention du gars qui prend son café à la table à côté – « Il y a aussi Gong. » Ah oui, Gong ! Un type de musique complètement barré.

7 – Si tu étais un instrument, qu’est-ce que tu serais ? Joué par qui ?
Alors là, j’aime bien la guitare basse. Mais jouée par qui ? Xavier Soulabail le bassiste de Brieg Guerveno et de Buck. J’aime bien la basse quand c’est joué très guitare, dans un duo par exemple. Dans le coin, il y a les Freak Magnet qui font ça : un duo basse – batterie.

8 – La meilleure époque pour la musique ?
Maintenant. Je peux sortir. J’ai suffisamment de fric et je suis disponible aussi. Après, dans les années 70-80, j’ai pris des claques. À la salle de la Cité, avec Shakin’ Street et Little Bob. À l’époque, il y avait des festivals – moins qu’aujourd’hui – mais je me souviens par exemple d’Elixir.

9 – Ton meilleur souvenir de concert ?
Shakin’ Street à la Cité. Et quand je les ai réécoutés, j’avais toujours les frissons. Mais bon, je continue à me prendre des claques. Cette année, par exemple, je suis encore sûr de découvrir plein de trucs à Binic.

10 – Qu’est-ce qui te fait vibrer sur scène ?
Ça peut être l’apparence, se créer un personnage. Et surtout, regarder le public : ne pas se créer une barrière. Je préfère les petites scènes, c’est plus chaleureux.

11 – Quel groupe majeur es-tu incapable d’écouter ?
The Beatles. Alors, heureusement qu’il y avait John Lennon dans le groupe… Parce que McCartney, je supporte pas. C’est trop propre.

12 – Vinyle ou CD ?
Ni l’un, ni l’autre. Plutôt MP3 : c’est plus facile à gérer. J’aime bien le vinyle pour la beauté de l’objet, mais j’ai aussi des CD magnifiques comme celui de 13 Thole.

13 – Rock is dead, tu valides ?
Pas du tout. J’en vois suffisamment qui sont bien vivants. Alors oui, quand tu vois les trucs à la télé et tout ça, ça aurait pu… mais non.

14 – Quel groupe ferais-tu revivre ?
Pff… C’est piégeant ça. The Kinks avec les frères Davies.

15 – Un classement des meilleurs cafés concerts du coin ?
Ça varie. Le Mondo Bizarro, j’y suis parfois allé plusieurs fois par semaine. J’y ai vu plein d’excellents concerts. Passer au Mondo, c’est quand même quelque chose pour un musicien. C’est une institution. Il y a aussi le Terminus et Le Marquis de Sade qui sont plus alternatifs. En fait, j’y suis allé un peu dans tous : le Ty Anna Tavarn et La Cave à Flo mais j’y vais surtout pour l’ambiance. Sinon, il y a les squats comme l’Elabo. J’ai vu Clint là-bas : un mélange de concepts – danse, musique, acrobatie et peinture – c’était vraiment très bien.

16 – Et chez Patrick, à la Fontaine de Brocéliande ?
Oui, j’y ai vu des supers concerts. Parfois, on était qu’une vingtaine dans la salle mais il se passait vraiment quelque chose avec les musiciens. Mais j’y vais un peu moins, ça fait un peu de route quand même !

17 – Le dernier concert avant la fin du monde ?
Oh, tu déconnes. La fin du monde, j’y crois pas. Je m’en fous de la fin du monde.

18 – Si tu croisais Gandhi, quel groupe lui ferais-tu écouter ?
Ah, je mettrai un coup de Ramoneurs de Menhirs. Je trouve qu’il y a des parallèles entre la musique bretonne et indienne.

19 – Un dernier mot ?
Patti Smith et son album Horses, 40 ans plus tard c’est toujours une tuerie.

 

Caroline Vannier

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