Ubutopik

Des histoires qui se vivent

Kemar, chanteur de No One is Innocent

Kemar, chanteur de No One is Innocent

No One is Innocent est un groupe emblématique des années 90. Des textes engagés, un son neuf, une énergie qui explose sur scène… À une époque où la fusion est reine, ils font un démarrage remarqué. Ils ont à peine vingt ans quand ils sont programmés aux Transmusicales de Rennes en 1993 (deux ans après Nirvana). Après ça, tout s’accélère… L’année suivante, ils signent leur premier album : No One is Innocent puis l’excellent Utopia en 1997. Deux réussites qui allient maîtrise technique et renouveau artistique : « La Peau » et « Nomenklatura » sont des morceaux si percutants qu’ils resteront d’actualité pour au moins les vingt années à venir. Mais quand on a connu de tels débuts, comment continuer à se construire en tant que musicien ? En 2019, le groupe est toujours là, assumant deux vies. À part Kemar (au chant), les membres de No One ont changé de visages mais le line up actuel est le même depuis quinze ans. Une stabilité qui aboutit aux très bons Frankenstein et Propaganda. Guitares en avant, ambiance rageuse… L’efficacité des riffs et de la rythmique portent avec authenticité les textes de Kemar. Une approche sans concession qui prend tout son sens en live. Et il est vrai que le frontman ne lâche rien, plus que jamais fidèle à ses engagements. Une ligne de conduite qui contribue à renforcer l’identité forte de No One. Mais qu’est-ce qui fait que la passion est toujours là ? Comment cultiver cette énergie sur scène ? Le samedi 9 novembre 2019, quelques heures avant son concert à Chateaugiron, Kemar a accepté de répondre à une dizaine de questions. Un entretien court mais qui apporte de belles réponses. La parole est donnée à un artiste indépendant qui trace sa route.

1 – Pas de musique sans message politique ?
Non, pas forcément. C’est pas parce que l’image de ton groupe est très engagée dans le texte que tu ne dois faire que ça. C’est aussi une bouffée d’oxygène de faire autre chose. Dans Frankenstein, il y a par exemple la chanson « Ali »: on prend beaucoup de plaisir à la jouer sur scène.

2 – Toujours fans des Sex Pistols ?
Ouais, ça reste un groupe important. Notre groupe vient de là (le nom du groupe est le titre d’un single des Sex Pistols). On aime le côté foutraque des Pistols mais on est plus dans la veine de The Clash pour la carrière. Les Pistols, ils ont marqué l’histoire ! Ils ont quand même sorti un album intemporel.

3 – Le son studio de Nomenklatura sur Utopia est très spécifique. De quelle façon la jouez-vous sur scène ? Comment l’abordez-vous à deux guitares ?
Il y a toujours une boucle derrière et une guitare qui reproduit le plus fidèlement possible le son de cette cithare électrique : celle qu’on avait utilisé pour l’enregistrement. L’idée est de rester le plus proche possible de l’originale.

4Sur vos derniers albums, le son est plus brut, plus incisif. Comment travaillez-vous aujourd’hui ? Quel est le point de départ d’une compo ?
Le groupe est stable depuis quinze ans. À part Popy à la guitare, ce sont les mêmes personnes. Cette stabilité, c’est aussi ce qui fait la force des deux derniers albums. On a essayé beaucoup de choses. Il y a un album qui a un peu moins marché que les autres mais ça nous a permis d’avancer. On s’est toujours demandé ce qui est bon pour le groupe : on se retrouve autour de ça.

5 – À l’international avec des groupes comme Nirvana, Rage Against the Machine ou encore Snot… En France avec vous, Lofofora, Silmarils, Mass Hysteria… Dans les années 90, la fusion et le grunge explosaient. Vingt-cinq ans après, quel regard portez-vous sur ces années ?
C’était des années géniales. Une créativité hors du commun en terme de son, d’attitude, de textes… La musique, c’est cyclique. Cette période, elle révoltait, elle enthousiasmait.

6 – Tes textes sont clairs, engagés et sans concession. Est-ce que tu penses à ta façon de les interpréter en les écrivant ?
Oui, clairement. Ça va de paire. C’est un gros travail d’écrire en Français. Tout doit être cohérent. J’écris des textes seul et avec mon pote Emmanuel de Arriba. Il faut absolument le citer, c’est quelqu’un d’important pour moi. L’écriture, c’est une étape exigeante et tant mieux. Il faut que la musique nous raconte une histoire.

7 – Techniquement, la chanson La Peau est un régal en terme de ruptures et de contretemps. Est-ce que vous vous permettez d’improviser certains passages en live ?
Non, c’est un morceau qui se suffit. Depuis un moment, il y a quand même une extension en concert mais c’est tout.

8 – La jeunesse emmerde le Front National, c’est encore vrai aujourd’hui ?
On s’en fout si c’est vrai ou pas. Pour nous, ce sont nos pires ennemis. Les Le Pen, ce sont des gens qui existent toujours mais on oublie qu’ils sont aux portes du pouvoir. Aujourd’hui, la jeunesse s’est scindée en deux. Certains s’impliquent dans l’écologie et c’est très bien mais il ne faut pas oublier les autres combats.

9 – En juin 2015 sort l’album Propaganda avec le titre Charlie. Le 13 novembre, la salle du Bataclan est frappée par les attentats. Le 30 novembre, vous faîtes un concert spécial avec Coco (dessinatrice chez C.H.) et Marika Bret (journaliste chez C.H.). Qu’est-ce qui se passe à ce moment-là ? En terme d’écriture, comment trouver les mots justes pour combattre l’impensable ?
On s’est dit que si on écrivait pas une chanson à ce moment-là, c’était une faute professionnelle. On se devait d’être là.

10 – Reuno s’en va, Kemar arrive… Vos impressions sur les premiers concerts du Bal des Enragés ?
C’est l’extase. C’est un joyaux ce collectif ! Une bande de gars sans égaux qui jouent leur son pour les autres. Hier, c’était la dernière de l’année et c’était émouvant. Je peux te l’assurer, on a eu du mal à se quitter.

Ubutopik

Les commentaires sont fermés.