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Pyjama Party (septembre 2024)

Entre 1992 et 1998, Les Tontons Flingueurs était le lieu incontournable de la musique live à Rennes. Un café-concert qui a permis l’émergence d’un bon nombre d’acteurs de la scène locale. Qu’ils soient organisateurs ou musiciens, tous se sentaient libres de proposer des sons allant du hardcore au reggae. Avec une programmation confiée aux associations, l’endroit était propice à l’expérimentation et à la diversité. Des férus de musique prenaient les commandes pendant une soirée pour y mettre en avant des artistes dans des registres très différents. Une identité forte qui ne s’est pas éteinte avec le temps.

Ce n’est pas un hasard si des présentateurs de Canal B ont fini par investir le troquet de l’avenue Gros Malhon. Dans les années 90, « la radio curieuse »* était bien connue pour la qualité de ses émissions musicales. Yvan, Pierre et Tibo étaient jeunes mais ils faisaient déjà partie de cette maison qui osait parler de tout sans jamais le revendiquer. Ce qu’ils avaient en tête, c’était d’animer une émission régulière aux Tontons Flingueurs. Les Pyjama Party sont nés de cette volonté d’être au cœur de cette salle qui suscitait l’engouement des curieux et des passionnés. Le rendez-vous devait être hebdomadaire (le dimanche) et se faire en direct devant un public pouvant aller jusqu’à deux cents personnes. Un sacré pari ! Yvan devait se débrouiller avec le matériel du moment pour enregistrer et sonoriser les groupes. Pierre et Tibo étaient prévu au devant de la scène, face aux spectateurs. Du direct de A à Z et les aléas qui vont avec. Qu’à cela ne tienne ! Non seulement ils y allaient mais en plus ils y mettaient une échéance : cent émissions. Il faut dire que la fin des Tontons Flingueurs était elle aussi programmée. Quand ils ont repris le bar, les patrons savaient que le bâtiment serait détruit dans les cinq ans. Il a tenu douze mois de plus… une parenthèse. Un compte à rebours qui a peut-être favorisé l’audace et la créativité de cette période.

Les Pyjama ont tapé fort dès le début ! Louise Attaque, Mass Hysteria, Frank Black, Skunk Anansie, Yann Tiersen, Miossec… la liste est longue et les noms des artistes donnent le vertige. Parmi ces pointures musicales, certaines étaient déjà connues mais d’autres ont rencontré leur public sur la petite scène du café-concert. C’était le cas de Louise Attaque : après son passage aux Tontons Flingueurs, il a enchaîné quatre dates aux Jardins des Plantes**.

Le succès des Pyjama a été immédiat. Le bouche à oreille a fonctionné tout de suite. Un paquet de programmateurs en auraient rêvé… et eux, ils l’ont fait si jeunes. Qu’est-ce qui l’explique ? Comment les créateurs de l’émission ont-ils réussi à inviter autant de monde ? En premier lieu, c’était un dimanche et à cette époque, il n’y avait rien ce jour-là. Côté musiciens, Tibo explique que Rennes est bien située : la ville était un passage obligé pour aller d’une salle à une autre en Bretagne. Il précise aussi que lui et ses camarades se tenaient au courant des programmations locales. C’est ce qui s’est passé avec Skunk Anansie : la chanteuse est passée dans leur émission juste avant son concert à l’Antipode. Oui, mais ce n’est pas tout… ce qu’il n’oserait peut-être pas mettre en évidence, c’est l’inventivité de ce rendez-vous et la proximité que le trio avait réussi à instaurer avec le public. La configuration de l’espace n’était pas parfaite : il y avait un poteau qui barrait la salle en deux et une sonorisation compliquée… mais ils ont mis du cœur à l’ouvrage ! Le déroulé se passait à peu près de cette façon : chaque dimanche, les invités jouaient trois ou quatre morceaux et ils se dirigeaient devant le micro de Pierre et de Tibo pour l’interview. Ensemble, ils avaient décidé d’un fil rouge qui laissait une part à l’improvisation. Les présentateurs mettaient en avant les musiciens mais ils n’hésitaient pas à faire le show : ils animaient en pyjama (oui, c’était le week-end et lendemain de fête) et se lançaient des défis. Oh, pas uniquement entre eux ! Ils le faisaient aussi avec les groupes au cours de la rubrique « Chapeau l’artiste » : ils prêtaient des jouets aux musiciens qui les utilisaient pour réinterpréter des classiques du rock (ou leurs propres compositions).

Trois ans…
… cent invités…
Ils l’ont tenue cette promesse.
De 1995 à 1997, ils ont enchaîné les sessions.

Aujourd’hui, il reste un paquet de souvenirs, des enregistrements sur minidisque*** et une voix, celle de Thibaut Boulais. Les autres… comme disait l’un d’entre eux… sont devenus des « cultivateurs de graines artistiques ». Yvan Penvern dit Chef Chef a compté dans le milieu culturel à Rennes. Il a fait de Canal B la radio qu’elle est en la portant au cœur des activités de la ville. Il l’a soutenue jusqu’à son déménagement au 6 cours des Alliés et il en a été le directeur jusqu’en 2012. Il a aussi participé à l’ouverture du Jardin Moderne. Il est décédé il y a 11-12 ans mais l’empreinte qu’il a laissé continue de grandir à travers les acteurs actuels. Pierre Bonnaud surnommé Row est devenu animateur, comédien, musicien et diffuseur. Le spectacle vivant, il y a goûté pendant les Pyjama Party. Il est monté sur les planches des Tontons Flingueurs pendant trois ans et cette envie de poursuivre le direct ne l’a jamais quitté. Figure des arts de la rue, il a créé des spectacles qui ont tourné dans le monde et a prêté son visage a bien des rôles. Il est décédé le 28 décembre 2023 mais lui non plus n’est pas parti sans semer de graines. Il disait « aimer l’étymologie du mot “animation”, du latin animare (“ donner de la vie ”), de anima (“souffle, vie”) ». Le souffle n’a pas disparu… et son travail continue d’inspirer bien des artistes. Thibaut Boulais a commencé la radio a l’âge de onze ans chez Canal B. Cette maison lui a ouvert les portes du journalisme. Elle lui a aussi permis d’affiner un ton, un œil et une narration. En mots et en images, il raconte les histoires de ceux qui s’investissent, créent et font l’actualité. Il a été président de Canal B pendant une dizaine d’années et il y est revenu en mai 2024 pour le Marathon du direct des quarante ans. Il y a fait une spéciale Pyjama Party qui est toujours disponible en podcast. Aujourd’hui, il est journaliste à TV Rennes et réalisateur de documentaires. Même s’il y traite de l’information au sens large, il continue d’aller à la rencontre des acteurs culturels avec une petite caméra. Et la musique… ah, il en connaît en rayon ! Il est à l’image de ces passionnés qu’il a vus arriver de Radio Savane et qui ont fait de Canal B une valeur sûre en terme de punk rock.

Une page se tourne ?
Non.
Le café-concert des Tontons Flingueurs est devenu mythique.
L’émission Pyjama Party aussi.

Et il y a cette parole… celle de Thibaut Boulais qui continue de dire l’actualité, la culture et qui évoque les souvenirs d’une période (pas si lointaine) où tout était possible.

Caroline Vannier

*Surnom donné à Canal B
**Salle de concert à Rennes
***Le minidisque est un support magnéto-optique utilisé pour l’enregistrement principalement dans les années 90

Interview (presque) 30 ans après… avec Thibaut Boulais

1 – Comment est née cette émission ?
L’idée est partie d’un lieu, Les Tontons Flingueurs. C’était un bar qui était situé sur le canal Saint-Martin à Rennes. Certains associés du café étaient proches de Canal B. C’est aussi tout de suite devenu le QG d’associations qui organisaient des concerts. Il faut expliquer que les deux étaient liés. À la radio, les présentateurs d’une dizaine d’émissions faisaient jouer des groupes. Avec Yann et Pierre (dit Row), on cherchait à proposer un rendez-vous régulier le dimanche (de 18 h à 19 h 30), un jour où il n’y avait pas de concert. On était jeunes et on s’est dit qu’on ferait comme chez nous un dimanche et qu’on resterait en pyjama : il y en avait un vert pour Pierre et un rouge pour moi. Je crois que que je les avais achetés à Eurodif (chaîne de magasins de déco et de vêtements). À l’époque, il n’y avait rien le dimanche et ça a marché tout de suite.

2 – Pour ceux qui n’ont pas connu les Tontons Flingueurs, comment décrirais-tu ce café-concert ?
Un lieu qui était fait pour les concerts. Il y avait de la place pour accueillir du monde : les patrons voulaient recevoir des musiciens. Ils l’avaient prévu pour ça mais ils savaient que ça ne durerait pas, ils avaient tous gardé leur boulot à côté. Il y avait un compte à rebours, ils étaient prévenus que l’immeuble serait détruit dans les cinq ans. Il a tenu un an de plus. Pareil pour lesPyjama Party, on avait dit qu’on arrêterait à cent émissions.

3 – Comment les groupes se préparaient-ils pour les défis de la rubrique « Chapeau l’artiste » ?
Ils n’étaient au courant de rien. Le plus souvent, on leur demandait d’écrire une chanson. Mass Hysteria a relevé le défi de refaire un de leurs morceaux avec des jouets. Denez Prigent a repris IAM en breton. The Married Monk a fait une reprise d’AC/DC. On n’a pas osé avec Louise Attaque parce que ça ne c’était pas bien passé avec Miossec.

4 – Faire de la radio devant un public en pyjama, ça change tout ?
Il ne fallait pas avoir peur du ridicule ! Après ça, tu peux tout faire. Row et moi, on se donnait aussi un défi par émission. Je me rappelle avoir fait des tours de solex autour des Tontons Flingueurs. Il faut dire qu’on était tous dans un état vaporeux le dimanche. Les gens avaient pas mal bu et fait la fête la veille. On osait sans doute plus !

5 – Comment étaient les débuts de Mass Hysteria et de Louise Attaque ? Mass Hysteria, c’était des copains. Quand ils sont venus, leur premier album cartonnait déjà. Nous, on avait pas du bon matériel. Malgré les efforts d’Yvan à la technique, on arrivait pas à fournir ce qu’il fallait pour du bon gros son à la Mass Hysteria. Ça reste un très bon souvenir. Ils ont joué le jeu ! Ce sont des types bien. Louise Attaque, ils n’étaient pas encore connus. Ils étaient venus parce qu’ils étaient programmés au Jardin des Plantes à Rennes : ils avaient peur de ne pas remplir la salle. Quand ils ont joué aux Tontons Flingueurs, la salle était pleine et ils ont enchaîné quatre soirs de suite au Jardin des Plantes.

6 – Tu as toujours le numéro de Frank Black ? Peux-tu nous en dire plus sur cette rencontre ?
Frank Black jouait au Rock’n Solex et on s’était dit qu’on pourrait en profiter pour l’inviter à l’émission. C’est Row qui a appelé la maison de disque : quelqu’un nous a donné un numéro mais on ne savait pas que c’était celui de Frank Black. Quand il a décroché, on était tous autour de Row. Il a mis le haut-parleur et le mec a tout de suite dit oui. C’est fou parce qu’une fois sur place, on s’est aperçus qu’il gérait tout de A à Z. Il n’avait pas de grosse équipe derrière lui. Il a déchargé son matériel du camion et il s’est occupé de la technique. On avait programmé une interview de dix minutes avec lui et la maison de disque nous avait dit de ne surtout pas parler des Pixies. C’est ce qu’on a fait et quand il a commencé à jouer, il a interprété Where Is My Mind. Alors là, on n’a pas compris. On lui a posé la question à la fin de son concert et il nous a dit qu’il n’y avait aucun problème, que les Pixies c’était sa vie. Comme quoi, il ne faut pas forcément écouter ce que racontent les maisons de disque.

7 – C’est quoi un générique à la noix ?
Comment ça un générique à la noix ? Ah oui, celui de l’émission. C’était DJ Zebra qui l’avait fait. Il avait mélangé du ragga avec du biniou et il y avait Évelyne Dhéliat (présentatrice météo) qui répétait qu’il allait pleuvoir partout sauf en Bretagne où il y aurait grand soleil. On a essayé de le changer mais on n’a jamais réussi.

8 – Le mot de la fin ?
C’est une aventure de fou d’avoir fait cette émission avec mon meilleur pote et dans un bar génial. Canal B suscite des vocations ! Pierre est devenu acteur et moi journaliste.

Liste des groupes et des musiciens qui ont participé à l’émission Pyjama Party

  1. MIOSSEC
  2. LOUISE ATTAQUE
  3. DEUS
  4. FRANCK BLACK PIXIES
  5. MASS HYSTERIA
  6. CORNU
  7. BIG SOUL
  8. LITTLE RABBITS
  9. DOMINIC SONIC 
  10. SCOTT TAYLOR 
  11. LES WAMPAS
  12. MATMATAH
  13. JAVA (2X)
  14. CASSE PIPE
  15. JACK O LANTERN  w de tes
  16. TERMINAL BUZZ BOMB
  17. MARRIED MONK 
  18. OLYMPIA
  19. YANN TIERSEN
  20. DOMINIQUE A FRANÇOISE BREUT 
  21. SKIPPIES
  22. SIMBA
  23. FOU
  24. LO’JO
  25. EKOVA
  26. BUBBLIES
  27. POLO
  28. SERGENT GARCIA 
  29. TAGADA JONES 
  30. BILLY ZE KICK
  31. SKUNK ANANSIE
  32. BENABAR
  33. DENEZ PRIGENT
  34. MAGIC SURFERS
  35. BUBBLIES
  36. GREENFISH
  37. CASTFIORE BAZOOKA
  38. MARCEL ET SON ORCHESTRE
  39. GWENFOL
  40. GUNNERS
  41. TENORS DE BREST
  42. LES CLOWNS ELECTRIQUES
  43. TWIN BEES
  44. LA FAMILLES BOOST
  45. BOUFFE PAR LE CRABE
  46. BRUNO GREEN
  47. WITCHERRY WILD
  48. SMOOTHY FILTH
  49. RAGGAMINS 
  50. CANDIE PRUNE
  51. LES NAINS DE JARDIN 
  52. NAMAS PAMOS 
  53. WANTED SOUND SYSTEM 
  54. MAD PLANES
  55. OUF LA PUCE
  56. RED CARDELL 
  57. ???????????????????????????????????????????????

Fanzine n°4 spécial Scène Locale

Ubutopik met en avant les acteurs de la scène locale. Un coup de projecteur sur une dizaine de passionnés qui travaillent au quotidien avec des groupes professionnels et amateurs.  À Rennes, rencontre avec Louis Carrese (5 ans de présidence au Jardin Moderne), Marilyn Berthelot du label Ideal Crash, Seb Blanchais de Rockin’ Bones et du label Beast Records, les Mass Murderers, Damien et Lorène de La Crypte (émission Canal B), Amandine Briche de Culture METAL, Canal B fête ses 40 ans ainsi que Tibo Boulais raconte les Pyjama Party (émission Canal B). Les articles et les interviews ont été réalisés entre 2021 et 2024.

Tarif : 5€.
Reliure artisanale.
Imprimé chez Bug à Rennes.


Ludovic Poncelet – lecteur / correcteur

Bibliographie :

  • Gazette Culturelle 1 : Canal B fête ses 40 ans (mai 2024)
  • Gazette Culturelle 2 : La Courte Échelle a 40 ans (juin 2024)
  • Gazette Culturelle 3 (sortie prévue en octobre-novembre 2024)

Gazette Culturelle

La Gazette Culturelle raconte l’histoire et les pratiques de ceux qui agissent pour la musique, le spectacle vivant, le cinéma, la littérature et l’art. Chaque numéro est traité à la façon d’un reportage qui mêle écrits et photographies. Il s’ancre dans un lieu, une activité, à Rennes ou ailleurs (Bretagne et Loire-Atlantique). La Gazette est pensée pour être consultée sur papier. L’idée est que le lecteur puisse s’approprier l’objet (inspiré du fanzine) et qu’il prenne le temps de découvrir les approches des porteurs culturels. Le format (feuille A3 avec jeux de pliages) est conçu pour faciliter l’impression et la transmission.
Le support numérique n’est toutefois pas oublié : il est prévu pour des numéros inclus dans les abonnements individuels.

Numéros de l’année 2024 :
– N°1 : Canal B fête ses 40 ans (mai 2024)
– N°2 : La Courte Échelle a 40 ans (juin 2024)
– N°3 : L’archive actualisée de l’année ou Parole de passionné (octobre 2024)
– N°4 : Rencontre avec les éditeurs Rageot et Didier Jeunesse + coups de cœurs des bibliothécaires du comité lecture romans enfants de la Métropole.


Tarif (format papier) : 2 €.
Impression sur papier journal recyclé.
Périodicité : 4 à 6 numéros par an.

Abonnement pour les particuliers : 15 €.
Comprend 2 numéros papier + 2 à 4 formats numériques + possibilité de voter au prix de la presse musicale professionnelle et alternative*.

Abonnement pour les professionnels : 25 €
Numéros imprimables pour distribution au public + possibilité de participer au prix de la presse musicale professionnelle et alternative*.
La Gazette Musicale peut être proposée en bonus selon les lieux (SMAC, médiathèques avec fonds CD ou vinyles…).

*Prévu pour septembre 2025.


Canal B fête ses 40 ans

Radios libres, fanzines, cafés-concerts… les années 1980 ont semé un vent de liberté dans le milieu culturel. Le Do it yourself (Faites-le vous même) a permis d’ouvrir une autre voie, celle de l’alternative. Et quel souffle ! Un paquet de passionnés ont pris la parole et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils ont fait bouger les lignes. Dans le domaine musical, ils ont favorisé l’émergence de groupes ignorés par les médias classiques. Indépendants, activistes, dénicheurs de talents… peu importe l’adjectif ou le nom qu’on leur attribue, ces acteurs de l’ombre sont allés au bout de leurs propos. En cassant les codes, ils sont devenus les pionniers d’un nouveau genre de traitement de l’information. Oui, mais qu’en est-il aujourd’hui ? À l’heure d’Internet et des réseaux sociaux, que sont devenus ces intermédiaires qui donnaient à réfléchir ?

À Rennes, il existe encore des irréductibles. Canal B est née en 1984 et 40 ans plus tard, elle est toujours là. Pirate. Oui, c’est de cette façon que l’histoire de cette radio associative débute. Pendant presque dix ans, sa fréquence a oscillé entre 87 et 104 MHz : loin des podcasts, il fallait jouer des potards pour la trouver. Dans ses toutes jeunes années, la radio démarre en club à la MJC de Bruz (le B de Canal B correspond à la première lettre de cette ville). À cette époque, elle n’émettait que le week-end mais elle a très vite élargi ses créneaux à la semaine entière (avant de passer à 24 h/24 h). En 1986, des recrues issues de Radio Savane (qui devient une franchise de Fun Radio cette même année) arrivent aux côtés des débutants. Des gens férus de musique qui galvanisent les troupes ! Avec eux, Canal B devient une référence punk rock comme le rappelle Yann Barbotin (programmateur musical et journaliste culturel à Canal B) : « à la fin des années 1980, on entendait Sonic Youth, les Pixies, un peu de Rap et de musiques Electroniques. À ce moment-là, à part dans les émissions de Bernard Lenoir sur France Inter, on n’entendait pas ces genres de musique à la radio » (réf. Corlab).

Une radio qui ouvre l’horizon… et qui n’hésite pas à s’investir hors les murs. La musique est au cœur des actions de Canal B. Un engagement porté par ceux qui ont participé à la faire connaître. Yvan Penvern est l’un d’entre eux. Il commence comme bénévole à la technique pour l’émission Les Grignou. Par la suite, il devient le premier salarié de la structure et en est nommé directeur jusqu’en 2012. C’est avec lui que Canal B obtient des locaux au Grand Logis à Bruz : un espace qui intégrait l’asso à un ensemble culturel plus vaste (avec cinéma, médiathèque…). L’engagement dans Ferarock (Fédération des radios associatives musiques actuelles), c’est lui. Il est aussi l’un des fondateurs du Jardin Moderne : une asso rennaise qui est née de la volonté de proposer des lieux de répétitions et de concerts aux musiciens. Le monsieur a compté et il a longtemps été décrit de cette façon sur les pages de Canal B : « Yvan Penvern, [la voix rauque …] un sourire à faire pâlir d’envie Colgate, 1,82 m, cheveux noirs, yeux noirs. Spécialité : Mister History of a rock city. Activiste de la rockitude éclairée. Également directeur chef chef de la radio, le tout d’une main de fer dans un gant en matière moderne, souple, douce et qui sèche vite. » (réf. Ouest-France, 28/08/2012). Il est décédé depuis déjà plus de dix ans mais les chantiers qu’il a menés ont inscrit la radio dans la vie culturelle du territoire. Et pour ce faire, il était important d’être basé à Rennes…

En 2007, l’équipe salariée et les bénévoles déménagent dans les locaux du centre commercial du Gast, à Maurepas. Ils y restent jusqu’en 2015. Depuis neuf ans, c’est à la Maison des associations (6 cours des Alliés) qu’ils ont posé leurs valises. Côté technique, les changements sont tout aussi notables : le 13 mai 1992, Canal B passe officiellement au 94 MHz… ce qui veut dire qu’elle devient une fréquence autorisée. Pirate elle ne l’est plus, mais libre elle le reste. Pour le comprendre, il suffit de jeter un œil à la grille des programmes d’aujourd’hui : cinéma, musique, théâtre, littérature, écologie, féminisme… Il y a 59 émissions (55 produites par Canal B et 4 extérieures) qui vont des plus originales (94 degrés à l’ombre, Bonjouir, Gabuzomix, Gymnastique sonore) aux incontournables (Zion Highway, FTS, Ost Berlin, Les Ateliers radiophoniques), en passant par celles de la première heure (Blueshit, Kérozène, Lollypop, Un poco too much, Plume et Pinceau, Les Grignou)… Pour en avoir une idée plus précise, il ne faut pas hésiter à regarder le référencement sur le site Internet. La liste est foisonnante ! Et puis, il y a cette façon de présenter qui est propre à chacun. Les débutants, les anciens, les professionnels… tous se côtoient avec leur différence. Passé, présent… quelque soit la génération, une bonne moitié continue aussi à privilégier le direct… Certains d’entre eux apportent même des vinyles. Et oui… À l’heure du numérique, il est inévitable de préciser qu’aux débuts de Canal B cette galette était LE support pour passer de la musique. Thibaut Boulais – qui a été bénévole dès l’âge de 12 ans et président une douzaine d’années – en parle ici : « la radio me donnait 50 francs par mois pour aller acheter des 45 tours au magasin Rallye de Bruz. Je passais des heures dans le rayon pour ne pas me planter » (réf. 20 minutes, 2014). Quant au direct, il l’évoque aussi dans les manifestations extérieures comme les Pyjamas Parties, des soirées qui étaient organisées le dimanche dans l’ancien café-concert Les Tontons flingueurs : « c’était plein à chaque fois, les groupes venaient jouer en acoustique, Deus, Miossec, Benabar, Louise Attaque… De supers moments. » (Ouest-France, 2014). Les salariés continuent aujourd’hui de sortir des locaux. Ils proposent des projets d’éducation aux médias, des reportages (quotidienne d’info locale)… mais aussi des émissions qui prennent part aux manifestations culturelles de la Métropole.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur Canal B tant elle garde cette aura propre aux radios libres. Avec 6 salariés et 98 bénévoles, la grille offre une diversité d’émissions qui ne pâlissent pas sous le poids des années. Tout se raconte sur Canal B. Il n’y a pas de règles… mais l’originalité, l’éthique et l’engagement accompagnent chaque projet. Artistes émergents, musique (tout genre confondu), parole donnée aux invisibles et à ceux qui agissent (pour l’environnement, pour le dynamisme du territoire et contre les discriminations)… « la radio curieuse » porte bien son nom. Dans une société devenue trop conformiste, elle favorise l’échange et l’esprit critique. Certes, les générations passent mais la liberté d’expression perdure. Comme quoi, même après 40 ans Canal B est toujours animée par la flamme de ses débuts !

Caroline Vannier

Sur le web :
https://www.canalb.fr/
https://www.facebook.com/CanalB
https://www.instagram.com/radiocanalb/?hl=fr

Gazette Musicale

Depuis 2012, la mission de collectage autour de la musique est devenue une dominante chez Ubutopik. Un projet à long terme qui passe par l’élaboration de portraits d’acteurs locaux (avec nos fanzines) et par des rencontres avec des artistes de tout horizon (avec nos gazettes). Si la volonté de recensement se mue en étude, il est certain qu’elle passe d’abord par une meilleure compréhension de la réalité de terrain des musiciens. Au-delà des statistiques, c’est en texte et en image que les profils se dessinent. Qu’ils soient de passage ou habitants de la Métropole, nous vous parlerons de ceux qui font la musique à Rennes.

Numéros publiés :
– N°1 : Les groupes pendant le Covid (avec Volac et Clavicule)
– N°2 : Focus sur 9 groupes qui répètent au Jardin Moderne
– N°3 : Focus sur 2 groupes punk du label Mass Prod (avec Charly’s Angels et les Mass Murderers)
– N°4 : Focus sur le metal progressif (1 an avec Mantra + interviews de Klone et HamaSaari)

Tarif (format papier) : 2€.
Impression sur papier journal recyclé.
Périodicité : 2 à 4 numéros par an.

Tarif (format numérique) : 1,60€.
Fichier PDF.


Interviews : les Cris de Gaïa (soirée organisée par Season of Sound) au Jardin Moderne (6 octobre 2023)

ZeWitches

1 – Genre musical : Nous avons défini “Tribal soul”, pour le côté son de notre tribu et aussi pour nos influences communes soul, blues, jazz.
2 – Membres du groupe : Laina Fischbeck , Ludivine Laude , Kenza El Hajjam , Léore Laennec.
3 – Date de création du groupe : 2018.
4 – Cadence des répétitions : Environ 1 fois par semaine, avec des résidences tout les 2 ou 3 mois.
5 – Combien de concerts par an ? Entre 10 et 15 , nous avons toutes des vies bien remplies d’autres carrières et vie de famille, aussi il nous est parfois difficile de nous consacrer autant que nous le souhaiterions à la musique .
6 – Des enregistrements à votre actif ? Un EP 5 titres en 2019 qui s’appelle “From Soul to Sky” et un tout nouveau qui devrait sortir en avril 2024 !
7 – Des autodidactes dans le groupe ? Nous sommes 3 à être vraiment sans formation musicale. La musique à un niveau professionnel est apparue dans nos vies avec le projet ZeWitches , comme quoi il est possible à n’importe quel moment de sa vie de décider de se dédier à une passion !
8 – Une référence musicale commune ? Nina Simone.
9 – Quand les voix sont l’instrument principal du groupe, quel est le point de repère ? Y a-t-il une voix directrice ? Il y a toujours un repère un peu rythmique, ne serait que dans le corps, un balancement, un pied ou une main qui marque le temps…
Pas toujours, dans ZeWitches nous faisons du 4 voix en polyphonie, et s’il y a un lead, nous en changeons parfois même dans le morceau !
10 – Votre musique est-elle propice à l’improvisation ? Même si les morceaux sont très structurés, il y a toujours des passages qui laissent place à l’improvisation. C’est aussi au cœur de nos souhaits sur le nouveau set live de faire plus de place à l’improvisation …

Sur le web :
https://www.facebook.com/profile.php?id=100063543578472

Baäst

1 – Genre musical : Vocal-electro. On est toutes multi-instrumentistes mais pour ce projet, on a décidé de mettre les voix au centre de tout.
2 – Membres du groupe : Juliette, Léna, Hélène, Marie, Claire et Victor qui intervient pour les samples.
3 – Date de création du groupe : 2019
4 – Cadence des répétitions : Une fois toutes les 2 semaines. On fait des résidences aussi.
5 – Combien de concerts par an ? C’est très inégal. On en fait pas beaucoup mais on se fixe toujours un gros objectif par an, comme un enregistrement. 6 – Des enregistrements à votre actif ? 2 titres en studio et une captation live.
7 – Des autodidactes dans le groupe ? Non.
Marie, Juliette et Léna : on a fait l’école du Pont supérieur (DNMSPM). Hélène : j’ai fait le conservatoire et j’ai continué en chant.
Claire : je pratique le piano et j’ai été formée à l’enseignement de la musique. Par contre, j’ai développé le chant moi-même.
8 – Une référence musicale commune ? Jeanne Added ! On est toutes tournées vers des artistes féminines. Björk aussi ! Camille en artiste française et Ariana Grande pour le hip-hop.
9 – La partie musique sample s’est-elle adaptée aux voix ou est-ce l’inverse ? Elle s’est adaptée aux voix. L’arrangement vocal est très en avant. Après, la structure est en constante évolution.
10 – Comment communiquez-vous sur scène ? Chantez-vous dans une configuration particulière ? On prévoit beaucoup de déplacements. On a bossé les transitions. On a pas du tout le droit à l’erreur : il faut se synchroniser avec la prod. On a chacune des diapasons. On est passé sur des micros sans fil : ça nous allège sur scène, ce qui nous permet de bouger.

Sur le web :
https://www.facebook.com/BaastVocalGroup

Louv

1 – Genre musical : Electro tribale.
2 – Membres du groupe : C’est un projet solo mais je tourne avec Alex, mon technicien son.
3 – Date de création du groupe : Le premier concert était en 2018.
4 – Cadence des répétitions : Elles dépendent beaucoup des dates de concert. J’ai de grosses sessions Louv. Ça fait partie de mon quotidien. Il y a aussi le travail de création qui se fait davantage l’hiver quand il y à moins de concerts.
5 – Combien de concerts par an ? Une quinzaine de dates.
6 – Des enregistrements à ton actif ? Oui, un EP 7 titres qui est sorti en 2021.
7 – Autodidacte ? Oui en partie. Au lycée, j’ai pris des cours de guitare et j’ai tout de suite eu envie de composer, d’écrire et de chanter. Plus tard, j’ai pris des cours de chant pour aller plus loin dans ma pratique, curieuse d’explorer tous les possibles. J’ai commencé à m’intéresser à l’électro et à mettre les mains dans les machines… Et puis l’école de la vie, les gens que j’ai rencontré m’ont aussi tellement appris. Mon travail repose beaucoup sur l’expérience et les rencontres. Dans Louv, les textes sont écrits en français puis traduit dans de nombreuses langues, mon envie c’est de chanter la diversité. J’ai par exemple travaillé avec un ami, Ibrahima, qui m’a aidé pour une traduction en Wolof (un dialecte du Sénégal) pour le morceau Gadday, ce qui veut dire s’exiler, un morceau en hommage aux réfugiés.
8 – Une référence musicale ? Björk.
9 – La musique est-elle un art éphémère ? Oui, pour la musique live. C’est un moment inscrit dans un présent. Pour l’artiste comme pour le public c’est du partage et en même temps, un instant avec soi, dans sa propre perception du moment. Après, les supports permettent de le faire durer, le remémorer, cela active le souvenir, l’émotion, un peu comme une madeleine de Proust.
10 – Chanter en français, est-ce une façon de contraster ou au contraire d’accentuer l’aspect onirique de ta musique ? J’aime bien aussi chanter dans ma langue, ça m’offre un autre champ d’écriture de jouer avec la poésie des mots. C’est aussi pour l’auditeur qui parle cette langue un accès direct au sens, au propos.

Sur le web :
https://www.facebook.com/louvmusicsolo
https://louv.bandcamp.com/album/ep-louv
https://ditto.fm/louv_de9a0dc5a1?fbclid=IwAR2wGwpf14t0OxMkAw1Cz2v-SbQtewgwRijaO-v1fHd6tr7SoPO-Ga9pPIs
https://www.youtube.com/channel/UCU5Znsp1kbuOFVMQP0LhC8g

Mass Murderers (octobre-novembre 2023)

Il y a des histoires qui ne laissent pas indifférents. Des récits portés par des voix si claires qu’il est difficile de ne pas les écorcher dans un article. Les musiciens de Mass Murderers font partie de ces protagonistes qui parlent du punk avec l’étincelle de leurs débuts. Ils n’ont rien oublié. La route, les groupes, l’énergie du live… Des moments forts et fugaces qu’ils continuent de vivre aujourd’hui. Les passionnés n’arrêtent jamais. Pour eux, le temps est un allié : il burine la matière, donnant du corps et de l’aisance à des morceaux sans âge. L’expérience vient à force de pratique. La scène, les heures passées en local de répète… Un fer de lance qui permet aux musiciens de se comprendre et d’aiguiser leur relation à l’instrument. Et puis, il y a la ferveur. Quand elle reste intacte, la soif de découverte ouvre la créativité. Les Mass M. sont faits de ce bois-là. Déjà près de trente ans que leur regard est rivé sur ce chemin des possibles. La musique… Une aventure sans fin qui fait vibrer un quotidien… Une passion d’adolescent qui est devenue celle de toute une vie…

Tout commence à Saint-Brieuc dans le courant des années 80. À cette époque, Laurent (chant/guitare) et Gaëtan (basse) ont 13-14 ans. Ils habitent dans le quartier Balzac. Du bitume, des barres d’immeubles, des terrains vagues… Le décor est planté. Ici, rien n’a bougé depuis 1960. Après la guerre, la population avait fortement augmenté et il fallait faire face à une pénurie de logements. La destruction de bâtiments insalubres et l’arrivée d’appartements tout confort marqua un tournant dans ce qui allait devenir l’un des principaux quartiers ouvriers de la ville. Oui, mais c’était il y a plus de vingt ans… Au beau milieu des années 80, le constat est sans appel : l’ensemble a mal vieilli et les familles s’entassent dans des espaces devenus trop petits. Les habitants naviguent dans un monde laissé à l’abandon, loin des idées initiales de désenclavement : « heureusement qu’on a fait de la musique, sinon on aurait fait de la prison comme tous les gars du quartier. » À peine sortis de l’enfance, Laurent et Gaëtan s’échappent par la musique. Ils fréquentent les Fest-Noz. Les deux amis grandissent aussi en plein essor des radios libres et des fanzines. Des médias qui leur permettent de découvrir des groupes qui mêlent metal, punk et hip-hop. C’est le déclic. Ils commencent à écouter des formations comme Poison Idea, Parabellum, The Business, The Oppressed, Blast… Et puis, il y a Camera Silens à Bordeaux qui explose sur la scène underground. Le groupe représente une forme d’urgence, de colère et d’authenticité*. Il porte les influences du punk anglo-saxon et de la mouvance skinhead des années 70. Deux courants que tout semble opposer… Et pourtant, c’est bien plus compliqué qu’il n’y paraît… Une courte explication s’impose. Les punks ont une apparence qui se veut en marge de la société (spike**, tatouages, Doc Martens…) : « oui, intervient Laurent. Mais ce n’était pas une mode. C’était un engagement. Cracher sur la société oui, mais sans se politiser. Avoir des idées, en parler… mais ne pas faire de la prophétie. » Les skinheads n’étaient pas politisés non plus. Ils se réclamaient du mouvement ouvrier et arboraient un crâne rasé. La dérive fasciste n’est apparue que dans les années 80 (elle a atteint son pic entre 1985 et 1995). Pour les musiciens, il est toujours très compliqué de les voir s’imposer dans la fosse : « les nazis, quand ils arrivent, il faut tout de suite réagir. Il faut les arrêter direct. » Camera Silens représente une période clivante. Des années où les courants musicaux émergent dans une société déstructurée qui va déjà trop vite. Le groupe n’a pas eu le temps de s’essouffler : il prend fin avec une série de casses et la cavale de leur chanteur, Gilles Bertin. L’homme est recherché pendant 30 ans pour le vol des coffres de la Brink’s. Il n’a tué personne. Tous ses camarades sont arrêtés mais aucun de ses amis ne dénonce. Déclaré mort par le tribunal, il se livre à la police en 2016, cinq ans après la naissance de son second fils. Une vie de gangster, proche d’un scénario à la Heat de Michael Man… mais sur ce coup-là, c’est la réalité qui s’exprime ! Et une vie de cavale n’a rien d’un film hollywoodien. Les deux mômes qu’étaient Laurent et Gaëtan n’ont jamais oublié cette histoire. Elle est indissociable du mouvement punk qu’ils ont connu : « Gilles Bertin en a fait un bouquin. C’est comme ça qu’il voulait laisser une trace. Il m’a même écrit un message quelque temps avant sa mort » s’étonne encore le chanteur des Mass Murderers.

« On est tous autodidactes. C’est de l’artisanat. » La musique, Laurent et Gaëtan s’y mettent dès qu’ils le peuvent. Ils y vont franchement ! C’est de cette façon qu’ils commencent, en essayant. Ils apprennent, font des erreurs, s’obstinent… Ils ne comptent pas les heures à jouer et à parler musique. Et puis, un jour, ils tombent sur Marco (guitare) qui est en répète. Avant leur rencontre, le musicien avait déjà intégré plusieurs formations. C’est avec Laurent qu’il monte un premier projet commun : Death Penalty et par la suite Slumlords. Gaëtan, lui, rejoint Brain Diggers. Le bassiste connaît un premier concert au Merzer, du côté de Guingamp. C’est un franc succès ! La salle est pleine ! Il n’en revient pas. Au fil des mois, les formations des 3 potes fusionnent pour devenir Mass Murderers. Côté batterie, c’est Rico qui prend place derrière les fûts. En quelques mois, ils écrivent et composent des morceaux qui font mouches. Le groupe démarre sur scène avec une fête de la musique en 1992… et à partir de là, tout s’accélère. Guidés par l’engouement local, les quatre musiciens bougent à Rennes en 1994 et investissent la Fun House comme lieu de répétitions. C’est aussi là-bas qu’ils font leur premier enregistrement. De cette expérience naît une démo : en 1995, elle sera réunie sur CD avec un 45 tours. Et puis, il y a les live… Les Mass M. rassemblent un public qui vient du punk et du metal : « on a écumé tous les cafés concerts de Bretagne ! Il y en avait beaucoup dans le Morbihan. On voyait qu’on avait fait un bon concert aux marques de chaussures au plafond » raconte Gaëtan. « On a joué un peu partout en Bretagne. On a aussi fait l’Antipode quand il était en travaux, dans le grenier » ajoute Laurent. Dès le milieu des années 90, ils partent en tournée à l’étranger. D’abord la Hollande et puis, la Suisse, la Belgique, l’Angleterre, la République Tchèque, l’Allemagne, la Pologne, la Slovaquie, l’Italie… L’album « DRIP » sort fin 1996, gravant dans le marbre des morceaux peaufinés dans un paquet de pays. Avec lui, naît Mass Prod : un label rennais qui s’est construit autour du groupe. Il produit cette première galette et par la suite, il continuera à promouvoir la musique punk. Les Mass Murderers fédéraient-ils ? Oui… et ils inspirent bon nombre de formations telles que Melmor (punk celtique), 22 Longs Riffs (auparavant La Zone), Urban Attack… Et toujours la scène ! Les propositions tombent et ils honorent de belles dates au BenevoloRock, au Carnavalorock et à l’hippodrome de Loudéac où ils font la première partie de Motörhead. Ils vont aussi à Bordeaux, une ville qui garde l’empreinte de Camera Silens : « on a même joué à la fac, là-bas ». Punk, ils le sont et ils refusent les étiquettes. Leur liberté, ils y tiennent. Ils tournent avec des groupes qui partagent les mêmes valeurs mais pas forcément le même style musical : « Call Jah Crew, par exemple. Ils faisaient du dub/reggae ! » Le quatuor joue et se lie d’amitié avec Sven et Shultz de Parabellum : « on les a rencontrés au Barracuda à Plérin. » Un groupe qu’ils écoutaient quand ils étaient mômes ! La boucle serait-elle bouclée ?

Le groupe s’arrête en 2000. Les musiciens prennent des chemins différents mais ils n’abandonnent pas la musique pour autant. Ils jouent ailleurs, développent d’autres techniques… Laurent rejoint les Ramoneurs de Menhirs : il s’occupera de leur son façade pendant 15 ans. Gaëtan continuera dans Bad Bad Seed (chant et basse). Un groupe qui sera marqué par le décès brutal de son batteur mais qui parviendra à reprendre les chemins de la scène avec le cogneur d’Urban Attack. Marco tiendra la guitare dans plusieurs formations dont les Trotskids : « C’est le premier groupe que j’ai vu en répète et c’est le dernier avec qui je suis monté sur scène. Ça fait 7 ans ! » Une reformation des Mass Murderers serait-elle possible ? Oui, d’abord en 2010 et puis là, en 2023… Depuis 13 ans, c’est Simon qui tape sur les fûts. Un musicien qu’ils ont rencontré tout jeune en concert et qui a su trouver sa place. Il vient du punk mais il se tourne aussi vers le hardcore avec des formations comme Hard Mind : « les univers sont proches. Il y a toujours eu une scène très intéressante qui mêle punk et hardcore » explique Laurent.

Aujourd’hui, l’aventure semble entamer un nouveau chapitre… Le vendredi 21 octobre 2023 au Carnavalorock, les Mass Murderers ont fait un retour très remarqué sur scène. Et ce qui devait être un concert unique donne de belles perspectives pour 2024 : un live le 3 février pour les 25 ans de Breizh Disorder (organisé par Mass Prod) à Rennes et deux autres dates en mai dans le Nord ainsi qu’à Brest. Cet élan pourrait-il s’accompagner de nouveaux morceaux ? Sait-on jamais… C’est tout ce qu’on peut souhaiter au public d’hier et de demain. Porter un message non politisé, anti-raciste… et se réunir autour de la musique… Des valeurs qu’il est bon d’entendre et que font résonner les Mass Murderers depuis presque trente ans. Dans un monde à la dérive, on a peut-être besoin de plus de punk qu’on ne le pense.

Caroline Vannier

Merci à l’équipe de Mass Prod pour la relecture
*Référence livre Trente ans de cavale, ma vie de punk (Gilles Bertin)
** Coupe de cheveux punk (cheveux dressés sur la tête)

Sur le Web :
https://www.facebook.com/profile.php?id=61552985310646
https://www.massprod.com/groupes/massmurd.htm
https://www.instagram.com/mass_murderers_BZH/?fbclid=IwAR0qODEQrMCaxq2HYLtoOd41MzLF5IQJlsqN0u8X-5-zK7ieSH7FDvd6tJE

Amandine, fondatrice du webzine Culture METAL (hiver 2022-2023)

Cheveux bouclés et tout de noir vêtue, Amandine Briche est une silhouette qui compte dans la scène Metal Rennaise. Les années passent et elle ne ralentit pas. Déjà 8 ans, qu’elle s’investit quasi quotidiennement dans le webzine Culture METAL. Ce média, elle l’a d’abord conçu sous la forme d’un site Internet puis elle l’a très vite étendu aux réseaux sociaux. Toutes les informations y sont traitées comme des brèves journalistiques : une ligne éditoriale claire, centrée sur l’actualité et la rétrospective. Dans ce zine consacré aux musiques extrêmes, pas de critiques d’albums et très peu d’interviews. La fondatrice a dédié son projet à l’instant présent. Elle tient à garder un ton neutre pour restituer au mieux la réalité des concerts.

Culture METAL prend ses racines dans le live. Sur le fond et la forme, le webzine a été pensé comme une passerelle entre les spectateurs et les groupes. Amandine a cette volonté d’ouverture : elle cherche à convaincre les gens de découvrir les artistes sur scène. Le Metal se vit en direct et c’est seulement à partir de là que chacun peut se faire son opinion. Elle, refuse de la donner dans ses articles. Elle ne veut en aucun cas influencer ses lecteurs : son but est de retranscrire ce moment qu’est le live pour susciter l’intérêt. Pour continuer à interpeller, elle invite même, ceux qui méconnaissent ce genre musical, à consulter la rubrique « Musiques extrêmes (reviews & interviews) ». Les galeries photos ne manquent pas non plus. Du texte à l’image, elle ne cesse d’apporter les preuves que les concerts de Metal sont singuliers et bien vivants.

En musique, tout se passerait-il sur scène ? C’est en tout cas dans cette direction qu’Amandine porte son regard. Hellfest, Motocultor, Metal Days… elle n’hésite pas à fouler les kilomètres pour aller à la rencontre du spectacle vivant. En France ou à l’étranger, les grands comme les petits festivals attisent sa curiosité. Chaque semaine, elle passe aussi au crible l’actualité des cafés concerts de la région Rennaise et Nantaise. Là encore, elle se déplace beaucoup. Avec son appareil photo, elle fige les mouvements des artistes depuis la fosse. Elle le fait au gré des demandes d’accréditations mais pas que… Oui, il lui arrive de venir les mains dans les poches pour s’imprégner de l’ambiance au milieu de la foule. Amandine est avant tout une passionnée et c’est ce qui fait la force de son webzine. Une appétence artistique qui la mène à élargir ses sujets… À l’image du festival Metal Culture, elle aime évoquer tous les arts qui s’inspirent de ces musiques de l’extrême. Un champ des possibles qu’elle continue d’agrandir, en couvrant des événements comme Court Métrange (cinéma) ou encore les TransMusicales (émergence de nouvelles formes artistiques).

Amandine Briche donne de son temps pour parler des artistes. Elle le fait sans contrepartie. Et c’est du travail ! Beaucoup de travail ! Son webzine est consulté, soutenu et connu par bons nombres de personnes. Un joli parcours animé par la seule volonté de partager. Le Metal est décidément servi par des gardiens et gardiennes bien dévoué·es.

Caroline Vannier

1 – Ta définition de la culture Metal ?
Je ne pense pas qu’il y ait de contours définis. Je verrai plutôt ça comme un système stellaire avec des planètes qui gravitent autour. Ce genre, on le trouve dans toutes formes d’art : cinéma, théâtre, littérature… On peut aussi voir ça comme un puzzle avec plein de pièces qu’on assemble.

2 – Combien de concerts et de festivals couvres-tu par an ?
À une époque, j’en ai fait beaucoup mais aujourd’hui, j’essaie d’en couvrir moins. Au début, c’était plusieurs fois par semaine, surtout à l’époque du Mondo Bizarro. Je ne vais pas que dans les festivals de musique, je fais aussi ceux dédiés au cinéma. Appeler le webzine Culture METAL était une façon d’intégrer plusieurs formes d’arts à cette musique. Ce que je préfère, ce sont les festivals pluridisciplinaires comme Metal Culture. Tous les ans, je couvre aussi le Hellfest, le Motocultor, les TransMusicales

3 – Entre les live report et les annonces de concerts, combien de temps consacres-tu par semaine à Culture METAL ?
Je suis au-delà des 35h ! Sans rire, c’est surtout que je ne compte pas mon temps. Je ne peux pas être en festival et écrire du contenu en même temps. Mon planning est donc irrégulier. Il y a aussi des moments où je vais moins en faire et d’autres où je vais enchaîner. Par contre, il y a au moins une publication par jour sur facebook, instagramm et le site Internet. J’essaie de proposer des contenus différents pour tous ces supports.

4 – Combien de personnes travaillent avec toi ?
Je ne compte pas. Je n’enferme pas les gens dans Culture METAL: ils sont libres d’aller et venir comme ils veulent. Il y a des contributeurs photos et reviews. Pour ma part, je ne fais pas du tout de critiques de groupes ou de films. Je préfère retracer l’histoire d’un groupe.

5 – Pour toi, qu’est-ce qu’un bon live report ?
Je ne sais pas. Pour être franche, je ne sais même pas si je fais du live report. Jusqu’au Covid, je mettais en place des galeries photos accompagnées d’un texte et de la set list. Maintenant, j’essaie de faire le live report de l’événement. Un bon live report doit monter la diversité d’un événement. Il ne faut pas non plus montrer ses sentiments, on axe sur des faits. Tout doit rester objectif.

6 – Et une bonne photo de concert ?
C’est à la fois artistique et technique. Il faut maîtriser la lumière. Je préfère les photos sombres que lumineuses : elles sont beaucoup plus proches de la réalité. Saisir l’instant aussi, c’est très important.

7 – À ton avis, quelle place à ton webzine aujourd’hui ? Quel rôle joue-t-il ?
Culture Metal a gagné en importance. J’ai des demandes d’accréditations de pas mal de festivals : j’en reçois par mails de la part de contacts que je ne connais pas. Culture METAL doit figurer dans des mailings lists, ce qui n’était pas le cas au début. Pour les groupes de musique, c’est différent. Ils ne connaissent pas toujours mon travail : ils cherchent beaucoup à se faire chroniquer, ce que je ne fais pas.

8 – Tes références musicales ?
J’ai des goûts très éclectiques qui vont de la musique Classique au Metal. Je suis tombée dans le Metal avec des musiciens comme Marilyn Manson, Nine Inch Nails, Ministry

9 – Et pour le cinéma ?
C’est surtout grâce aux festivals comme Travelling que je me suis vraiment intéressée au cinéma. Pour les réalisateurs, je peux citer des personnes comme James Cameron, Christopher Nolan et Peter Jackson. Pour les séries, j’aime bien ce que fait Ronald D. Moore. Il a commencé par Star Treck et Battlestar Galactica. Aujourd’hui, il est sur For All Mankind.

10 – Qu’est-ce qu’on te souhaite dans l’avenir ?
Rester en vie suffisamment longtemps pour continuer mon projet. Faire une compilation de tout ce que j’ai fait, mettre de l’ordre dans mes archives… Faire un livre sur toutes ces années !

Sur le web :
https://culturemetal.com/?fbclid=IwAR1zM1GhWTKtVFMj9yjX5QhHs4PxWvN9S5rCE6c3qvcCdULeJqD243_Sb_E
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