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Des histoires qui se vivent

Catégorie dans Les acteurs de la scène locale

Mass Prod ! Mass Glocal ! Artisan du Punk ! (décembre 2012)

La Bretagne et la culture punk : ça fait plus de trente ans que ça dure ! Pourquoi ? La question se pose : certes, la péninsule de l’hexagone a de tout temps été influencée par une grande sœur pas si lointaine, et si on la conjugue à un hargneux désir d’autonomie… on obtient, une aspérité naturelle à la contre-culture. Le Fest Noz et le Pogo, ça peut paraître contre-nature mais regarder à Callac : les acclamations « Vive le Punk » ont un écho bien au-delà des terres armoricaines. Attachée à la culture punk et avec presque 17 ans d’activisme, Mass Prod est une référence en matière de Do It Yourself. Label incontournable de la scène punk bretonne, l’association est née en premier lieu en soutien aux mythiques Mass Murderers. Durant toutes ces années, l’aventure humaine s’est poursuivie. Née et demeurée locale, elle a su rapidement se faire globale à travers la promotion de groupes venus de tous horizons (Outre Manche, Brésil, Norvège…)

Rencontre avec Vincent, actuel salarié de Mass Prod, qui nous accueille dans son local situé au Jardin Moderne à Rennes. À première vue, le lieu est chargé : des CD, des piles de cartons à profusion… pas le gros dawa, mais on sent que ça bouillonne dans ce petit bureau. À coup sûr, nous sommes dans un atelier où Vincent et ses acolytes diffusent du punk comme des artisans forgent leur métal ! La métaphore est facile mais elle a du sens : Mass Prod propose de fabriquer vos badges, vos porte-clefs, vos décapsuleurs avec l’image que vous souhaitez… si ça c’est pas du travail d’artisan ! La petite fabrique indé de Mass Prod, ça fait 17 ans que ça dure et il paraît plus que probable que tant qu’on trouvera du Punk a Pleyben ou à Tredarzec, il y aura de la place pour trois accords au tempo endiablé. Faire exporter les Mass Murderers : une putain d’aventure qui les a menés dans une dizaine de pays, et fait découvrir des pépites punks inexplorées. Car l’asso a su se faire dénicheuse de talents (One way System, par exemple, qui enregistra et joua pour Mass Prod de 1997 à 1999 et bien d’autres…) . Une voie qui fait l’empreinte de Mass Prod : un label qui croit en la scène locale et qui l’exporte au global et vice versa, les membres de l’asso n’hésitant pas à loger les groupes chez eux « Tous les jours, c’est riche de rencontres », nous explique Vincent. Un des énièmes projets en date : une compilation de la scène alternative réunionnaise… Massif Glocal !! La compilation, c’est d’ailleurs le boulot de marronnier de Mass Prod : les Breizh Disorder, ça date de 1999… synthèses, bien évidemment subjective (les groupes de pop ne rentrant pas dans cette démarche) mais objective par la qualité du son « l’enregistrement en répet ne peut pas rentrer dans la compile ». Breizh Disorder est une trace indélébile de ce qui se fait et se faisait de mieux dans la scène extrême bretonne des années 2000 et ce n’est pas fini : jetez un œil à la dernière création des artisans de Mass Prod, elle arrive en avril 2013. Une compile qui a de l’importance : demandez aux groupes du coin, j’avoue qu’avoir son propre son sur Breizh Disorder pourrait engendrer une légère perte de modestie spontanée mais heureusement éphémère !

Des artisans au service des artistes, la frontière est mince entre les deux mondes, Vincent a d’ailleurs déjà figuré dans des groupes avant de se concentrer sur Mass Prod. En l’écoutant, on se rend compte qu’il y a eu du beau monde à passer dans l’atelier, notamment, grâce aux contrats aidés. Mass Prod a pu se développer dans les années 90 avec les emplois jeunes « on pouvait vraiment faire des projets avec eux pendant cinq ans », regrette Vincent, qui déplore la durée trop courte des contrats actuels. Car Mass Prod, c’est une équipe de salariés et de bénévoles. Et ce n’est pas anodin puisque l’asso repose sur la touche perso de ses acteurs : les compétences, les expériences et les valeurs humaines de chacun font la différence « Fabien, par exemple, avait un bon contact humain, il assurait niveau administratif ». Le décès de Stef’Luc, président, puis trésorier de Mass Prod, survenu en début d’année, a marqué d’un point noir l’année « on a vécu une année dure ». Cette petite « entreprise » n’est pas comme les autres : elle n’est pas là pour créer un profit mais elle est vouée à animer le punk de ses aficionados assoiffés de nouveau son, car à la question comment vieillit le punk ? Vincent nous répond « ça dépend des pays » mais incontestablement « le breton aime le punk ». Dans la Breizh, les lieux mythiques et embrasés ont été (le Wagon de Saint- Brieuc) ou sont encore (la ferme Gwernandour dans les Monts d’Arrées). En général, les points de chute punk, ça se trouve : la toile est bien connectée dixit Vincent « les 2/3 du boulot aujourd’hui c’est répondre au mail, ça prend un temps de dingue ». Internet a fait évoluer les techniques « avant Mass Prod, je n’avais jamais touché à un ordi » mais le travail d’orfèvre reste le skeud avec des disquaires partenaires un peu partout (le Disquaire et Imagine à St Brieuc, Born Bad à Paris, Ty Blurt à Quimper…) Et le téléchargement ? Pas d’intérêt pour Vincent « le punk est en téléchargement libre donc autant laisser faire ».

Mass Prod, c’est une histoire de passionnés, de dingues de punk qui ont réussi à comprendre les arcanes du système afin de mieux les slalomer et semer la graine de l’anarchie dans tous les Plou du pays. Même si Vincent reconnaît que « pour pouvoir exister, on a dû se situer entre le Do It Yourself et quelques compromis avec le système capitaliste », l’asso est une belle réussite de par son statut indé intransigeant et de par son authentique soutien aux groupes. Du punk, du hardcore, de la chanson engagée… : on ne peut pas dire que le panel est celui de Barclay ! En 2016, l’association fêtera ses 20 ans : on compte sur eux pour nous faire une anarchie comme il se doit!

                                                                              Benjamin Vannier

À Saint-Péran, on sème le punk (juillet 2012)

Rencontre avec Patrick Gouevy, qui fête les 20 ans de son café concert, La Fontaine, si atypique de par sa scène underground située en plein pays de Brocéliande, et pourtant si ancrée localement. Une réussite et un parcours à méditer.

Il n’y a pas besoin de prendre rendez-vous pour aller voir Patrick. Juste une petite mise au point sur l’itinéraire à suivre, et c’est parti… Welcome in Saint Peran city !! Son lieu de boulot ? Un bistro ou plutôt un baltot : voulez-vous un petit rosé Monsieur ? Pas de problème, Patrick vous le fera déguster à l’apéro. Vous avez oublié du beurre ou vous n’avez plus de pain pour dîner ce soir… Madame ? Ne craignez rien … Il a tout ce qu’il faut Patrick : l’épicier du village c’est lui aussi. Et toi, jeune punk perdu aux portes de Brocéliande… tu veux rentrer dans la légende ? Pose ton sac ici et ramène tes rangers au bistro !! Ce soir, c’est Samedi et c’est Bullshits detectors et Hopper Noz qui tiennent la sono. Donc… Salutations distinguées à quelqu’un qu’il faut citer : Patrick qui tient depuis près de 20 ans son troquet à Saint-Péran.

Lieu obscur de débauches anarchistes ? À vrai dire, rien n’indique à première vue qu’ici, on agite la crête frénétiquement. Car d’habitude, ici c’est ambiance «  taverne » : on pose son baluchon pour un petit ballon et le coude au comptoir. Pour le point géo et démo : Saint-Péran est à une trentaine de kilomètres de Rennes via la N24, peuplé de plus de 300 âmes et prélude à l’entrée de la légendaire forêt de Brocéliande. La tranquillité est de mise sans que cela ne soit aucunement dépréciatif : il fait bon vivre la campagne, et pour résumer, si vous voulez voir du live dans ces contrées, une phrase de Normands s’impose : « on n’est pas très loin de tout mais pas tout prêt non plus. » Mais, Saint-Péran a son Excalibur : son « café de pays » comme l’annonce l’appellation. Bien méritée, celle-ci, et bien nommée car il en a certifié des groupes Patrick depuis les Gunners, il y a près de de deux décennies. Fouler la Fontaine de Brocéliande est une étape, un lieu à part où quasi tous les samedis soirs, des korrigans à crêtes nous rejouent dans une éternelle litanie, si criante de sincérité : « No Future » Punk is not dead, les gars ; car tout ne se joue plus à Camden mais à Saint Per’ !! Bien sûr, il n’y a pas que du Punk, l’ouverture d’esprit est un credo au bistrot : rock, hardcore, electro rock, electro punk, percu africaines… Bref, c’est la culture du Caf’ Conc’, permettant à des artistes semi-pros ou amateurs d’effectuer leurs premières armes. Par ailleurs, de très beaux faits ont eu lieu : rien de moins que Mass Hysteria, Burning Heads, Tagada Jones et Les Ramoneurs de Menhirs ont tiré la bourre et fait trembler la terre de Brocéliande !! Cet enfant des Bérurier, fan des Brassens not Dead évoque sa passion pour la fin des eighties, et quand on évoque des difficultés… Quelques-unes apparaissent : l’interdiction de fumer dans les bars « Les gens passent leur temps dehors pendant les concerts » . Patrick relate une citation d’un de ses clients d’un soir « Punks à chiens  ?  Au final, on joue que pour les chiens ». Un comble ! Et « l’electro qui a tout bouleversé » les raves ont entravé la marche des Cafs’ Conc’ de par le fait d’investir de grands sites pour pas un sou. Cependant, Patrick détone car peu de nostalgie transparaît : des souvenirs mais la volonté du présent reste intacte. Les projets sont là et il n’est jamais avide de propositions de live tant que cela reste… authentique. En cela, c’est peut-être ça un punk en 2012. Finalement ni original, ni dérangeant, c’est juste une parfaite synthèse entre un esprit local et un patron de bistro qui a souhaité faire vivre et partager sa passion tout en demeurant les pieds sur terre. Une belle histoire qui est loin d’être finie. Car le 2 juin dernier, la Fontaine de Brocéliande a fêté ses 20 ans. Peu de Caf’ Conc’ atteignent le bel âge ! La page que connaît actuellement le centre-ville rennais et la pression exercée sur les bars concerts (sécurité, acoustique) le prouve. Elle oblige les bars de la ville à restreindre son et scène : le Sambre , le Barock, le Gazoline… À qui le tour ? Il est bon de respirer l’air de Saint-Péran : un esprit populaire à l’écoute d’un bon Burning Heads tout en sirotant un petit verre qui sent bon l’anis. D’ailleurs, ne serait-ce pas là le mot à bannir par la ville de Rennes actuellement : populaire… pardon, je m’égare, c’est mon troisième jaune.

Benjamin Vannier

RETOUR CHEZ PATRICK : Interview « si je te dis… » (mars 2018)

1 – Les Ramoneurs de Menhirs ?
Je réponds 5 fois : le nombre de fois où ils ont joué à la Fontaine.

2 – Bérurier Noir ?
Laurent et François, les deux leaders des Béru. J’ai jamais rencontré François mais j’aimerais bien… Je les ai vus en concert deux fois, à Rennes. Des bons souvenirs !

3 – Les 25 ans de la Fontaine ?
Il y a 1 an : il y avait 4 groupes qui jouaient pour l’occasion. Ah, ça fait un quart de siècle de Rock’n Roll ! J’ai apporté ma petite pierre à l’édifice du rock breton.

4 – Metal ?
Soirées metal. Et, style de musique que j’apprécie.

5 – Punk ?
Je peux pas dire pareil ? (rire). Des gens bien, malgré les apparences et… beaucoup d’amis dans le milieu.

6 – Cassettes ?
Ah ! Qu’est-ce que je peux dire comme blague ? Souvenirs, démo, découvertes… Je les recevais par courrier, le CD n’est arrivé qu’en 95-96. Maintenant, tout passe par Internet. Les mails, j’aime pas, c’est comme si une cassette tombait du ciel : il n’y a pas d’info, pas de numéro de téléphone, pas de références. Facebook, j’aime bien : c’est plus facile, on arrive directement sur la page des groupes avec toues les infos. Il y a aussi le téléphone mais bon, il sonne pas toujours au bon moment. Ici c’est comme un restaurant, il ne faut pas appeler au moment où il y a le plus de clients : entre 18h00 et 20h00, c’est l’heure de l’apéro, je suis en plein boulot.

7 – Canal Bus ?
« La Breizhicale ! » Les gens d’Action Discrète. Canal Bus, ils m’ont appelé pour venir faire une parodie de concert. C’était un lundi soir, je leur ai dit « bon d’accord » mais il fallait que je trouve 40 personnes pour faire le public. Ils sont arrivés avec leur fourgon et sont repartis à l’hôtel pour se préparer mais bon, y’a des gens qui les avaient déjà reconnus. Le tournage s’est passé en deux prises : ça devait pas dépasser deux minutes à l’écran. Ils sont restés longtemps, avec nous, après le tournage. Ils ont payé d’avance une somme au bar et au food truck venu pour l’occasion, et ils ont invité les gens. Tu sais quoi… (rire) Je l’ai dit au maire et il pensait que la commune serait valorisée. Quand c’est passé à la télé, il est venu me voir et il m’a dit : « c’est quoi ce truc ? C’est nul et en plus, on a rien vu de la commune ». Moi, j’étais mort de rire, je lui ai dit : « c’est drôle Maurice, c’est une parodie ». Mais non, il démordait pas ! Ça me rappelle, le tournage de Canal Bus à Carnac : si tu l’as pas vu, il faut le trouver sur Internet !

8 – Dans 10 ans ?
Alors, dans 10 ans, j’aurais 64 ans ? Moi-même, je sais pas trop… J’ai fait une carrière longue. J’ai commencé à travailler à 18 ans : à 60 ans, j’aurais tous les trimestres. Je pourrais m’arrêter là. Mais si je veux continuer, je continue. Oui, du coup, j’en serais à 36 ans d’ouverture pour la Fontaine !

 

Sur le Web :
https://www.facebook.com/La-Fontaine-de-Broc%C3%A9liande-589462131168154/

Le Mondo Bizarro : la musique avant tout (novembre 2012)

La scène rock rennaise existe ! À quelques pas du centre-ville, des riffs enragés résonnent toujours dans l’ancienne capitale bretonne. Preuve en est : le Mondo Bizarro, un Caf’Conc’ qui n’a pas dit son dernier mot. Déjà 10 ans que les amateurs de gros son y usent leurs godillots. Et ils en ont vu du beau monde dans le domaine : le garage new-yorkais de The Fleshtones, le classique londonien de The Boys, l’authenticité punk de Parabellum et même Marky Ramone, l’ex-batteur du groupe mythique portant le même nom. Marky R… Un musicien qui a dû se sentir comme chez lui en voyant la déco du bar ! C’est vrai qu’au Mondo, on sent l’empreinte des Ramones. Il faut dire que Bruno, le taulier en connaît un rayon sur le sujet. Le punk c’est son affaire… En tant que fan ou musicien, la passion est toujours là.

Punk d’ici et d’ailleurs… Quand il n’est pas derrière le bar, le patron du Mondo taille la route avec sa basse. Plus de 500 concerts dans 8 pays d’Europe avec les Gunners et un poste chez les Trotskids depuis 2008 : un groupe des années 80, reformé il y a 4 ans et dans lequel il rêvait de jouer. En tournée, il en a traversé des villes… C’est peut-être ce qui explique la forte représentation de la scène internationale chez lui. Et les groupes locaux dans tout ça ? Comment trouvent-ils leur place parmi toutes ces pointures ? Au Mondo, les amateurs côtoient les professionnels sans le moindre complexe. C’est l’esprit du lieu ! Bruno laisse les commandes aux assos locales le temps d’une soirée : « les groupes du coin se bougent », un bon point pour l’avenir !  Derrière la sono, il évoque quelques bons souvenirs avec Collapse Machine, du hardcore habilement mené ; Head On, un mélange brut de rock et de punk ou bien Bikini Machine, un vrai groupe de scène… Le Mondo, c’est aussi une histoire de potes ! Y’a qu’à demander à Kalchat… Tous les ans, il fête son anniversaire en grande pompe. Un prétexte pour assister à des formations d’un soir comme Amarilla Fresa ou les Alzheimer : les membres des groupes Lofofora, EZ3kiel, Tagada Jones ou Ultra Vomit s’y sont déjà collés. Un beau mélange ! Pas de doute, au Mondo Bizarro, le punk, le rock et le metal font bon ménage. À qui le tour ?

Caroline Vannier

 

Sur le Web :
http://mondobizarro.free.fr/news.htm
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