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Sébastien Blanchais, passeur et musicien

Sébastien Blanchais trace sa route depuis plus de vingt ans. Responsable d’un label, disquaire, organisateur de concerts, musicien… Au fil des ans, il s’est fait passeur d’un style qui ne vieillit pas. Intermédiaire indispensable entre le public et le monde du rock, il a su insuffler un goût d’ailleurs à travers son magasin Rockin Bones et son label Beast Records. Quiconque jettera un œil rue de la Motte Fablet le comprendra : pousser les portes du shop de Seb ouvre l’horizon, à l’image d’un road trip musical. Un voyage immobile qui mène forcément quelque part en Europe, en Australie, aux États-Unis… mais aussi à Rennes avec sa scène locale. Ici ou à l’autre bout du monde… Rock d’hier et d’aujourd’hui, les années passent sans se ressembler… Un adage qui sied sans doute tout autant au genre musical qu’à celui qui le défend.

Le métier de disquaire a connu bien des tourments ces dernières années. Concurrence, Covid, dématérialisation… Face aux plateformes et aux géants du commerce, le magasin de Seb a pourtant tenu bon. Le public favoriserait-il une identité forte plutôt qu’une offre pléthorique ? Toujours est-il que la difficulté ne l’a jamais contraint. Même quand le vinyle a failli disparaître, le disquaire a continué de le vendre, tout comme il le fait aujourd’hui avec le CD et la cassette. Chez lui, tous les supports ont leur place à condition que l’enregistrement soit de qualité. Implanté depuis deux décennies dans une cour intérieure du centre ville, le lieu a du caractère… mais vous l’aurez compris, c’est surtout entre les murs que ça se passe. Le taulier connaît son affaire : il propose une vraie sélection et sait raconter l’histoire de ceux qui façonnent la musique. Rockin’ Bones offre une belle singularité dans le paysage local. Une particularité qui a pris le temps de se construire : « oui, tout s’est fait progressivement. J’ai monté le shop en 1998 avec très peu de choses. Avant de déménager ici, il était situé rue Legraverand (jusqu’en 2000). Depuis qu’on est là, ça s’est franchement agrandi ! On trouve pas mal de labels indépendants. On travaille sur la musique qu’on connaît. C’est devenu une adresse bien connue des musiciens de Rennes. » La façon dont Seb Blanchais exerce son métier est étroitement liée à ses aspirations musicales. Passionné avant tout, il parle à cœur ouvert des artistes qu’il défend. Ceux qui en mots et en musique savent dire le monde. Ceux qui ont su créer un son unique. Des références ? Le monsieur nomme volontiers des musiciens comme Spencer P. Jones, les Stooges, Alice Cooper, les Dead Boys mais aussi les Cramps, le Gun Club ou les Beasts of Bourbon : « des gens qui ont su restaurer des vieux styles. C’est grâce à eux que j’ai découvert les pionniers. » Les vieux styles justement… Rythm and blues, rockabilly, country… le rock est né d’influences multiples qu’il est bon de ne pas oublier. Des genres qui « n’ont pas toujours été populaires » et qui méritent d’être découverts par le public d’aujourd’hui. C’est ce que Seb invite à faire. En bon passeur, il transmet une musique qui a parfois été mal comprise. Mettre en avant, communiquer, véhiculer… il faut croire que du shop au label, il n’y a qu’un pas…

Dans l’imaginaire collectif, Londres est sans doute considérée comme la capitale du rock, de la pop et du punk. Pourtant, d’autres pays ont brillé dans ce domaine et continuent de le faire. L’Australie en est un parfait exemple : « à Melbourne, il doit y avoir 130 clubs. Chaque jour, il y a environ 400 groupes à y jouer. J’ai toujours préféré la musique australienne. En terme de talent, c’est juste incroyable. Tous les labels indépendants ont 6 ou 7 groupes qui viennent de là-bas.» Seb n’a pas seulement créé un label, il a réussi à instaurer « un pont avec l’Australie ». Représentés par Beast Records, ces artistes du bout du monde viennent parfois jouer à Rennes. Il arrive que les groupes d’ici traversent aussi l’océan pour participer aux « festivals Beast, au Tote (l’un des clubs légendaire de Melbourne) ». Aux côtés des musiciens rennais et australiens, on retrouve des formations américaines, allemandes, finlandaises, espagnoles, suisses… Le label ne connaît pas de frontières et c’est, en partie, ce qui fait sa force. Il est aussi le résultat d’un travail d’équipe : « il y a Romain dans le label qui s’occupe de tout l’administratif. Il fait aussi les affiches et pas mal de pochettes : sans lui, rien ne serait possible pour Beast ». Une belle façon de voir la musique mais qui serait incomplète sans les live…

Le label n’existe pas sans les concerts. Seb est disquaire mais pour lui l’enregistrement n’est pas une finalité : « le rock, ça reste un truc physique. Un concert à lui seul peut changer la couleur d’un disque. » Au fil des années, il n’a cessé d’abolir les frontières entre studio et spectacle vivant. Il n’enferme pas le rock : dès qu’il le peut, il le confronte à un public. Avec 250 albums à son actif (2-3 disques par mois / 15-20 par an), le label Beast Records fêtera ses 20 ans en 2023. Une année qui se passera sur scène à Rennes (dans des salles comme la Cité) mais aussi à Binic. Un anniversaire auquel participeront les groupes du label et… qui sait ? Crocodile Boogie aura peut-être l’occasion d’y jouer un ou deux sets ? Et pour cause, Seb y officie en tant que chanteur et même compositeur (il a aussi été frontman chez Head on). Deux formations talentueuses qui, elles aussi, ont su réinventer les classiques. Oui, la musique vue par Seb Blanchais offre décidément des ponts à tous les niveaux ! À travers son groupe, il n’est pas rare qu’il porte des morceaux d’artistes plus ou moins connus : des interprétations de qualité qui donnent encore une fois, du sens au live.

Chaque parcours est unique mais celui de Seb ne laissera personne indifférent. Porté par sa passion pour la musique, il a donné une nouvelle voix au rock : un point de vue et un sens de l’écoute qui fournissent une définition élargie du genre. Par ses initiatives, il a su rassembler des talents d’hier et d’aujourd’hui. Beast Records et Rockin’ Bones continueront d’écrire l’histoire de ce style pendant bien longtemps, c’est certain. Un dernier mot ? Ici et maintenant… le rock n’a peut-être jamais été si vivant.

Caroline Vannier

Sur le web :
https://www.beast-records.com/
http://rockinbones.fr/
https://www.facebook.com/headontheband
https://www.facebook.com/profile.php?id=100044100761333

Charly’s Angels (hiver 2022)

« Moi, j’avais jamais chanté. Samira n’avait jamais joué (batteuse d’origine). Nath à peine. C’était Isa la musicienne (groupe Tulaviok). On nous a dit que c’était super bien donc on a continué », explique Chrys. L’histoire de Charly’s Angels démarre comme une évidence. Un groupe formé pour une soirée hommage aux Ramones à la Fun House et le truc qui se produit, là, sur scène devant le public. Cette formation tribute n’a pas de nom, les musiciennes sont quasi débutantes… et pourtant leur presta crève déjà les planches ! Un souvenir qui revient comme un déclic pour certains : « C’est marrant. Je crois que j’y étais aussi en tant que spectateur », intervient Cyrille Chevalier (batteur actuel qui succède à Samira en 2008). Vingt-trois ans plus tard, Charly’s Angels est toujours là. La moitié des membres d’origine a changé mais l’essence reste la même. Après toutes ces années, le groupe continue à distiller ce son punk-rock piqué à vif qui sied si bien au live. Une musique qui aurait pu s’échapper des studios d’un Glasgow ou d’un London City… Allons bon, qui sait ? Ce chemin-là, ils l’emprunteront peut-être un jour… mais pour l’heure, c’est en Bretagne que ça se passe.

À Rennes, rares sont ceux qui n’ont jamais vu une affiche des Charly’s sur les murs des caf’ conc’ et des salles de concerts. Vingt-trois ans, c’est un sacré parcours pour un groupe ! Une passion pour la musique qu’ils vivent ensemble mais qu’ils ont du mal à expliquer. Pour mettre des mots sur une telle longévité, il faut forcément passer en revue la mémoire commune du groupe. Des noms fusent… Zaza, Samira et Xoff qui a pris la guitare au même moment que Jeff : « Oui, je suis arrivé en même temps que Christophe en 2002. Au départ, on a repris les titres faits par les filles et au fur et à mesure, j’ai composé de nouveaux morceaux. » Chrystèle Gérard (chant) et Nathalie Toulgoat-Fabre (basse) qui sont les membres fondatrices évoquent les souvenirs des débuts. Passée la minute de réflexion, elles commencent par l’année 2000 : « le premier enregistrement ! C’est Bruno qui s’en est occupé (Mondo Bizarro, groupes Gunners, Trotskids…). On a fait un ou deux morceaux à la Fun et une partie chez Nath. Oui, c’était chez moi, enchaîne l’intéressée. On avait tout monté par la fenêtre et par l’échelle de meunier. Un vrai studio sauvage ». De cette expérience naît S/T, un EP autoproduit. Vont suivre SPLIT SP (avec le groupe Happy Kolo en 2001), All I Want (2009) et plus récemment, le vinyle Romance (2019). Pour les visuels, les musiciens font presque tout en mode Do it yourself sauf le logo et les premières pochettes qui ont été réalisés par Dimitri HK (créateur, tatoueur, groupe Happy Kolo…). « On connaissait pas mal de monde dans le milieu et c’est vrai qu’on a eu pas mal d’opportunités pour jouer et enregistrer » précise Chrys. Les concerts, il y en a eu un peu partout : en Bretagne, en région parisienne et dans des squats comme République (dans l’Est). Mais… en plus de vingt ans, le groupe a-t-il connu des interruptions ? « Moi, quand j’étais en cloque, j’ai pas tourné pendant trois ans », précise Nath. « Il y a aussi eu le festival des Bals Sauvages. Nath n’a pas pu y aller. C’est Carole qui l’a remplacée. Elle a appris les morceaux à la dernière minute dans le camion », se rappelle Chrys. Les enfants, le boulot… Le quotidien est là et il est parfois compliqué de tout concilier. Même pour répéter, il faut s’organiser : le groupe se retrouve le plus souvent le dimanche au Jardin Moderne, un jour qui colle à peu près avec le planning de chacun. « Oui, on aurait aimé faire plus de concerts, avoue Nath. C’est vrai que c’est pas toujours simple à gérer… Je bosse souvent le week-end et je ne peux pas quitter mon boulot comme je peux ». Chrys, elle, est professeure de danse et elle a réussi à passer son diplôme sans sacrifier le chant : « Musique, danse et formation. Oui, ça a été des années bien remplies. » Elle s’arrête un moment puis reprend : « La musique, c’est un sacré plus dans notre vie mais ça n’a jamais pris plus de place parce qu’on a privilégié nos familles. » Jeff acquiesce. Cyrille esquisse un sourire : « J’ai amené ma fille une fois en concert avec un casque sur la tête. Elle m’a regardé assise sur son tabouret, près du bar. »

Le live justement… c’est pour ce moment que les musiciens se lancent dans un groupe. Un instant clé qui ne trompe pas. Pas de filtre possible ! Oui, c’est bien devant un public qu’on reconnaît la qualité d’un jeu. Celui des Charly’s Angels est clair : une maîtrise indéniable mais qui n’étouffe jamais l’efficacité des riffs. La voix, les instruments… tout insuffle l’urgence de l’instant. Un son qui se vit en concert et qui parle à un paquet de générations ! Depuis 2009, le groupe figure aussi sur le label Mass Prod : quand on sait que la maison porte le punk depuis vingt-six ans, c’est une sacrée reconnaissance. Oui, de bons musiciens, ils le sont… mais qui étaient-ils avant de toucher à un instrument ? Ils ont tous été clairement influencés par les groupes qu’ils ont découverts à l’adolescence. Pour Cyrille : ACDC, Motörhead, Peter and the Test Tube Babies, Joy Division… Pour Jeff : Rockabilly, Stray Cats, Social Distortion, Meteors, Rancid… Pour Chrys : les Ramones et Motörhead. Pour Nath : Cold wave, Pop rock anglaise, Metallica, Siouxsie, The Cure, Joy Division, U2, ACDC, Motörhead, Depeche Mode… Côté pratique, les Charly’s sont tous autodidactes. Seul Cyrille a repris quelques cours de batterie (depuis 4 ans) pour approcher de nouvelles techniques et se donner une discipline de travail. Mais les années qui précèdent, il les a passées en relevant les manches et en intégrant pas mal de groupes : Green Fish, les Spationautes, TV Men, DeafBrood, 19 Hell… Jeff aussi a joué dans d’autres formations comme Gotham (psycho) de 1999 à 2007 : « J’étais au chant avec un peu de guitare rythmique. On a même fait un concert commun avec les Charly’s Angels ». Nath et Chrys ont débuté avec les Charly’s qu’elles n’ont jamais quittés. Un groupe qu’elles ont créé avec Samira et Isa… et qui poursuit sa route avec classe et simplicité. Deux adjectifs qui pourraient tout aussi bien leur correspondre.

La scène, les répétitions… cette passion pour la musique est restée comme un fil incassable dans un quotidien bien occupé. Boulot, famille… Ils avaient des raisons de ralentir mais ils n’ont rien lâché. Charly’s Angels continue… et continuera à donner de la voix pour bien longtemps. Les vrais passionnés n’arrêtent jamais, c’est bien connu… et ces quatre-là en sont un parfait exemple.

Caroline Vannier

Interview spécial vinyle Romance

1 – Est-ce que l’enregistrement se pense différemment pour une sortie vinyle ?

Il y a beaucoup de groupes qui parlent de projet, de concept. Pour nous, l’envie était de retranscrire un son le plus proche de ce que l’on donne en live, auquel on pourrait associer un beau produit. Quoi de plus beau qu’un vinyle ?
L’idée était arrêtée depuis longtemps sur la pochette et la couleur du vinyle.

2 – Comment avez-vous travaillé pour garder cette énergie Punk-rock ?

Nous avons travaillé avec Mathieu, chaudement recommandé par Guilhem des Sleepwalkers.
Nous avons enregistré dans une ferme à Montauban de Bretagne, c’était calme jusqu’à ce que l’on branche les amplis… Mathieu a vite compris nos envies et le son que l’on souhaitait. Puissant, dynamique, pas trop propre, qui transmette l’énergie que l’on dégage sur scène. Il était à l’écoute et de très bon conseil. Tout était dans la boîte en une semaine pour les instruments, nous avons placé les voix plus tard, afin de jongler avec les emplois du temps de chacun.

3 – Du visuel, au studio, en passant par le pressage… Avez-vous tout maîtrisé de A à Z ?

Tout est Homemade, de la conception de la pochette, 12 titres dont 11 originaux (une seule reprise), la recherche du studio, le choix du pressage, … et même le clip vidéo.
À la fois, deux albums en 20 ans, on peut dire qu’on prend le temps de la réflexion. Un titre par an, donc prochain album en 2029.
Mass Prod nous a soutenus et conseillés. Sans oublier Mathieu pour le master et le mix, une fois l’enregistrement bouclé.
Ce nouveau disque est totalement autoproduit avec un crowd funding. Merci à nos généreux donateurs sans qui nous n’aurions pas pu faire aboutir cet album dont nous sommes fiers.

4 – Choisir le vinyle comme support, était-ce une façon de marquer les 20 ans du groupe ?

C’était surtout un caprice de Jeff qui voulait un vinyle rouge, grand fan de vinyle. On a fait d’une pierre deux coups.

5 – Les 12 titres qui figurent sur les 2 faces sont-ils tous des morceaux récents ?

Le premier album est sorti en 2009. Certains ont été écrits il y a déjà un certain temps, mais c’est surtout à partir de 2016 que la plupart des morceaux ont été finalisés.

6 – Le mot de la fin ?

Longévité pour un groupe dont 3 des membres sont présents depuis 2002. On compte bien continuer, surtout garder notre énergie. Le second album Romance était bien plus sauvage que le premier. Imagine le troisième…
On est tous fiers de cet album que nous n’avons pas beaucoup joué sur scène et pour cause, sortie en avril 2020…

Sur le web :
https://www.facebook.com/thecharlysangels
https://charlysangels.bandcamp.com/album/romance

Louis Carrese, 5 ans de présidence au Jardin Moderne (décembre 2021)

Quand on lui parle des années passées à la présidence du Jardin Moderne, Louis hausse les épaules et avoue : « je ne sais pas, je n’ai pas compté ». Occupé, il l’a été. Investi, c’est indéniable ! Passage à une codirection, changement de régisseur, projet égalité des genres… Il en a suivi des dossiers mais à quelle place exactement ? En quoi consiste le rôle d’un président ?

Le Jardin Moderne est une association de loi 1901 composée d’un comité d’administration (CA) et d’un bureau. Les membres élus sont bénévoles et se retrouvent au minimum une fois tous les mois et demi. Ils font partie d’un maillage démocratique qui nécessite la validation de certaines orientations impulsées par les salariés de la structure. Ils écoutent, débattent, s’informent, votent et participent : « il y a des réunions, des groupes de travail, des veilles guidées (actualités, informations, mails)… », explique Louis tout en précisant que « ça reste une activité bénévole. ». Certes, le temps d’engagement diffère selon les postes et les envies de chacun… mais le ou la président(e) est forcément plus sollicité(e) que les autres : « on endosse un rôle d’employeur. J’ai participé à la mise en place de la codirection et à des recrutements. Pour les urgences comme les crises RH au début du confinement en 2020. Là aussi, il y a forcément un investissement ». Mais ce n’est pas tout…. il y a également l’image, celle d’une position plus exposée qui devient quasi politique : « il y a deux aspects. Une partie est plutôt dirigée vers l’intérieur et là, c’est plus une figure de confiance pour les bénévoles et les salariés. Et l’autre qui est tournée vers l’extérieur avec une vie sociale qui change un peu. On devient une figure du Jardin à l’extérieur, un personnage public. » Les prises de parole « font aussi partie du job » lors des moments forts comme les assemblées générales : « ça s’apprend sur le tas mais j’ai un peu l’habitude de tenir des réunions au boulot. Ça aide. » D’accord, ça c’est pour l’aspect pratique… mais qu’en est-il de la personne ? Qu’est-ce qui a mené Louis Carrese à la présidence ?

« Je suis parti de Paris qui me faisait chier. Quand je suis arrivé à Rennes, j’ai gardé le même boulot mais je me suis rendu compte qu’il faisait chier aussi. Je voulais faire autre chose à côté et c’est comme ça que je suis rentré comme bénévole au Jardin », une explication simple, cash et précise… et la suite qui coule presque de source… Après un an de CA, Louis devient vice-président puis président : « c‘est avec Hélène – présidente de 2010 à 2016 – que j’ai commencé à en discuter. Elle cherchait quelqu’un pour prendre sa suite. Je suis arrivé à un moment où il y avait besoin de renouvellement dans la gouvernance associative. Il y avait aussi une envie de changement, de remettre de l’élan dans tout ça. Les gens me connaissaient déjà au Jardin, je faisais beaucoup de soirée en tant que bénévole. » Et d’ailleurs, faut-il être dans le milieu pour assurer cette fonction ? Niveau professionnel, Louis est assez éloigné du monde de la culture. Il est freelance dans l’informatique : « je produis des logiciel », précise-t-il. Il lui arrive de collaborer avec des acteurs locaux comme Canal B pour qui il a réalisé le site Internet avec Marc Blanchard au graphisme . Il a aussi dépanné et donner des conseils en informatique (bénévolement) aux salariés du Jardin. Précédemment, il a également évoqué une prise de parole facilité par son travail… mais les liens s’arrêtent là. Pourtant… il a très vite pris ses marques à la présidence. Un paradoxe ? En quelque sorte… C’est peut-être justement ce qui explique cette expérience réussie : venir de l’extérieur permet d’avoir le recul nécessaire pour écouter, comprendre, soutenir et apporter un autre œil sur la structure. Oui… mais ça, c’est sans compter la passion ! Au-delà d’un lieu associatif, le Jardin Moderne est un terreau pour les musiciens… et c’est une des raisons pour laquelle Louis en a franchi les portes.

Louis est venu au Jardin pour les concerts mais aussi pour répéter. Il est musicien depuis l’enfance. À l’âge de 10 ans, il apprend à jouer du saxophone : « je viens d’une famille de musiciens. Quand je suis parti de Marseille pour Paris, c’était plus compliqué de faire du saxo. Je me suis mis à la MAO, au clavier… et j’ai récupéré une basse. J’adore quand un instrument groove mais c’est aussi plus facile de trouver un groupe quand on est bassiste que saxophoniste. » Tout le monde n’est pas obligé de toucher à un instrument pour en parler mais il y a parfois des détails qui ne trompent pas. Louis sait profiter des concerts mais il a vrai regard sur ceux qu’il écoute : « j’aime comprendre la démarche de création. Quand je vais voir un groupe, c’est ça que je cherche à repérer. Peu importe le style. » Quand on le lance sur le sujet, il peut citer une dizaine de références. Des artistes vus en live… ou bien des albums piochés au hasard des rayonnages : « Peter KernelI’ll die rich at your funeral White death and black heart (2011), c’est eux qui m’ont mis dans les musiques plus « rock », c’est du coup avec eux que j’ai commencé à comprendre la prog d’assos comme KFuel et que je suis rentré dans le circuit des caf’conc’ à Rennes. GabléTropicoolJolly trouble (2016), ils représentent assez exactement la phrase « on peut être sérieux dans la déconne ». GRP All-starThe sidewinderGRP All-star big band (1992),  j’ai grandi dans un milieu de jazz qui groove et que ça a le goût d’une madeleine (fourrée à la confiture (avec supplément chantilly)). HausmeisterPumerHausmeister (2000), parce que c’est du bricolage de blips et de blops et que ça fonctionne, et parce que c’est ma pépite des disques empruntés au hasard dans les médiathèques. Joao BoscoDois mil e indioGagabiro (1984) parce qu’on entend rarement un sourire aussi distinctement sur un enregistrement. »

Six… presque sept ans passés au comité d’administration… et cinq à la présidence. En mai 2022, Louis quittera ses fonctions lors de la prochaine assemblée générale. Le président – redevenu simple élu au CA – a laissé son siège à Marilyn Berthelot en juin 2021 mais il part serein avec des souvenirs plein la tête. Il est clair que Louis Carrese laissera une empreinte de son passage. Oui, une empreinte… mais il ne faut pas trop lui répéter. Pour lui, l’engagement associatif respire l’abnégation : « le Jardin, c’est un renouvellement permanent et je pense que c’est là-dessus qu’il faut continuer à travailler. » Serait-ce là le vrai sens de la démocratie ?

Caroline Vannier

Volac (été 2021)

C’est un jour d’été. Une période particulière où la musique live reprend doucement vie… Oui, c’est dans ce monde encore teinté de Covid que Volac ouvre les portes de son studio. Même sans concert… lui, il n’a jamais arrêté. Sa bulle créative, il a continué à l’entretenir à la maison, dans cet espace qu’il a monté de toutes pièces. À peine quinze mètres carré… un bureau équipé d’un ordinateur… des guitares, des basses, des micros et une cabine pour les prises voix… C’est ici que Victor Poirson – de son vrai nom – compose et enregistre. Pour la plupart de ses projets, il est seul aux commandes mais son parcours est aussi fait de rencontres. Des rencontres qui l’ont aidé à avancer et à découvrir un univers qu’il n’aurait peut-être pas osé franchir seul : la scène.

Les débuts de Volac remontent à l’école primaire. Le jeune garçon commence la musique avec un instrument qu’il a aujourd’hui abandonné : « j’ai fait un an de violon. J’ai pris des cours de chorale et de solfège en plus. Après, j’ai fait une année et demie de piano au collège. J’aimais beaucoup les musiques de jeux vidéos (comme Final Fantasy) et j’ai commencé le piano pour pouvoir les jouer. » Au lycée, l’adolescent intègre un groupe en tant que claviériste. Assez vite, il se rend compte qu’il n’est pas à sa place. Les autres musiciens font de la batterie, de la basse… et c’est la guitare électrique qui retient toute son attention : « j’ai pris quelques cours mais je n’ai pas trouvé l’intérêt de continuer. J’ai poursuivi en autodidacte et j’ai vite composé. C’était nul ! Je ne connaissais pas les codes, c’était des bouts de riffs. » Faire de la guitare de cette façon lui donne le goût d’aller plus loin… De la MAO (musique assistée par ordinateur) au chant saturé, il expérimente par lui-même. Oui, ces pratiques-là, il y va seul… mais la scène, c’est bien en groupe qu’il va la découvrir : « je courais dans tous les sens, je pouvais faire ce que je voulais et cette liberté m’a vraiment plu. » Dès lors, la musique prend une nouvelle ampleur pour Volac. En live, il se dépasse, devient quelqu’un d’autre et… pousse même l’interprétation jusqu’à créer son propre personnage. Jupe longue, Docs, maquillage… Une façon de mettre en scène la musique qui lui vient peut-être de ceux qu’il écoute ? « Des références ? Marilyn Manson, Cradle of Filth… j’ai beaucoup écouté Marilyn Manson au lycée. Canibal Corpse aussi, c’était ultra particulier, le son est quasi inaudible mais les musiciens gèrent. Après, mes parents écoutaient beaucoup de musique : Pink Floyd, Brel… »

Quand Volac arrive à Rennes, il devient étudiant en section physique. Son groupe ne tient pas la distance : chacun part dans des villes différentes et il devient impossible de trouver le temps de répéter ensemble. Volac n’abandonne pas la musique pour autant. Il travaille en solo mais il nourrit toujours l’idée d’intégrer une nouvelle formation : « j’ai acheté une basse pour étoffer mes compositions et un jour, j’ai vu que Season of Tears cherchait un bassiste. On s’est rencontré par le biais d’un ami commun. » Le groupe de metal symphonique va marquer une nouvelle étape dans la vie du jeune musicien : « le premier groupe du lycée était déjà très sympa, on a tous appris à faire de la musique ensemble mais là, c’est parti beaucoup plus loin. Ce que j’apporte au groupe, c’est la débrouille. Eux, ils ont un bagage musical plus classique. » L’aventure Season of Tears dure 8 ans. Avec 3 albums, une tournée en Europe et de très belles scènes, les musiciens se font rapidement une place au sein de la scène metal rennaise… mais au-delà de leur talent, c’est surtout leur rencontre qui reste déterminante. Même après toutes ces années, ils ont toujours l’envie d’avancer ensemble : ils travaillent aujourd’hui sur un projet commun… qui verra bientôt le jour.

Sa route… Volac la poursuit en parallèle. Le musicien compose. Oui, il a besoin de se retrouver sur des projets solo et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est productif : « en 2016, je fais un premier EP : Rejet. J’ai aussi commencé à faire des vidéos à ce moment-là. Un an après, je sors l’album Of Boredom and Disappointement. J’ai beaucoup travaillé la découpe, le réarrangement… Il y a beaucoup de guitare et pas du tout de voix. Sur ces projets, Solène Langlais m’a aidé pour le graphisme. Beautiful World arrive en 2018 : je considère que c’est le vrai premier EP. Un EP qui est un voyage et qui a une intention… Il est black metal mais il y aussi des tests plus electro, plus noise… Chaque morceau a une inspiration différente. » Et il ne s’arrête pas là, en avril 2019 sort Ne souriez pas : « il est entièrement auto-produit. J’ai tout fait moi-même, y compris le visuel. Dans cet album, il y a très peu de silence entre les morceaux et un gros boulot au niveau de la voix.» Volac expérimente les sons, il va les chercher un peu partout : « dans la rue, sur Internet… après, je les modifie. » La « débrouille », comme il aime le dire, ne serait-elle pas la clé de la qualité de sa musique ? Pas seulement… au-delà de cette curiosité, il a une façon bien à lui de voir le monde… une lecture créative qui s’enrichit au fil des ans. Ces deux dernières années, il ajoute aussi de la vidéo à ses compositions. Un boulot de captation et de montage qui lui permet de réaliser son propre clip : Que le tonnerre gronde. Un projet qu’il a pu concrétiser de A à Z grâce à un concours lancé par Brett du Tower Studio. Dans la foulée, Volac lance sa chaîne YouTube. Pendant presqu’un an, ses abonnés ont pu le voir réinterpréter (en musique et en image) pas mal de morceaux connus : un gros boulot de réarrangement précis et inventif. Et ce n’est pas fini ! D’ici 2022, il prévoit de sortir un nouvel album : « il y aura plus de participations extérieures, je vais intégrer des chœurs ». Expérimenter, toujours et encore… et se remettre en question pour avancer…  « En ce moment, je réfléchis à travailler sur un projet electro », confie-t-il. « Oui, c’est complètement différent de ce que j’ai pu faire jusque là », ajoute-t-il en esquissant un sourire. La musique serait-elle un éternel recommencement ? Pour Volac, c’est certain.

Caroline Vannier

Interview Que le Tonnerre Gronde

1 – Le point de départ de ce morceau ?

Je ne me souviens pas vraiment de l’amorce de ce morceau. Je crois que je cherchais à créer quelque chose de relativement court et efficace, avec une intensité qui va crescendo. Je suis tombé amoureux des effets au synthé qui cimentent le morceau et la composition a coulé de source.

2 – Quand on travaille seul, la façon de composer diffère-t-elle d’un projet à l’autre ?

Je ne peux pas dire que ma méthode varie d’un projet à un autre, mais plutôt qu’elle évolue avec ceux-ci. J’ai pris certaines habitudes qui me permettent de travailler plus vite et de me concentrer sur la composition.

3 – Le Tonnerre Gronde offre une voix plus posée et un chant en français. Comment s’est déroulé le travail technique – tant au niveau vocal, que de l’écriture – ?

Généralement, je commence à composer avec une idée à la guitare, sur laquelle j’empile les couches de sons (synthé, orchestre, bruits …) et la batterie. Une fois que j’ai la base du morceau, je commence à me pencher sur l’écriture. Souvent, c’est une idée simple qui me vient, une émotion, une image, dont je tire des bribes de phrases. Avec la musique en boucle, j’agence les bouts de textes qui me sont venus et je cherche à lier les idées pour obtenir une progression, une histoire tout au long du morceau. Vient ensuite la répartition des voix : j’aime empiler les prises vocales, avec différents timbres, différentes techniques et maintenant plusieurs chanteur·euse·s, en chant lyrique ou saturé.

Dans le cas de « Que Le Tonnerre Gronde », j’ai commencé à expérimenter différentes techniques vocales afin d’ajouter de la profondeur au chant saturé. Au total, il doit y avoir 6 pistes de voix superposées uniquement pour ma voix. Pour les chœurs, j’ai constitué un ensemble de 12 personnes avec lesquelles on a travaillé une journée pour obtenir une intention différente pour les différentes parties du morceau. On a même ajouté des voix à la partition d’origine.

4 – Le Tower Studio en quelques mots ?

J’ai eu connaissance de Brett et du Tower Studio par le biais de Season Of Tears (il a masterisé l’album Homines Novi et Dark Card). C’est une personne qui a fait sa place dans le domaine du mixage Rock/Metal avec ses divers travaux pour des artistes internationaux (Devin Townsend, Septic Flesh…). Brett est une personne sympathique et très professionnelle.

5 – Tu as participé à un concours organisé par le studio, comment se sont déroulées les différentes étapes ?

Brett a lancé un appel à projet via Facebook. Il y avait évidemment quelques conditions à remplir, notamment faire un don à une association de son choix (choix qu’il fallait justifier).

J’ai envoyé une démo de « Que Le Tonnerre Gronde », puisque j’étais en phase de préproduction de l’album qui arrive, accompagnée d’un pavé d’explications et de descriptions.

Puis, quelques mois après, j’ai reçu un mail me disant que j’avais été sélectionné (avec 2 autres groupes) … j’étais sur un petit nuage.

6 – Quel est l’intérêt de confier le mixage et le mastering d’un morceau (ou d’un album) à une tierce personne ?

Il y a plusieurs raisons à cela. Premièrement, c’est un gain de temps, une fois que le processus créatif est terminé bien entendu puisque celui-ci rentre aussi dans le cadre du mixage.

Une seconde raison est la limite de mon savoir et mon aptitude à obtenir un rendu « professionnel ». C’est beaucoup plus simple de confier sa création à une personne qui sait ce qu’elle fait et qui est capable de la sublimer, de la rendre belle pour tout le monde.

7 – Tu as pu réaliser ton premier clip. Lier le son et l’image, ce sont des pistes que tu souhaites continuer à explorer ?

Oui, j’ai souvent mêlé le son et l’image, j’imagine toujours la musique comme une pièce d’un ensemble plus complexe qui inclut l’aspect visuel (animé ou non). Je pense que les images permettent de mieux transmettre les intentions et de transporter les spectateur·trice·s dans un univers.

Plus spécifiquement, j’aime beaucoup travailler la vidéo, de l’écriture du script au montage. J’ai à cœur de développer ma chaine Youtube et de travailler pour d’autres projets.

8 – Au fil des années, comment espères-tu que le public recevra ta musique ?

J’ai envie que ma musique plaise, même si je suis conscient du fait qu’elle est très personnelle et, de

fait, difficile d’accès. Je souhaite emmener le public dans mon univers tout en sachant que le voyage n’est pas de tout repos.

9 – Où aimerais-tu jouer dans les mois à venir ?

Je serais heureux de monter sur scène pour jouer mon nouveau set live, qui inclut une grande partie des morceaux du prochain album.

J’aimerais jouer sur de belles scènes, avoir de belles lumières et du gros son, et surtout devant une foule en délire haha !

10 – Le mot de la fin ?

Merci beaucoup à toi Caroline pour cette interview ! Je suis honoré de ton attention et te souhaite le meilleur pour la suite !

Sur le web :
https://www.facebook.com/volac.coldheart
http://www.volaccoldheart.com/?fbclid=IwAR27j-b48CW0uSSbscZ9PLXXoOLiPAGUYOmQe_2rKd4tLg9laVhRgx92y4Y

La Crypte a 20 ans (automne 2021)

Death, thrash, grind core… sur Canal B, la Crypte raconte les musiques extrêmes de France et d’ailleurs. Peu d’interview, pas de temps mort… mais pendant près de 2h00, Damien et Lorène passent des morceaux peu (ou pas) représentés à la radio. Oui, du metal avec des accents parfois quasi « inaudibles »… et c’est tant mieux ! Il serait dommage de limiter l’écoute de cette musique brutale, anticonformiste et si diversifiée. Pari réussi ! Depuis 20 ans, la Crypte se fait l’écho de ces sons sombres et rageurs, un vendredi sur deux, entre 23h00 et 1h00.

Deux décennies… cette longévité, Lorène et Damien ne l’expliquent pas. Ils se rappellent du jour où ils ont proposé l’émission à la direction de Canal B. Ils se souviennent aussi des différents locaux qu’ils ont arpenté au fil des déménagements de la radio… mais cette musique, celle qu’ils écoutent depuis l’adolescence, reste le fil conducteur de leur aventure. Au gré des années, des idées ont germé, d’autres ont été abandonnées… mais peu de gros changements dans la façon de présenter. Pour le duo, pas question de recourir à l’enregistrement ou de modifier quoi que ce soit : tout se déroule sans filet, quitte à faire des « pains ». Une approche qui respire l’ère des radios libres : du direct, une playlist (piochée sur CD, vinyles et Internet) et surtout ce lâcher prise qui donne de la fluidité à leurs échanges. Les animateurs ne boudent pas pour autant les autres médias. Ils utilisent podcasts et réseaux sociaux, des outils ancrés dans le quotidien qui permettent d’étendre auditeurs et propositions musicales… La seule différence avec les pratiques d’aujourd’hui : personne ne verra les présentateurs de la Crypte s’adonner au jeu de la mise en scène. Sur leur page Facebook, des photos sont postées régulièrement… mais aucune d’eux… pas de vidéo non plus. Ils n’ont même pas encore communiqué officiellement sur les 20 ans de l’émission. Cet anniversaire, ils l’ont fêté en toute discrétion, à l’antenne : « oui, on fera quelque chose » avouent-ils en laissant pas mal de points de suspensions… « on a pas eu le temps mais on va y réfléchir » concluent-ils. Dévoués à leur musique, ils le sont… anticonformistes, sans doute un peu aussi.

La singularité. C’est ce qui résonne quand on parle de tout ce qui entoure la Crypte. Un truc qu’on retrouve dès le générique. Un montage « fait maison » diablement efficace qui mélange films d’horreur et metal. Et ce n’est pas un hasard… Un lien ténu existe entre ces deux approches artistiques : le genre horrifique (voire gore) se retrouve dans l’esthétique d’un bon nombre de musiques extrêmes… Un point qui fascine les présentateurs depuis un paquet d’années et qu’ils ont choisi d’aborder par la figure de Cthulhu dans la Crypte.

Après 487 émissions, Damien et Lorène ne regardent pas en arrière. Bien au contraire. Ils avancent, mènent leur propre route… mais toujours à la nuit tombée. Tard le soir, les bureaux sont vides et le direct n’est plus la norme mais… eux, ils continuent. Oh, il arrive que de nouveaux animateurs s’y essaient ! Et quand ça se produit, ils n’hésitent pas à donner un coup de main pour transmettre l’antenne : un moment délicat mais qui fait toute l’essence du live. Après tant d’années, ils ne sont pas blasés… parler musique autour d’une bière, échanger sur les films d’horreur et sur ce qui leur plaît à la radio… Oui, même 10 minutes avant la prise d’antenne, ils discutent en toute décontraction. Mais… il y a quand même cette petite zone d’inconfort qui traverse leur regard juste avant de brancher les micros… Un truc éphémère qui ressemble à ce que ressentent les musiciens avant de monter sur scène. Ah, l’appel du live ! Quand on y goûte, impossible d’y renoncer.

Caroline Vannier

Interview spécial 20 ans

1 – 20 ans, ça donne le vertige ?
Lorène : ça donne un coup de vieux !
Damien : l’émission n’était pas prévue pour durer si longtemps.

2 – Les débuts, ça ressemblait à quoi ?
Damien : c’est une idée de Lorène !
Lorène : ah non, on s’en fout !
Damien : mais si, c’est ton idée. C’est quand même important de le dire.
Lorène : il y avait un créneau qui était occupé depuis longtemps. Une émission qui s’appelait Pourceau 2012 Expérience animée par Cyril et plus tard (par et avec) Aymeric. Aymeric que je connaissais un peu m’a invité à Bruz (les locaux de Canal B de l’époque) : il continuait l’émission tout seul mais il envisageait de partir 1 an. J’ai alors contacté Yvan – feu l’ancien directeur de Canal B – pour proposer de reprendre le créneau en attendant. On a fait une maquette et ils nous ont dit qu’il valait mieux que Damien anime et que je gère la technique (rires).
Damien : quand Aymeric est revenu, on a fait notre émission en alternance avec la sienne.
Lorène : on faisait un vendredi sur deux et puis il a arrêté. On a récupéré le créneau toutes les semaines.
Damien : au Gast (locaux précédents de Canal B), on faisait toutes les semaines et après un certain nombre d’années, on est passé à tous les 15 jours.
Lorène : quand on passe toutes les semaines, il faut se renouveler ! Quand j’ai commencé à travailler chez Garmonbozia, j’étais moins disponible aussi.
Damien : avec un ami Gaël, on a aussi fait une émission qui s’appelait AZZ FUNK, qui a duré 3 ans à la place du créneau d’Aymeric.
Lorène : il faut peut-être qu’on parle du thème de l’émission non ?
Damien : oui, au début de la Crypte on a décidé de partir sur la tranche extrême du metal. On voulait proposer une émission dédié à un genre musical qui ne passait pas à la radio.

3 – Le direct, ça se prépare comment ?
Damien : c’est une émission qui se veut spontanée, sans filets. Quitte à faire des pains, on y va. Le fait de revenir tous les 15 jours met en place une forme de ritualisation aussi.
Lorène : il y a aussi le choix de la playlist. C’est plus Damien qui s’y colle.
Damin : oui, je prépare une playlist et Lorène peut ajouter ou retirer des morceaux juste avant de démarrer l’émission.
Lorène : on est de plus en plus flemmards ! Avant, on faisait des montages et on mettait des extraits de films avant de passer les morceaux.
Damien : c’est une émission qui se veut musicale et l’idée n’est pas de parler pendant 2h00.

4 – Une ou des émissions inoubliables ?
Lorène : tous les EUROGORETVISION ! C’était un peu l’Eurovision du metal. On invitait des potes qui jouaient les membres du jury.
Damien : ça fait longtemps qu’on a arrêté ! On diffusait un groupe par pays et on donnait des notes pour avoir un classement à la fin. C’était comme l’Eurovision mais avec un jury bien partial !

5 – Qui est à l’origine du générique ? A-t-il bougé en 20 ans ?
Lorène : c’est Damien !
Damien : c’est complètement artisanal. Au début c’était le morceau « Killer of Trolls » d’Impaled Nazarene. Plus tard, j’ai acheté un MD (Mini Disc) et j’ai commencé à faire des samples avec. J’ai ajouté un extrait de film d’horreur aussi. Le générique d’aujourd’hui est fait d’assemblages.

6 – Si je vous dis archéologie musicale ?
Damien : ah oui ! J’ai découvert le style en 1987 avec un gars qui écoutait ce style. Le mec portait une veste à patchs, des baskets à languettes et un jean slim. Et le jean slim, c’était pas franchement à la mode à l’époque ! Bref, le style de musique qu’il m’a fait découvrir m’a tout de suite intéressé. Moi, j’écoutais du thrash mais lui et ses potes, c’était carrément du death metal !
Lorène : j’ai découvert vers 17-18 ans. J’avais fugué cette nuit-là du côté des Horizons et le pote chez qui j’étais, écoutait le groupe Death.
Damien : dans cette musique, il y avait aussi les pochettes et cette calligraphie qui n’existait nulle part ailleurs.

7 – Par quels groupes commencer quand on veut écouter du death, du thrash et du grind crore ?
Lorène et Damien : pour le death, les groupes Death et Morbid Angel. Pour le thrash, Metallica et Slayer. Pour le grind core, Napalm death et Mortician, de la proto musique néandertalienne.

8 – Pendant la pandémie, avez-vous poursuivi l’émission ?
Damien : les locaux de Canal B étaient fermés. On a enregistré quand ils étaient ouverts mais il y en a eu très peu.
Lorène : on était pas en direct mais on faisait tout comme. On enregistrait l’émission d’une traite mais c’est pas pareil.

9 – Comment s’organise les interviews ?
Damien : je suis mauvais pour les interviews. Quand il y en a, c’est Lorène qui les fait.
Lorène : on ne démarche pas pour les interviews, on en a donc peu mais on ne cherche pas non plus à en avoir plus.

10 – Écoutez-vous d’autres émissions radio ?
Damien : oui, j’aime bien la radio. J’écoute Fip, par exemple.
Lorène : j’en écoute tous les jours. Je me lève et je mets France Inter. J’aime bien les émissions Affaires Sensibles et Ondelate Raconte.
Damien : j’aime beaucoup le cinéma aussi mais je passe plutôt par YouTube pour ces émissions.

11 – Selon vous, qu’est-ce qui fait la recette d’une bonne émission ?
Lorène : l’entente, la spontanéité…
Damien : l’authenticité, l’humour et une forme de fluidité.

12 – L’évolution de la scène metal en 20 ans ?
Damien : en France, il y a eu une démocratisation du metal. Il s’est popularisé grâce au Hellfest. Pour les musiciens, le changement de production au niveau technique, beaucoup plus qualitative. Avant ça, c’était très Do it yourself.
Lorène : aujourd’hui, même si les groupes ne sont pas professionnels (ne vivent pas de la scène), ils ont un manager, un tourneur… ils ont toute une équipe derrière eux. Aussi il y a pléthore de groupes aujourd’hui !
Damien : pas mal de styles qui avaient disparu réapparaissent aussi aujourd’hui.

13 – Un mot sur Cthulhu ?
Lorène : nous sommes Cosmicistes !
Damien : ce qui est caché, l’ésotérisme… On a voulu coller à l’un des thèmes qui est utilisé dans le metal, comme le gore, les zombies, le satanisme et le mythe de Cthulhu. Entre toutes ces images, on a préféré le mythe de Cthulhu.

14 – Un souhait pour les années à venir ?
Découvrir encore plein de groupes et continuer à prendre du plaisir à faire l’émission !

Sur le web :
https://www.facebook.com/LaCrypte666
http://www.canalb.fr/?fbclid=IwAR0CgbWIwgbr6QjWHnnPnwRyNqoBebg_OnSQpRlvO_iZqCcap0-Wn36vnCI

Ideal Crash (été 2021)

À Rennes, de nouveaux labels apparaissent chaque année… et ils ont tous leur identité propre. Un paysage contrasté tant par la variété des styles qu’ils proposent, que par leur façon même d’exister. Création éphémère, idée mûrement réfléchie, implication du moment pour soutenir un projet musical…. Le point de départ ne prédestine en rien la suite de l’histoire. Certains acteurs se structurent très vite (souvent en association), d’autres attendent… ou finissent par complètement disparaître. Une partie non négligeable fait aussi le choix de rester en mode DIY, sans rattachement administratif. Oui, l’organisation diffère mais ils sont tous animés de la même volonté : mettre en lumière des groupes auxquels ils croient.

Soutenir, fédérer, faire connaître des musiciens qu’ils estiment… c’est ce que Marilyn, Simon et Christophe décident de faire un soir de juillet 2005. Une idée que les trois potes n’évoquent pas par hasard. Tous ont déjà un pied dans la musique : ingé son, musiciens ou organisatrice de concerts… les casquettes ne manquent pas. À ce moment précis, créer un label est un bon moyen de poursuivre leurs actions tout en mettant leurs expériences en commun. Ideal Crash naît avec l’ambition de proposer un modèle à échelle humaine : promouvoir des musiciens qu’ils connaissent bien et qui méritent un sacré coup de projecteur.

« On a mis 150 balles chacun et depuis, on a jamais eu besoin de remettre de l’argent dans les caisses. On a commencé par le CD qu’on sérigraphiait : il y avait 2 groupes sur le CD. On s’est inspiré du split (sur support vinyle : un groupe sur chaque face) », explique Marilyn Berthelot. Seize ans plus tard, elle est toujours là. Simon lui, continue à distance… Florian et Pierre ont rejoint l’équipe pour donner un coup de pouce à la fondatrice de l’asso. « En 2011, poursuit-elle, on s’est dit, si on essayait la cassette ? Vu la réaction des gens, on y est allés et on a fini par laisser tomber le CD. » Dès le début, l’équipe développe l’aspect graphique de l’objet… et avec le support cassette, ils vont encore plus l’exprimer : « c’est plus facile, on est plus libre de faire ce qu’on veut. » Et ce que fait Marilyn est bluffant ! Les pochettes d’Ideal Crash sont de vraies petites œuvres artistiques. Autodidacte, cette passionnée bénéficie tout de même de quelques bases solides : elle fait de la broderie, de l’origami, de la photographie argentique (qu’elle retouche manuellement) et a suivi une formation de coiffeuse/perruquière. Elle aime travailler la matière et elle a su offrir au label des pièces originales qu’on ne verra nulle part ailleurs : « ça fait partie de notre identité. Un label uniquement K7, en séries limitées et sérigraphiées. Ce sont des objets uniques faits à la main. Mais on fait attention à les vendre à un prix accessible. » Et c’est le cas : en ligne ou en direct, le prix affiché est de 8€ avec un code de téléchargement. L’enregistrement n’est pas non plus négligé. Depuis des années, les membres d’Ideal Crash travaillent avec Tape Line, une société anglaise qui fournit et duplique toutes leurs cassettes.

Mais voilà, avec un prix inférieur à 10€ et pas plus de 100 exemplaires par projet musical, les bénéfices sont faibles. Si les membres du label avouent ne pas chercher à en vivre, qu’en est-il des artistes ? Les musiciens s’y retrouvent-ils ? « Ce label, c’est avant tout une rencontre entre personnes. Les groupes savent qu’ils ne gagneront pas grand chose mais ils ne sont pas là pour ça. On garde une partie des cassettes et ils vendent celles qu’on leur donne au prix qu’ils le souhaitent. Et il y a aussi les concerts.» À Rennes, les membres d’Ideal Crash ont organisé plusieurs soirées. C’est d’ailleurs comme ça qu’ils ont commencé à faire de belles découvertes : « on a quelques fiertés quand même, avec Lysistrata, par exemple. C’est un groupe qu’on avait fait jouer et ils ont explosé ! Avec eux, les deux sorties cassettes étaient Sold Out ». Parmi les groupes sur le label, on peut aussi citer Corbeaux, Quentin Sauvé, Black Boys on Moped, Fragments, Reliefs ou encore Utoya. Des musiciens qui ont plutôt bien tournés dans l’Ouest… et ailleurs.

Marilyn est soutenue par une équipe mais après toutes ces années, qu’est-ce qui fait que la passion est toujours là ? À l’ère du capitalisme, comment fait-elle pour fédérer autour de son label ? « Faire les choses simplement, de façon honnête, ne pas faire de calcul » dit-elle sans même chercher ses mots. Une recette qui prend tout son sens dans un monde qui veut toujours aller plus vite… Prendre le temps de bien faire les choses… et continuer à entretenir sa curiosité… Oui, la musique, elle avoue en écouter beaucoup : « sur vinyles, cassettes, en dématérialisé… Il y en a toujours à tourner à la maison ». Et surtout ne pas s’isoler, soutenir les autres initiatives… Depuis 2017, elle représente son label au conseil d’administration du Jardin Moderne. Une implication au sein de la scène locale qui la conduit en juin 2021 à être élue présidente de cette grande association rennaise.

Ideal Crash est une page ouverte sur l’avenir, un label artisanal avec de belles années devant lui… Un projet qui suit les ambitions de ses débuts : mettre en avant avec classe tous ces musiciens qui restent parfois un peu trop dans l’ombre.

Caroline Vannier

Sur le web :
https://idealcrash.bandcamp.com/?fbclid=IwAR3Zm21rZ64V4k-ldKPk8Eflsu3vKTmJRlJqgrjeC1IDFS8E0SuQGWpU9iw
https://open.spotify.com/user/sa9ios003de1hwhs3freq6t9g?fbclid=IwAR1eWpvkk1nLgN7Ln997GJj4vJq2g3zNDPzzIt0buMoIT0fMa8WnUk1MIh
https://www.youtube.com/channel/UCoPm_R-07Evm5kEOMP_T3vQ
https://www.instagram.com/idealcrashlabel/?fbclid=IwAR1YqszbDil9Jtzsi1Dadyx5mg7Sxa_BD0jUds_-z8aC6yW3Pm9RIq7bhhc
https://www.facebook.com/idealcrashlabel











Fanzine n°3 spécial Scène Locale

Ubutopik met en avant les acteurs de la scène locale. Rencontre avec une dizaine de passionnés qui travaillent au quotidien avec des groupes pro et amateurs.  À Rennes, rencontre avec Bruno (Mondo Bizarro et Punkorama), Jack de Rennes to the Hills, Yannick et Marion de Metal Injection, Justine de Dream’in Noise ainsi que les équipes de Garmonbozia, du Samaïn Fest, du Superbowl of Hardcore et du Jardin Moderne. Les articles et les interviews ont été réalisés entre 2019 et 2021.

Tarif : 5€.
Reliure artisanale.

Le Jardin Moderne (mars 2021)

À Rennes, qu’ils soient amateurs ou professionnels, rares sont les musiciens qui n’ont jamais poussé les portes du Jardin Moderne. Un lieu devenu incontournable pour répéter, se former et échanger. Implanté entre la Vilaine et la zone industrielle de Lorient, le bâtiment porte la marque d’une mixité artistique. Tel un symbole de cette diversité, les murs passent entre les mains des graffeurs de la biennale Teenage Kicks en 2015. Mais après vingt-trois ans d’existence, comment l’association s’inscrit-elle dans le paysage local ? De quelle façon a-t-elle changé depuis ses débuts ?

L’histoire du Jardin Moderne commence en 1997 lors d’une réunion des Assises de la Culture à Rennes. De ce rendez-vous naît un constat clair : musiciens, musiciennes et membres d’associations doivent se rassembler pour remonter leurs difficultés. Ils créent alors une structure sous le nom de Collectif (qu’ils changeront pour le Jardin Moderne en 2007). Moins d’un an plus tard, ils obtiennent une solution de taille : la mairie leur propose la gestion des anciens laboratoires de Kodak. Loin du centre ville et des nuisances sonores, les membres de l’asso apportent ce qui manque aux groupes : un lieu de rencontre et des locaux de répétition. À partir de là, tout s’accélère. Pour installer durablement ce nouvel équipement, un premier directeur (Benoît Careil) est nommé et des salariés sont recrutés. La demande explose ! Les musiciens adhérents s’inscrivent en nombre et les services s’adaptent : au fur et à mesure des années, les studios passent de quatre à sept, des créneaux sont ouverts du mardi au dimanche, du matériel est aussi prêté et/ou proposé à la location… Un vrai coup de pouce pour ceux qui manquent d’espace et d’équipement. Oui, dès le départ, la Répétition est clairement une part cruciale des missions du Jardin Moderne… mais c’est loin d’être la seule. Le cœur du projet passe par l’échange et il ne sera pas limité à la musique.

Avec une galerie qui jouxte le bar et les salles de répétition, le Café est un carrefour, un passage obligé qui provoque les rencontres et pousse à la curiosité. Pendant leur pause, les musiciens et musiciennes se croisent et côtoient des œuvres graphiques : une façon de sensibiliser chacun à d’autres voies artistiques. L’équipe du Jardin Moderne se spécialise (médiation projets, accueil, animation répétition/bar, communication…) et met en place de nombreux événements dans cet espace devenu central. Parmi ces rendez-vous, on peut citer les vernissages, les concerts, les formations… des actions qui sont autant d’initiatives pour apprendre et faire du lien. Impulsé par la réouverture du studio d’enregistrement en 2015, le festival Spring Rec s’installe aussi chaque année, le temps d’un week-end. Un mini fest qui met en lumière une trentaine de Labels indépendants : un moment de rencontres non négligeable entre le public et les acteurs de la musique.

Au Jardin Moderne, il ne faut pas oublier la salle de concert. C’est d’ailleurs un des arguments que les membres fondateurs avaient remonté à leurs débuts : comme aujourd’hui, la pénurie de lieux pour le live et la mise à disposition aux actrices et aux acteurs locaux faisaient partie des revendications. D’une capacité de 250 personnes, la salle du Jardin permet de répondre aux demandes des associations, des professionnels et des groupes. Entre soirées, filages et formations, elle apporte de multiples possibilités. Avec la fermeture de la Cité (ce ne sera bientôt plus le cas) et des espaces comme l’Ubu, le 4Bis ou l’Étage, le Jardin Moderne offre des moyens complémentaires en terme d’encadrements techniques : une façon de lancer et de pérenniser les initiatives pour tou.te.s. Les concerts y sont nombreux… mais la position excentrée du Jardin Moderne freine parfois la venue du public. L’ajout d’un horaire tardif (à la ligne de bus 11) les vendredis et samedis est un avantage mais les passages en semaine restent encore trop insuffisants. Une réflexion est également en cours pour l’aménagement des berges côté Vilaine : la piste cyclable et/ou piétonne ouvrirait un nouvel accès plus proche de la ville.

Et en journée ? Le Jardin Moderne, c’est aussi un Centre Ressource. Un lieu ouvert avec un fonds documentaire (papier et numérique) et la possibilité de prendre rendez-vous pour des suivis de projets. Un animateur informe et accompagne chaque personne désireuse d’en savoir plus sur la législation et/ou de se lancer dans une nouvelle aventure. Là encore, le public est large : artistes, amateurs, organisateurs d’événements, professionnels actuels ou en devenirs des métiers du spectacle vivant… À partir de midi, le bar et le restaurant offrent également aux musiciens, aux salariés de la zone industrielle et à toute personne qui le souhaite de s’offrir une pause côté Café. Sur le temps méridien, le lieu s’ouvre à des gens d’horizons différents… et qui inévitablement vont se croiser.

Et dans les coulisses ? Il y a bien sûr les locaux techniques comme la cuisine, les réserves et les bureaux que les salariés partagent avec des associations locales. Parmi elles, des acteurs comme Mass Productions, 3Hit Combo, Patchrock ainsi qu’une graphiste indépendante. En 2010, le Jardin Moderne encadrait même l’hébergement d’une dizaine de structures dans l’ancienne école Kennedy. La définition autour d’un « cluster artistique » se dessine mais la distance entre les bâtiments rend la gestion difficile. L’histoire se termine le 31 décembre 2017 mais le projet pourrait renaître, sur un même site, à travers l’agrandissement des locaux actuels.

Dans les années 2000, le Jardin Moderne s’inscrivait comme le lieu des musiques actuelles : c’est toujours le cas… mais aujourd’hui, l’association se veut porteuse de projets, militante aussi. Elle s’engage auprès des intermittents, des cafés concerts, de la place des femmes dans la musique… Mais force est de constater que son travail auprès des musiciens et des musiciennes est la mission qui perdure depuis ses débuts. Les nouvelles technologies et l’accès simplifié à l’enregistrement auraient pu donner un coup de frein à la fréquentation mais il n’en est rien. Les groupes auront toujours besoin de se former et de lieux pour répéter. Avec 1020 adhérent.e.s (dont 402 groupes et artistes différent.e.s) et un planning qui ne désemplit pas, l’équipe du Jardin participe à maintenir une diversité culturelle dans le paysage local. Un espace qui met tout le monde à égalité : débutants, amateurs, professionnels, spectateurs… Mais voilà, avec la Covid, qu’en sera-t-il pour 2021 ? Et après ? Entrevoit-on seulement le bout du tunnel ? Oui, en ce moment, les temps sont durs. Pour la première fois en vingt-trois ans, le Jardin Moderne est obligé de fermer ses grilles à la plupart de ses pratiques… mais la pandémie et l’absence de culture en France n’étouffera pas ces initiatives. Dès qu’ils le pourront, les passionnés seront là pour faire vibrer guitares, basses, micros, batteries, claviers… On a hâte !

Caroline Vannier

Une partie de l’équipe du Jardin Moderne

Sur le web :
http://www.jardinmoderne.org/
https://www.facebook.com/JardinModerne/
https://twitter.com/JardinModerne

Justine de l’association Dream’in Noise (février-mars 2021)

Ceux qui s’engagent dans l’organisation de concerts ont tous un parcours différent mais ils ont un point commun : une excellente connaissance musicale et une première orga souvent très réussie. Le 3 février 2018, Justine Évrard n’échappe pas à la règle. Après quelques années de bénévolat dans le milieu culturel, elle crée sa propre association et programme trois groupes au Marquis de Sade. À l’affiche ? Odium Decoy, Mauvais Geste et Black Malo. La concurrence est rude à Rennes… mais elle y croit et elle a raison. C’est une réussite ! Le petit Caf’Conc’ de la rue de Paris ouvrira ses portes à 80 personnes ce soir-là. Dream’in Noise est officiellement née.

Marquis de Sade, Mondo Bizarro, Gazoline, Ty Anna Tavarn, Synthi, Alex’s Tavern… l’association investit des lieux plutôt underground. Des espaces au plus proche du public où rien n’est impossible. En mode Do it Yourself, Justine parvient à placer des groupes comme The Lumberjack Feedback (avec leur duo de batteurs) dans le minuscule Terminus. Et elle ne s’arrête pas là ! En à peine deux ans, les projets se multiplient : un partenariat avec Metalorgie, la co-orgaination du « mini-fest » Les Enlaidies, une lecture-concert à La Part des Anges… Justine sait donner une place aux artistes de tout horizon et le public s’y retrouve. Tout va très vite et peu de mauvaises surprises… Mais qu’est-ce qui explique un tel feeling ? Est-il indispensable de faire soi-même de la musique pour mettre un pied dans cet univers ? Non. Rien n’est jamais figé mais avoir du recul est même un atout. Ce qui fait la différence, c’est sans doute la curiosité et la capacité à se passionner. Avant de tenter l’aventure Dream’in Noise, Justine a voyagé, elle s’est consacrée à l’environnement aussi. Mais c’est à Rennes qu’elle pose régulièrement ses bagages et c’est dans cette ville qu’elle affirme sa passion pour la musique. Bénévole en festivals, chroniqueuse radio pour C-Lab… Elle tient un blog, écrit pendant 2 éditions pour les Bars en Trans et fait du booking (et de l’orga de tournées) pour Raskolnikov et Drawing Hills. Être sur le terrain, se confronter à de nouvelles expériences… C’est en allant vers les autres que le projet Dream’in Noise se dessine. En 2017, elle fait même un pas supplémentaire en se professionnalisant : elle suit une licence pro « Gestion de la production audiovisuelle multimédia et évènementielle » et fait un stage dans un label.

La suite… La suite est en cours d’écriture mais nul doute que l’avenir de Justine et de Dream’in Noise sera riche de rencontres. Il est vrai qu’à l’heure du Covid, tout est plus complexe. Se projeter n’est plus une évidence mais quand les concerts reprendront, il faudra des actrices et des acteurs comme Justine Evrard pour faire battre à nouveau le cœur de la musique à Rennes… ou ailleurs. Et qui sait, c’est peut-être dans un tout autre rôle que l’organisatrice renouera avec la scène ? À la basse et au chant, avec des musiciens qui partageraient les mêmes aspirations. Sait-on jamais… Comme quoi, rien n’est jamais figé.

Caroline Vannier

Interview concerts dans le rétro

1 – Ton premier coup de cœur musical ?
J’écoute majoritairement du metal et affiliés aujourd’hui, surtout du post rock/post metal et les dérivés planants du black metal. Je ne me rappelle plus exactement via quel groupe, mais je crois que c’est via la brit pop et le pop rock anglais que j’ai commencé à être dingue de musique. Et quand j’ai découvert des trucs genre Le Velvet Underground, Depeche Mode, Leonard Cohen, et dans une autre dimension Blur, Ghinzu, Arcade Fire… Bah voilà, quoi, c’était fini ! Des groupes que j’écoute encore trèèèès régulièrement aujourd’hui ! C’est un peu ma porte d’entrée dans cet univers… Ce sont des groupes de neo metal et de prog, genre Porcupine Tree et Pain of Salvation, qui m’ont amenée vers des trucs plus vener et lourds.

2 – Un concert inoubliable ?
Hou… Inoubliable… Il y en a eu tellement qui m’ont marquée… Le premier qui me vient en tête, cependant, est un concert de Swans, que j’avais vu au 106, à Rouen… À un moment je me sors de ma torpeur et jette un œil autour de moi. Le public était hypnotisé, bougeait d’avant en arrière en rythme, comme s’il était devenu une seule entité… C’était la messe, on était tous en transe. Je n’avais jamais rien vécu de comparable auparavant !
Celui de Lingua Ignota, au Ferrailleur à Nantes, en 2019. Dans la voix de cette nana… holala il y a un truc magique, sacré, qui prend aux tripes et parle à tout le monde… Plus particulièrement à la partie la plus fragile de ton âme… Je crois que c’est le seul concert de ma vie où j’ai versé une larme. Ah oui et pile pendant ce concert, on m’apprend que Notre Dame est en train de cramer… ça a rajouté un petit côté black metal à la soirée. Quand j’avais vu Saint Sadrill aussi… Je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi beau… Que ce soit la voix d’Antoine qui est d’une beauté, l’interaction des musiciens entre eux, ou la manière dont ils faisaient plonger le public dans leur univers… Un vrai bonheur ! Refused aussi, au dernier Hellfest, c’était génial ! La fatigue cumulée de quatre jours de festoch s’est envolée comme par magie quand ils jouaient !
Et bien sûr, Birds in Row ! Je me sens toujours privilégiée quand j’assiste à un de leur concert. Ces gars là sont tellement sincères, il y a vraiment un truc qui se passe entre eux et le public, un truc intense et vrai. Et la dernière fois que je les ai vus, c’était à Londres et mon dernier concert avant le confinement, du coup dur d’oublier ça!

3 – Côté organisation, quelle est ta plus grande fierté ?
C’est dur… J’ai envie de citer pratiquement tous les groupes que j’ai fait jouer… Mais s’il faut choisir on va dire mon premier concert, avec Odium Decoy, Mauvais Geste et Black Malo. Car faire son premier pas dans l’orga c’est toujours le plus stressant mais aussi le plus excitant. Et puis les concerts en eux-mêmes étaient juste géniaux ! Avoir pu organiser Les Enlaidies aussi, bien sûr ! J’ai de fortes convictions féministes depuis environ mes 13 ans et réussir à organiser (avec trois amies) un festival où l’on programme des groupes de ouf avec pratiquement que des femmes, c’est réellement un accomplissement personnel !
Et plus précisément, pour les groupes en eux-mêmes… Je suis hyper heureuse d’avoir fait jouer Ingrina, c’est un groupe que je suivais depuis quelques années et c’est d’ailleurs le dernier concert que j’ai organisé (au Mondo) avec Utoya ce soir-là avant… que ça devienne compliqué ! D’avoir fait jouer Mars Red Sky au Mondo aussi. C’était genre ma troisième orga, on attendait du monde… et je m’étais mis beaucoup de pression. On a eu environ 200 personnes ce soir-là, c’était énorme !
The Lumberjack Feedback et Wyatt E. qu’on avait co-organisé avec Antisthène en moins de 24h au Terminus suite à une annulation, c’était pas mal aussi ! Je suis également hyper contente d’avoir pu faire jouer Every Stranger Looks Like You. J’avais adoré écouter leurs albums, mais en live… Wouah ! Je ne m’attendais pas à un truc aussi intense et qui me plaise encore plus !

4 – Des groupes ou des artistes que tu aimerais faire jouer ?
Russian Circles ! C’est mon groupe contemporain préféré. Mais bon, c’est un de mes rêves les plus fou, dans la réalité il faudrait un sacré budget pour le concrétiser ! Lingua Ignota, Feminazgul, je suis une très très grande fan ! La scène belge a toujours regorgé de groupes hypra talentueux et dans une dimension où ils seraient encore actifs, je rêve de faire jouer Ghinzu (même si juste revivre un de leurs concerts, ce serait déjà fantastique). Amenra et Oathbreaker aussi, mais pareil, pour ce genre de groupes, mon asso est un peu trop… DIY on va dire ! Côté français, si un jour je pouvais faire jouer Year of No Light, Monarch!, Ddent ou Birds in Row, je serais aux anges !

5 – Comment découvres-tu de nouveaux groupes ? En live et/ou sur Internet ?
Je crois que la base principale de mes découvertes vient les échanges que je peux avoir avec d’autres passionné.e.s et avec des potes, ou de soirées où on se fait écouter les sons qu’on aime respectivement qui aboutissent à des to listen listes (que je perds ou pas..). Elles viennent aussi des différents media internet et blog spécialisés, la presse écrite (même si c’est sporadique). Enfin bien sûr, une très grosse partie de mes découvertes a lieu en concerts et en festivals.

6 – Vinyles, C.D., K7 : des supports encore importants aujourd’hui ?
Importants pour soutenir les groupes qu’on aime, oui ! Après… à titre perso j’ai une petite collection de vinyles, mais j’ai ralenti mes achats quand je me suis rendue compte que je ne les écoutais pas tant que ça… Je ne voulais plus être dans l’accumulation. Même si bien sûr il m’arrive encore de craquer lorsque je suis soufflée par la prestation d’un groupe en live, ou que je suis particulièrement fan d’un groupe. Quand j’écoute un groupe c’est principalement via bandcamp ou des plateformes de streaming. J’ai toujours une belle collection de CD que je me trimballais régulièrement quand j’avais encore une voiture (dont le lecteur ne lisait que les CD). Mais en vrai le CD est un support tellement pourri qu’il est voué à disparaître. Au-delà de l’espèce de hype qu’il y a autour du vinyle et de la cassette, c’est quand-même important que ces supports subsistent. Déjà pour les conserver à long terme, car le stockage numérique n’est pas indéfini, contrairement à ce qu’on a tendance à imager. Et puis la qualité est souvent meilleure (pour les vinyles en tout cas) et le rituel qui y est attaché fait toujours plaisir. Et souvent ce sont de beaux objets, des œuvres d’art à part entière. Mais bon, si on ne veut pas se mentir, c’est le numérique qui gagne, on n’y peut rien et j’ai envie de dire tant mieux ! Je suis pour l’accès à la culture pour tous et je suis contente qu’aujourd’hui, n’importe qui puisse avoir accès à n’importe quelle forme d’art relativement facilement.

7 – Un bon groupe peut-il être mauvais sur scène ?
Oui, je pense. J’en ai déjà été témoin. Puis la scène c’est chaud quand-même, c’est normal que quelques fois il y ait des ratés !

8 – Cinq albums à impérativement écouter ?
Je mets de côté tous les classiques de type Velvet Underground (mon groupe préféré), Beatles, Depeche Mode, etc… que tout le monde connaît, mais qu’il faut impérativement écouter avant ceux que je vais lister :
– Desertshore de Nico (sa carrière solo est injustement méconnue)
– F# A# ∞ de Gospeed You ! Black Emperor
– Station de Russian Circles
– Murmuüre
– All Bitches Die de Lingua Ignota

9 – Un festival pas comme les autres ?
J’ai décidé de rester en Bretagne en 2016 grâce au Binik Folk Blues Festival. J’avais tellement aimé le site, l’ambiance, les concerts… Après… il a pas mal évolué en quelques années, il y a maintenant beaucoup trop de monde, ça en gâche un peu le charme malheureusement. Le Cabaret Vert, festival de ma région de naissance, que je supporte depuis ses débuts. Tu as la même prog qu’à Rock en Seine, donc de sacrés bons groupes quand-même (et une scène plus indé, dédiée aux découvertes et groupes plus underground, je précise), mais tu as le charme d’un festival d’une région rurale et frontalière, avec une super ambiance, des spécialités locales et des gens sympas du cru ou des pays frontaliers. Après, comme tout petit festival qui est devenu géant, il a gagné pas mal de trucs, notamment concernant la prog, mais a perdu aussi le charme des premières années. Et sa grosse particularité, c’est aussi d’être dans une démarche aussi écolo que possible et ça c’est un très très gros plus. Le Hellfest, le Motoc… ils ont leurs défauts, mais je suis toujours contente d’en être ! Le Samaïn Fest, pour sûr, ça c’est un festoch pas comme les autres, qui soutient un très beau projet et qui j’espère, va perdurer ! Le Tapette Fest c’était un super festoch aussi, très DIY et éclectique dans le côté bourrin. De manière générale ce sont les tout petits festoch que je préfère, où tu arrives à parler aux gens et à faire de vraies découvertes. Là je n’en ai pas cité beaucoup, mais en vrai j’ai fait proportionnellement plus de concerts dans ma vie que de festivals.

10 – Un mot sur la période que nous vivons en ce moment ?
Les concerts me manquent.

Interview réalisé par mail.

Sur le Web :
https://www.facebook.com/DreaminNoise

Court Métrange (mars 2021)

À Rennes, le festival international Court Métrange fait la part belle au cinéma fantastique depuis 2003. L’objectif ? Faire connaître des réalisateurs et promouvoir un genre qui n’est pas toujours bien représenté. Des événements comme Gérardmer, Avoriaz ou encore Strasbourg favorisent déjà le long mais dans le domaine du court, « l’étrange et l’insolite » se font rares… voire, inexistants. Un constat qui a motivé les membres de l’association Unis Vers 7 Arrivé de se lancer dans l’aventure : « nous souhaitons (…) Aborder des œuvres peu représentées et non récompensées dans les festivals de courts métrages « généralistes » Offrir un espace d’expression et de diffusion à des auteurs qui ont fait le choix, dès leurs débuts, d’une cinématographie différente qui fascine un public important et (paradoxalement) peu considéré. »

Dix-huit ans plus tard, certains visages ont changé mais la « Team » s’est étoffée et spécialisée. Fondé par Hélène et Steven Pravong (président actuel), le festival compte aujourd’hui une quarantaine de bénévoles. Un nombre de volontaires importants qui augmente encore pendant le moment fort d’octobre. Sélection, sous-titrages, communication… Des projectionnistes aux coordinateurs (selon les pôles), les compétences ne manquent pas. Aux côtés de Cyrielle Dozières – directrice – et Benoît Chrétien – recruté en octobre 2020 –, l’équipe met à l’honneur des films mais elle n’oublie pas les autres formes d’art. Le festival s’articule autour d’expositions, de conférences, de concerts et de rencontres… Une programmation variée pour « faire dialoguer le cinéma et les autres disciplines de la création afin d’ouvrir et d’enrichir la conception de l’image fantastique » . Des actions de médiations sont aussi développées à l’année, à travers Métrange Nomade : des séances qui vont à la rencontre du public dans les salles de cinémas, les médiathèques et les établissements scolaires.

Le festival Court Métrange, ça se passe tous les ans, au mois d’octobre. Au fur et à mesure des éditions, l’événement s’est tenu dans des lieux comme le Triangle, le TNB ou encore le Gaumont. Et en 2020 ? La réalité a dépassé la fiction. Une pandémie mondiale… et la Covid qui s’est invitée sans prévenir… Le festival est devenu (Très) Court Métrange pour un temps et l’association a fait « œuvre de résistance » en investissant l’Opéra et de nombreux autres espaces à Rennes. L’atmosphère y était, le public s’est laissé emporté… Un beau moment à une époque où la culture et l’imaginaire sont condamnés à l’errance.

Interview par mail, avec Cyrielle Dozières.

1 – Un mot pour définir le cinéma fantastique ?
Intemporel.

2 – Combien de propositions recevez-vous chaque année ? Comment sélectionnez-vous les films pour le festival ?
Nous recevons environ 2000 courts métrages chaque année et nous en sélectionnons environ 70, représentants plus de 20 pays.
3 comités de sélection travaillent de janvier à juin pour sélectionner les films qui entreront en compétition officielle. Un comité tout public, secondé par un second comité qui participe au visionnage ; et un comité spécialisé pour la compétition jeunes publics. Cela représente 21 sélectionneurs qui travaillent de façon collégiale pour élaborer les programmations. Le débat, la discussion et l’argumentation sont au cœur de notre travail de sélection car nous avons tous des regards différents sur le cinéma et sur ce qu’est un « film Court Métrange ».

3 – Qu’est-ce qui fait que chaque année est différente ?
Chaque année, l’association définit une thématique de travail qui permet de créer un fil rouge sur l’ensemble des événements qui construisent le festival : conférences, rencontres, expositions… Cela nous permet d’offrir un regard particulier sur une thématique importante du cinéma et de la création. En 2017 nous avons travaillé sur l’intelligence artificielle ; en 2018 sur le cinéma fantastique italien, Giallo ; en 2019 sur la figure du fantôme. Nos thématiques construisent des éditions inédites et nous permettent d’enrichir chaque année notre expertise sur le cinéma de genre.
La compétition officielle de courts métrages, quant à elle, ne prend pas en compte la thématique annuelle et propose le meilleur de la production internationale de courts métrages insolites et étranges des 2 dernières années. Néanmoins, la création cinématographique est ontologiquement liée au contexte planétaire, aux grandes questions géopolitiques et sociétales, aux inquiétudes et espoirs du moment. Aussi chaque année, la compétition reflète d’une certaine façon l’état actuel du monde, elle est donc différente des années précédentes.

4 – Cinq réalisateurs qui ont marqué le festival ?
Il est difficile de distinguer 5 réalisateurs ou réalisatrices en particuliers qui ont marqué le festival. De par notre champ d’expertise qui est l’étrange et l’insolite, chaque réalisateurs et réalisatrices apportent avec leur film un regard unique et marquant. Cela est sans compter, bien entendu, les Grands Prix Court Métrange remis chaque année qui récompensent peut-être le film le plus marquant de chaque compétition.
Certains réalisateurs et réalisatrices ont été diffusés en compétition plusieurs fois au fil des années comme Joséfa Celestin, Matthieu Vigneau, Kevin McTurk, Bruno Collet, Simon Cartwright, Jospéhine Hopkins, Marc Riba, Karim Ouelhaj… et nous suivons leurs carrières avec intérêt.
Certains grands noms sont également passés par chez nous comme Denis Villeneuve, Jim Cummings ou encore Andy Muschietti qui avait présenté le court métrage Mamà, qui a donné lieu à son premier long métrage produit par Guillermo Del Toro.

5 – Votre plus grande fierté ?
L’enthousiasme du public, tous les ans, à venir découvrir avec nous ces « petits » films étranges et décalés, ces « petits » films peu valorisés qui sont rarement diffusés, ces « petits » films qui parfois révèlent les grands réalisateurs de demain.

6 – En dehors du cinéma, quels artistes (auteurs, musiciens, peintres…) voudriez-vous faire connaître dans le domaine du fantastique ?
Qu’ils soient auteurs, plasticiens, essayistes, artistes, bédéistes, graphistes, historiens… beaucoup travaillent avec l’imaginaire fantastique. Court Métrange c’est aussi un lieu où mettre en lumière le fait que ces mondes étranges et irréels font partis de nos quotidiens. Finalement il n’y a pas « un domaine du fantastique », le fantastique est omniprésent dans nos cultures. Nous aimons penser que Court Métrange est un lieu de décloisonnement des genres et des pratiques.

7 – Cyrielle, quand on a été l’unique salariée pendant des années, comment s’organise le travail ?
J’organise mon travail en m’appuyant sur la collégialité. En effet, bien que je sois au poste de direction, l’association fonctionne grâce à l’extraordinaire investissement de ses bénévoles qui travaillent à l’année sur la conception et la mise en place des événements. C’est aussi ce qui fait le charme du festival, une équipe de passionnés qui ont envie de faire plein de choses pour eux, pour le projet et pour le public.

8 – Court Métrange, c’est aussi un visuel impeccable. Qui est à l’origine de ces créations ?
Depuis 2008, nous travaillons avec le Studio de graphistes Kerozen (Rennes). Leur travail est magnifique et ils ont su, avec nous, créer une identité visuelle très forte pour le festival. Notre champ de recherche, pour la création des visuelles, s’articule sur l’ambivalence entre attraction et répulsion, c’est-à-dire le cœur de notre travail sur l’étrange. Chaque année, nous sommes très fiers de nos affiches et visuels, elles contribuent systématique à mettre un peu d’étrangeté dans la ville de Rennes grâce à l’affichage public et c’est toujours un plaisir.

9 – Pascal Laugier (Le Pacte de Loups, Saint-Ange…) était président du jury, en 2019. Comment l’avez-vous approché ? Comment se sont déroulés les séances de travail ?
Accueillir Pascal Laugier a été une grande fierté, l’approcher n’a pas été très compliqué car, très simplement, il a été partant pour soutenir le festival en y participant. Pascal Laugier a un regard sur le cinéma très fort et il a très rapidement compris notre « combat » pour valoriser des genres cinématographiques trop souvent mis de côté. Le jury du festival est totalement autonome, nous n’intervenons jamais dans leurs délibérations, mais nous avons pu observer la superbe personnalité de ce réalisateur et sa grande exigence face au cinéma. À la fin du festival, il nous a félicité pour notre travail et remercié pour ce qu’il avait pu voir avec nous, cela a été un moment de consécration pour moi.

10 – Des acteurs comme Tchéky Karyo ou Thierry Frémont ont aussi été président du jury. Pourquoi être allés vers eux ? Que représentent-ils dans le paysage cinématographique ?
Pour la constitution des membres de notre jury, nous essayons de mêler des personnalités différentes avec des carrières différentes. Qu’ils soient auteurs, cinéastes ou encore acteurs, ils ont tous a un moment de leur carrière interrogé ou expérimenté le fantastique et le genre. C’est cet éclectisme qui nous intéresse.

11 – Christophe Taudière fait partie du jury depuis de nombreuses années. Pour ceux qui ne le connaisse pas, pouvez-vous le présenter ?
Christophe Taudière est responsable du Pôle court métrage à France-Télévisions depuis 2011. Il est également conseiller de programmes et responsable éditorial de l’émission Histoires Courtes sur France 2. Chaque année, il intègre notre jury officiel afin d’attribuer le Prix France-Télévision, le film primé est alors diffusé en exclusivité sur France 2. Ce partenariat est très important pour nous car il contribue clairement à la visibilité des œuvres que nous défendons. De plus, la confiance que nous accorde France-Télévision et Christophe dans nos choix de sélection est une reconnaissance très forte.

12 – Un mot sur l’édition 2020 ?
Court Métrange n’a pas fait d’édition 2020, en effet, au vu du contexte sanitaire nous avons préféré reporter la compétition 2020 au profit d’une série d’événements autour du fantastique et de l’étrange intitulée (Très) Court Métrange. Ce choix a été compliqué à faire, néanmoins, nous tenons à la qualité de diffusion de nos films, à leur rencontre avec un large public et à l’accueil que nous pouvons offrir aux professionnels et au public. 2020 a été une année où ces conditions ne pouvaient pas être totalement respectées, aussi nous nous sommes emparés de ce contexte pour travailler sur une programmation rétrospective, travaillant sur des best of Court Métrange. Une occasion aussi de découvrir ou re-découvrir les films des anciennes compétitions.

13 – Des films à conseiller pour commencer ?
Allez fouiller chez Cronenberg, là vous avez de l’étrange !

14 – Pour les connaisseurs, des courts et longs métrages à voir et à revoir ?
Question compliquée… Je vais peut-être profiter de cette difficile question pour vous conseiller de venir re-découvrir avec nous le cinéma d’anticipation au Ciné TNB à partir de mai 2021. En effet, Court Métrange a été invité par le Ciné-TNB à proposer 4 longs métrages de l’histoire du cinéma d’anticipation dans le cadre du Ciné-Club, tous les premiers jeudis de chaque mois. Une belle occasion de s’emparer du cinéma pour voir ce qu’il nous dit du monde de demain. Bien entendu, en espérant que les salles soient ouvertes en mai prochain…

15 – Un roman fantastique que vous aimeriez voir adapté au cinéma ?
La nuit des temps de Barjavel. Un livre d’enfance pour moi.

16 – Pas de cinéma sans salles obscurs ?
Le cinéma peut exister à plein d’endroit, il y a de multiples façons de le faire exister. Néanmoins, penser le cinéma sans les salles obscures c’est aussi le dénaturer, en faire autre chose. L’expérience de la salle demeure le lieu sacré de l’expérience cinéma. En dehors de la salle, le cinéma devient autre chose. Cette « autre chose » peut être passionnante et riche mais à mon sens, cela en fait des objets cinématographiques autres et il faut en tenir compte.

17 – Le mot de la fin ?
Il n’y a pas de fin. Le cinéma de genre, le court métrage insolite et Court Métrange ont de belles années devant eux.

Caroline Vannier

Sur le web :
https://www.courtmetrange.eu/
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https://www.instagram.com/courtmetrange.fest/
https://twitter.com/courtmetrange
https://www.youtube.com/channel/UCbS9jcW3uiDQeGgZAT29Emw/videos