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La Crypte a 20 ans (automne 2021)

Death, thrash, grind core… sur Canal B, la Crypte raconte les musiques extrêmes de France et d’ailleurs. Peu d’interview, pas de temps mort… mais pendant près de 2h00, Damien et Lorène passent des morceaux peu (ou pas) représentés à la radio. Oui, du metal avec des accents parfois quasi « inaudibles »… et c’est tant mieux ! Il serait dommage de limiter l’écoute de cette musique brutale, anticonformiste et si diversifiée. Pari réussi ! Depuis 20 ans, la Crypte se fait l’écho de ces sons sombres et rageurs, un vendredi sur deux, entre 23h00 et 1h00.

Deux décennies… cette longévité, Lorène et Damien ne l’expliquent pas. Ils se rappellent du jour où ils ont proposé l’émission à la direction de Canal B. Ils se souviennent aussi des différents locaux qu’ils ont arpenté au fil des déménagements de la radio… mais cette musique, celle qu’ils écoutent depuis l’adolescence, reste le fil conducteur de leur aventure. Au gré des années, des idées ont germé, d’autres ont été abandonnées… mais peu de gros changements dans la façon de présenter. Pour le duo, pas question de recourir à l’enregistrement ou de modifier quoi que ce soit : tout se déroule sans filet, quitte à faire des « pains ». Une approche qui respire l’ère des radios libres : du direct, une playlist (piochée sur CD, vinyles et Internet) et surtout ce lâcher prise qui donne de la fluidité à leurs échanges. Les animateurs ne boudent pas pour autant les autres médias. Ils utilisent podcasts et réseaux sociaux, des outils ancrés dans le quotidien qui permettent d’étendre auditeurs et propositions musicales… La seule différence avec les pratiques d’aujourd’hui : personne ne verra les présentateurs de la Crypte s’adonner au jeu de la mise en scène. Sur leur page Facebook, des photos sont postées régulièrement… mais aucune d’eux… pas de vidéo non plus. Ils n’ont même pas encore communiqué officiellement sur les 20 ans de l’émission. Cet anniversaire, ils l’ont fêté en toute discrétion, à l’antenne : « oui, on fera quelque chose » avouent-ils en laissant pas mal de points de suspensions… « on a pas eu le temps mais on va y réfléchir » concluent-ils. Dévoués à leur musique, ils le sont… anticonformistes, sans doute un peu aussi.

La singularité. C’est ce qui résonne quand on parle de tout ce qui entoure la Crypte. Un truc qu’on retrouve dès le générique. Un montage « fait maison » diablement efficace qui mélange films d’horreur et metal. Et ce n’est pas un hasard… Un lien ténu existe entre ces deux approches artistiques : le genre horrifique (voire gore) se retrouve dans l’esthétique d’un bon nombre de musiques extrêmes… Un point qui fascine les présentateurs depuis un paquet d’années et qu’ils ont choisi d’aborder par la figure de Cthulhu dans la Crypte.

Après 487 émissions, Damien et Lorène ne regardent pas en arrière. Bien au contraire. Ils avancent, mènent leur propre route… mais toujours à la nuit tombée. Tard le soir, les bureaux sont vides et le direct n’est plus la norme mais… eux, ils continuent. Oh, il arrive que de nouveaux animateurs s’y essaient ! Et quand ça se produit, ils n’hésitent pas à donner un coup de main pour transmettre l’antenne : un moment délicat mais qui fait toute l’essence du live. Après tant d’années, ils ne sont pas blasés… parler musique autour d’une bière, échanger sur les films d’horreur et sur ce qui leur plaît à la radio… Oui, même 10 minutes avant la prise d’antenne, ils discutent en toute décontraction. Mais… il y a quand même cette petite zone d’inconfort qui traverse leur regard juste avant de brancher les micros… Un truc éphémère qui ressemble à ce que ressentent les musiciens avant de monter sur scène. Ah, l’appel du live ! Quand on y goûte, impossible d’y renoncer.

Caroline Vannier

Interview spécial 20 ans

1 – 20 ans, ça donne le vertige ?
Lorène : ça donne un coup de vieux !
Damien : l’émission n’était pas prévue pour durer si longtemps.

2 – Les débuts, ça ressemblait à quoi ?
Damien : c’est une idée de Lorène !
Lorène : ah non, on s’en fout !
Damien : mais si, c’est ton idée. C’est quand même important de le dire.
Lorène : il y avait un créneau qui était occupé depuis longtemps. Une émission qui s’appelait Pourceau 2012 Expérience animée par Cyril et plus tard (par et avec) Aymeric. Aymeric que je connaissais un peu m’a invité à Bruz (les locaux de Canal B de l’époque) : il continuait l’émission tout seul mais il envisageait de partir 1 an. J’ai alors contacté Yvan – feu l’ancien directeur de Canal B – pour proposer de reprendre le créneau en attendant. On a fait une maquette et ils nous ont dit qu’il valait mieux que Damien anime et que je gère la technique (rires).
Damien : quand Aymeric est revenu, on a fait notre émission en alternance avec la sienne.
Lorène : on faisait un vendredi sur deux et puis il a arrêté. On a récupéré le créneau toutes les semaines.
Damien : au Gast (locaux précédents de Canal B), on faisait toutes les semaines et après un certain nombre d’années, on est passé à tous les 15 jours.
Lorène : quand on passe toutes les semaines, il faut se renouveler ! Quand j’ai commencé à travailler chez Garmonbozia, j’étais moins disponible aussi.
Damien : avec un ami Gaël, on a aussi fait une émission qui s’appelait AZZ FUNK, qui a duré 3 ans à la place du créneau d’Aymeric.
Lorène : il faut peut-être qu’on parle du thème de l’émission non ?
Damien : oui, au début de la Crypte on a décidé de partir sur la tranche extrême du metal. On voulait proposer une émission dédié à un genre musical qui ne passait pas à la radio.

3 – Le direct, ça se prépare comment ?
Damien : c’est une émission qui se veut spontanée, sans filets. Quitte à faire des pains, on y va. Le fait de revenir tous les 15 jours met en place une forme de ritualisation aussi.
Lorène : il y a aussi le choix de la playlist. C’est plus Damien qui s’y colle.
Damin : oui, je prépare une playlist et Lorène peut ajouter ou retirer des morceaux juste avant de démarrer l’émission.
Lorène : on est de plus en plus flemmards ! Avant, on faisait des montages et on mettait des extraits de films avant de passer les morceaux.
Damien : c’est une émission qui se veut musicale et l’idée n’est pas de parler pendant 2h00.

4 – Une ou des émissions inoubliables ?
Lorène : tous les EUROGORETVISION ! C’était un peu l’Eurovision du metal. On invitait des potes qui jouaient les membres du jury.
Damien : ça fait longtemps qu’on a arrêté ! On diffusait un groupe par pays et on donnait des notes pour avoir un classement à la fin. C’était comme l’Eurovision mais avec un jury bien partial !

5 – Qui est à l’origine du générique ? A-t-il bougé en 20 ans ?
Lorène : c’est Damien !
Damien : c’est complètement artisanal. Au début c’était le morceau « Killer of Trolls » d’Impaled Nazarene. Plus tard, j’ai acheté un MD (Mini Disc) et j’ai commencé à faire des samples avec. J’ai ajouté un extrait de film d’horreur aussi. Le générique d’aujourd’hui est fait d’assemblages.

6 – Si je vous dis archéologie musicale ?
Damien : ah oui ! J’ai découvert le style en 1987 avec un gars qui écoutait ce style. Le mec portait une veste à patchs, des baskets à languettes et un jean slim. Et le jean slim, c’était pas franchement à la mode à l’époque ! Bref, le style de musique qu’il m’a fait découvrir m’a tout de suite intéressé. Moi, j’écoutais du thrash mais lui et ses potes, c’était carrément du death metal !
Lorène : j’ai découvert vers 17-18 ans. J’avais fugué cette nuit-là du côté des Horizons et le pote chez qui j’étais, écoutait le groupe Death.
Damien : dans cette musique, il y avait aussi les pochettes et cette calligraphie qui n’existait nulle part ailleurs.

7 – Par quels groupes commencer quand on veut écouter du death, du thrash et du grind crore ?
Lorène et Damien : pour le death, les groupes Death et Morbid Angel. Pour le thrash, Metallica et Slayer. Pour le grind core, Napalm death et Mortician, de la proto musique néandertalienne.

8 – Pendant la pandémie, avez-vous poursuivi l’émission ?
Damien : les locaux de Canal B étaient fermés. On a enregistré quand ils étaient ouverts mais il y en a eu très peu.
Lorène : on était pas en direct mais on faisait tout comme. On enregistrait l’émission d’une traite mais c’est pas pareil.

9 – Comment s’organise les interviews ?
Damien : je suis mauvais pour les interviews. Quand il y en a, c’est Lorène qui les fait.
Lorène : on ne démarche pas pour les interviews, on en a donc peu mais on ne cherche pas non plus à en avoir plus.

10 – Écoutez-vous d’autres émissions radio ?
Damien : oui, j’aime bien la radio. J’écoute Fip, par exemple.
Lorène : j’en écoute tous les jours. Je me lève et je mets France Inter. J’aime bien les émissions Affaires Sensibles et Ondelate Raconte.
Damien : j’aime beaucoup le cinéma aussi mais je passe plutôt par YouTube pour ces émissions.

11 – Selon vous, qu’est-ce qui fait la recette d’une bonne émission ?
Lorène : l’entente, la spontanéité…
Damien : l’authenticité, l’humour et une forme de fluidité.

12 – L’évolution de la scène metal en 20 ans ?
Damien : en France, il y a eu une démocratisation du metal. Il s’est popularisé grâce au Hellfest. Pour les musiciens, le changement de production au niveau technique, beaucoup plus qualitative. Avant ça, c’était très Do it yourself.
Lorène : aujourd’hui, même si les groupes ne sont pas professionnels (ne vivent pas de la scène), ils ont un manager, un tourneur… ils ont toute une équipe derrière eux. Aussi il y a pléthore de groupes aujourd’hui !
Damien : pas mal de styles qui avaient disparu réapparaissent aussi aujourd’hui.

13 – Un mot sur Cthulhu ?
Lorène : nous sommes Cosmicistes !
Damien : ce qui est caché, l’ésotérisme… On a voulu coller à l’un des thèmes qui est utilisé dans le metal, comme le gore, les zombies, le satanisme et le mythe de Cthulhu. Entre toutes ces images, on a préféré le mythe de Cthulhu.

14 – Un souhait pour les années à venir ?
Découvrir encore plein de groupes et continuer à prendre du plaisir à faire l’émission !

Sur le web :
https://www.facebook.com/LaCrypte666
http://www.canalb.fr/?fbclid=IwAR0CgbWIwgbr6QjWHnnPnwRyNqoBebg_OnSQpRlvO_iZqCcap0-Wn36vnCI

Ideal Crash (été 2021)

À Rennes, de nouveaux labels apparaissent chaque année… et ils ont tous leur identité propre. Un paysage contrasté tant par la variété des styles qu’ils proposent, que par leur façon même d’exister. Création éphémère, idée mûrement réfléchie, implication du moment pour soutenir un projet musical…. Le point de départ ne prédestine en rien la suite de l’histoire. Certains acteurs se structurent très vite (souvent en association), d’autres attendent… ou finissent par complètement disparaître. Une partie non négligeable fait aussi le choix de rester en mode DIY, sans rattachement administratif. Oui, l’organisation diffère mais ils sont tous animés de la même volonté : mettre en lumière des groupes auxquels ils croient.

Soutenir, fédérer, faire connaître des musiciens qu’ils estiment… c’est ce que Marilyn, Simon et Christophe décident de faire un soir de juillet 2005. Une idée que les trois potes n’évoquent pas par hasard. Tous ont déjà un pied dans la musique : ingé son, musiciens ou organisatrice de concerts… les casquettes ne manquent pas. À ce moment précis, créer un label est un bon moyen de poursuivre leurs actions tout en mettant leurs expériences en commun. Ideal Crash naît avec l’ambition de proposer un modèle à échelle humaine : promouvoir des musiciens qu’ils connaissent bien et qui méritent un sacré coup de projecteur.

« On a mis 150 balles chacun et depuis, on a jamais eu besoin de remettre de l’argent dans les caisses. On a commencé par le CD qu’on sérigraphiait : il y avait 2 groupes sur le CD. On s’est inspiré du split (sur support vinyle : un groupe sur chaque face) », explique Marilyn Berthelot. Seize ans plus tard, elle est toujours là. Simon lui, continue à distance… Florian et Pierre ont rejoint l’équipe pour donner un coup de pouce à la fondatrice de l’asso. « En 2011, poursuit-elle, on s’est dit, si on essayait la cassette ? Vu la réaction des gens, on y est allés et on a fini par laisser tomber le CD. » Dès le début, l’équipe développe l’aspect graphique de l’objet… et avec le support cassette, ils vont encore plus l’exprimer : « c’est plus facile, on est plus libre de faire ce qu’on veut. » Et ce que fait Marilyn est bluffant ! Les pochettes d’Ideal Crash sont de vraies petites œuvres artistiques. Autodidacte, cette passionnée bénéficie tout de même de quelques bases solides : elle fait de la broderie, de l’origami, de la photographie argentique (qu’elle retouche manuellement) et a suivi une formation de coiffeuse/perruquière. Elle aime travailler la matière et elle a su offrir au label des pièces originales qu’on ne verra nulle part ailleurs : « ça fait partie de notre identité. Un label uniquement K7, en séries limitées et sérigraphiées. Ce sont des objets uniques faits à la main. Mais on fait attention à les vendre à un prix accessible. » Et c’est le cas : en ligne ou en direct, le prix affiché est de 8€ avec un code de téléchargement. L’enregistrement n’est pas non plus négligé. Depuis des années, les membres d’Ideal Crash travaillent avec Tape Line, une société anglaise qui fournit et duplique toutes leurs cassettes.

Mais voilà, avec un prix inférieur à 10€ et pas plus de 100 exemplaires par projet musical, les bénéfices sont faibles. Si les membres du label avouent ne pas chercher à en vivre, qu’en est-il des artistes ? Les musiciens s’y retrouvent-ils ? « Ce label, c’est avant tout une rencontre entre personnes. Les groupes savent qu’ils ne gagneront pas grand chose mais ils ne sont pas là pour ça. On garde une partie des cassettes et ils vendent celles qu’on leur donne au prix qu’ils le souhaitent. Et il y a aussi les concerts.» À Rennes, les membres d’Ideal Crash ont organisé plusieurs soirées. C’est d’ailleurs comme ça qu’ils ont commencé à faire de belles découvertes : « on a quelques fiertés quand même, avec Lysistrata, par exemple. C’est un groupe qu’on avait fait jouer et ils ont explosé ! Avec eux, les deux sorties cassettes étaient Sold Out ». Parmi les groupes sur le label, on peut aussi citer Corbeaux, Quentin Sauvé, Black Boys on Moped, Fragments, Reliefs ou encore Utoya. Des musiciens qui ont plutôt bien tournés dans l’Ouest… et ailleurs.

Marilyn est soutenue par une équipe mais après toutes ces années, qu’est-ce qui fait que la passion est toujours là ? À l’ère du capitalisme, comment fait-elle pour fédérer autour de son label ? « Faire les choses simplement, de façon honnête, ne pas faire de calcul » dit-elle sans même chercher ses mots. Une recette qui prend tout son sens dans un monde qui veut toujours aller plus vite… Prendre le temps de bien faire les choses… et continuer à entretenir sa curiosité… Oui, la musique, elle avoue en écouter beaucoup : « sur vinyles, cassettes, en dématérialisé… Il y en a toujours à tourner à la maison ». Et surtout ne pas s’isoler, soutenir les autres initiatives… Depuis 2017, elle représente son label au conseil d’administration du Jardin Moderne. Une implication au sein de la scène locale qui la conduit en juin 2021 à être élue présidente de cette grande association rennaise.

Ideal Crash est une page ouverte sur l’avenir, un label artisanal avec de belles années devant lui… Un projet qui suit les ambitions de ses débuts : mettre en avant avec classe tous ces musiciens qui restent parfois un peu trop dans l’ombre.

Caroline Vannier

Sur le web :
https://idealcrash.bandcamp.com/?fbclid=IwAR3Zm21rZ64V4k-ldKPk8Eflsu3vKTmJRlJqgrjeC1IDFS8E0SuQGWpU9iw
https://open.spotify.com/user/sa9ios003de1hwhs3freq6t9g?fbclid=IwAR1eWpvkk1nLgN7Ln997GJj4vJq2g3zNDPzzIt0buMoIT0fMa8WnUk1MIh
https://www.youtube.com/channel/UCoPm_R-07Evm5kEOMP_T3vQ
https://www.instagram.com/idealcrashlabel/?fbclid=IwAR1YqszbDil9Jtzsi1Dadyx5mg7Sxa_BD0jUds_-z8aC6yW3Pm9RIq7bhhc
https://www.facebook.com/idealcrashlabel











Fanzine n°3 spécial Scène Locale

Ubutopik met en avant les acteurs de la scène locale. Un coup de projecteur sur une dizaine de passionnés qui travaillent au quotidien avec des groupes professionnels et amateurs.  À Rennes, rencontre avec Bruno (Mondo Bizarro et Punkorama), Jack de Rennes to the Hills, Yannick et Marion de Metal Injection, Justine de Dream’in Noise ainsi que les équipes de Garmonbozia, du Samaïn Fest, du Superbowl of Hardcore et du Jardin Moderne. Les articles et les interviews ont été réalisés entre 2019 et 2021.

Tarif : 5€.
Reliure artisanale.

Le Jardin Moderne (mars 2021)

À Rennes, qu’ils soient amateurs ou professionnels, rares sont les musiciens qui n’ont jamais poussé les portes du Jardin Moderne. Un lieu devenu incontournable pour répéter, se former et échanger. Implanté entre la Vilaine et la zone industrielle de Lorient, le bâtiment porte la marque d’une mixité artistique. Tel un symbole de cette diversité, les murs passent entre les mains des graffeurs de la biennale Teenage Kicks en 2015. Mais après vingt-trois ans d’existence, comment l’association s’inscrit-elle dans le paysage local ? De quelle façon a-t-elle changé depuis ses débuts ?

L’histoire du Jardin Moderne commence en 1997 lors d’une réunion des Assises de la Culture à Rennes. De ce rendez-vous naît un constat clair : musiciens, musiciennes et membres d’associations doivent se rassembler pour remonter leurs difficultés. Ils créent alors une structure sous le nom de Collectif (qu’ils changeront pour le Jardin Moderne en 2007). Moins d’un an plus tard, ils obtiennent une solution de taille : la mairie leur propose la gestion des anciens laboratoires de Kodak. Loin du centre ville et des nuisances sonores, les membres de l’asso apportent ce qui manque aux groupes : un lieu de rencontre et des locaux de répétition. À partir de là, tout s’accélère. Pour installer durablement ce nouvel équipement, un premier directeur (Benoît Careil) est nommé et des salariés sont recrutés. La demande explose ! Les musiciens adhérents s’inscrivent en nombre et les services s’adaptent : au fur et à mesure des années, les studios passent de quatre à sept, des créneaux sont ouverts du mardi au dimanche, du matériel est aussi prêté et/ou proposé à la location… Un vrai coup de pouce pour ceux qui manquent d’espace et d’équipement. Oui, dès le départ, la Répétition est clairement une part cruciale des missions du Jardin Moderne… mais c’est loin d’être la seule. Le cœur du projet passe par l’échange et il ne sera pas limité à la musique.

Avec une galerie qui jouxte le bar et les salles de répétition, le Café est un carrefour, un passage obligé qui provoque les rencontres et pousse à la curiosité. Pendant leur pause, les musiciens et musiciennes se croisent et côtoient des œuvres graphiques : une façon de sensibiliser chacun à d’autres voies artistiques. L’équipe du Jardin Moderne se spécialise (médiation projets, accueil, animation répétition/bar, communication…) et met en place de nombreux événements dans cet espace devenu central. Parmi ces rendez-vous, on peut citer les vernissages, les concerts, les formations… des actions qui sont autant d’initiatives pour apprendre et faire du lien. Impulsé par la réouverture du studio d’enregistrement en 2015, le festival Spring Rec s’installe aussi chaque année, le temps d’un week-end. Un mini fest qui met en lumière une trentaine de Labels indépendants : un moment de rencontres non négligeable entre le public et les acteurs de la musique.

Au Jardin Moderne, il ne faut pas oublier la salle de concert. C’est d’ailleurs un des arguments que les membres fondateurs avaient remonté à leurs débuts : comme aujourd’hui, la pénurie de lieux pour le live et la mise à disposition aux actrices et aux acteurs locaux faisaient partie des revendications. D’une capacité de 250 personnes, la salle du Jardin permet de répondre aux demandes des associations, des professionnels et des groupes. Entre soirées, filages et formations, elle apporte de multiples possibilités. Avec la fermeture de la Cité (ce ne sera bientôt plus le cas) et des espaces comme l’Ubu, le 4Bis ou l’Étage, le Jardin Moderne offre des moyens complémentaires en terme d’encadrements techniques : une façon de lancer et de pérenniser les initiatives pour tou.te.s. Les concerts y sont nombreux… mais la position excentrée du Jardin Moderne freine parfois la venue du public. L’ajout d’un horaire tardif (à la ligne de bus 11) les vendredis et samedis est un avantage mais les passages en semaine restent encore trop insuffisants. Une réflexion est également en cours pour l’aménagement des berges côté Vilaine : la piste cyclable et/ou piétonne ouvrirait un nouvel accès plus proche de la ville.

Et en journée ? Le Jardin Moderne, c’est aussi un Centre Ressource. Un lieu ouvert avec un fonds documentaire (papier et numérique) et la possibilité de prendre rendez-vous pour des suivis de projets. Un animateur informe et accompagne chaque personne désireuse d’en savoir plus sur la législation et/ou de se lancer dans une nouvelle aventure. Là encore, le public est large : artistes, amateurs, organisateurs d’événements, professionnels actuels ou en devenirs des métiers du spectacle vivant… À partir de midi, le bar et le restaurant offrent également aux musiciens, aux salariés de la zone industrielle et à toute personne qui le souhaite de s’offrir une pause côté Café. Sur le temps méridien, le lieu s’ouvre à des gens d’horizons différents… et qui inévitablement vont se croiser.

Et dans les coulisses ? Il y a bien sûr les locaux techniques comme la cuisine, les réserves et les bureaux que les salariés partagent avec des associations locales. Parmi elles, des acteurs comme Mass Productions, 3Hit Combo, Patchrock ainsi qu’une graphiste indépendante. En 2010, le Jardin Moderne encadrait même l’hébergement d’une dizaine de structures dans l’ancienne école Kennedy. La définition autour d’un « cluster artistique » se dessine mais la distance entre les bâtiments rend la gestion difficile. L’histoire se termine le 31 décembre 2017 mais le projet pourrait renaître, sur un même site, à travers l’agrandissement des locaux actuels.

Dans les années 2000, le Jardin Moderne s’inscrivait comme le lieu des musiques actuelles : c’est toujours le cas… mais aujourd’hui, l’association se veut porteuse de projets, militante aussi. Elle s’engage auprès des intermittents, des cafés concerts, de la place des femmes dans la musique… Mais force est de constater que son travail auprès des musiciens et des musiciennes est la mission qui perdure depuis ses débuts. Les nouvelles technologies et l’accès simplifié à l’enregistrement auraient pu donner un coup de frein à la fréquentation mais il n’en est rien. Les groupes auront toujours besoin de se former et de lieux pour répéter. Avec 1020 adhérent.e.s (dont 402 groupes et artistes différent.e.s) et un planning qui ne désemplit pas, l’équipe du Jardin participe à maintenir une diversité culturelle dans le paysage local. Un espace qui met tout le monde à égalité : débutants, amateurs, professionnels, spectateurs… Mais voilà, avec la Covid, qu’en sera-t-il pour 2021 ? Et après ? Entrevoit-on seulement le bout du tunnel ? Oui, en ce moment, les temps sont durs. Pour la première fois en vingt-trois ans, le Jardin Moderne est obligé de fermer ses grilles à la plupart de ses pratiques… mais la pandémie et l’absence de culture en France n’étouffera pas ces initiatives. Dès qu’ils le pourront, les passionnés seront là pour faire vibrer guitares, basses, micros, batteries, claviers… On a hâte !

Caroline Vannier

Une partie de l’équipe du Jardin Moderne

Sur le web :
http://www.jardinmoderne.org/
https://www.facebook.com/JardinModerne/
https://twitter.com/JardinModerne

Justine de l’association Dream’in Noise (février-mars 2021)

Ceux qui s’engagent dans l’organisation de concerts ont tous un parcours différent mais ils ont un point commun : une excellente connaissance musicale et une première orga souvent très réussie. Le 3 février 2018, Justine Évrard n’échappe pas à la règle. Après quelques années de bénévolat dans le milieu culturel, elle crée sa propre association et programme trois groupes au Marquis de Sade. À l’affiche ? Odium Decoy, Mauvais Geste et Black Malo. La concurrence est rude à Rennes… mais elle y croit et elle a raison. C’est une réussite ! Le petit Caf’Conc’ de la rue de Paris ouvrira ses portes à 80 personnes ce soir-là. Dream’in Noise est officiellement née.

Marquis de Sade, Mondo Bizarro, Gazoline, Ty Anna Tavarn, Synthi, Alex’s Tavern… l’association investit des lieux plutôt underground. Des espaces au plus proche du public où rien n’est impossible. En mode Do it Yourself, Justine parvient à placer des groupes comme The Lumberjack Feedback (avec leur duo de batteurs) dans le minuscule Terminus. Et elle ne s’arrête pas là ! En à peine deux ans, les projets se multiplient : un partenariat avec Metalorgie, la co-orgaination du « mini-fest » Les Enlaidies, une lecture-concert à La Part des Anges… Justine sait donner une place aux artistes de tout horizon et le public s’y retrouve. Tout va très vite et peu de mauvaises surprises… Mais qu’est-ce qui explique un tel feeling ? Est-il indispensable de faire soi-même de la musique pour mettre un pied dans cet univers ? Non. Rien n’est jamais figé mais avoir du recul est même un atout. Ce qui fait la différence, c’est sans doute la curiosité et la capacité à se passionner. Avant de tenter l’aventure Dream’in Noise, Justine a voyagé, elle s’est consacrée à l’environnement aussi. Mais c’est à Rennes qu’elle pose régulièrement ses bagages et c’est dans cette ville qu’elle affirme sa passion pour la musique. Bénévole en festivals, chroniqueuse radio pour C-Lab… Elle tient un blog, écrit pendant 2 éditions pour les Bars en Trans et fait du booking (et de l’orga de tournées) pour Raskolnikov et Drawing Hills. Être sur le terrain, se confronter à de nouvelles expériences… C’est en allant vers les autres que le projet Dream’in Noise se dessine. En 2017, elle fait même un pas supplémentaire en se professionnalisant : elle suit une licence pro « Gestion de la production audiovisuelle multimédia et évènementielle » et fait un stage dans un label.

La suite… La suite est en cours d’écriture mais nul doute que l’avenir de Justine et de Dream’in Noise sera riche de rencontres. Il est vrai qu’à l’heure du Covid, tout est plus complexe. Se projeter n’est plus une évidence mais quand les concerts reprendront, il faudra des actrices et des acteurs comme Justine Evrard pour faire battre à nouveau le cœur de la musique à Rennes… ou ailleurs. Et qui sait, c’est peut-être dans un tout autre rôle que l’organisatrice renouera avec la scène ? À la basse et au chant, avec des musiciens qui partageraient les mêmes aspirations. Sait-on jamais… Comme quoi, rien n’est jamais figé.

Caroline Vannier

Interview concerts dans le rétro

1 – Ton premier coup de cœur musical ?
J’écoute majoritairement du metal et affiliés aujourd’hui, surtout du post rock/post metal et les dérivés planants du black metal. Je ne me rappelle plus exactement via quel groupe, mais je crois que c’est via la brit pop et le pop rock anglais que j’ai commencé à être dingue de musique. Et quand j’ai découvert des trucs genre Le Velvet Underground, Depeche Mode, Leonard Cohen, et dans une autre dimension Blur, Ghinzu, Arcade Fire… Bah voilà, quoi, c’était fini ! Des groupes que j’écoute encore trèèèès régulièrement aujourd’hui ! C’est un peu ma porte d’entrée dans cet univers… Ce sont des groupes de neo metal et de prog, genre Porcupine Tree et Pain of Salvation, qui m’ont amenée vers des trucs plus vener et lourds.

2 – Un concert inoubliable ?
Hou… Inoubliable… Il y en a eu tellement qui m’ont marquée… Le premier qui me vient en tête, cependant, est un concert de Swans, que j’avais vu au 106, à Rouen… À un moment je me sors de ma torpeur et jette un œil autour de moi. Le public était hypnotisé, bougeait d’avant en arrière en rythme, comme s’il était devenu une seule entité… C’était la messe, on était tous en transe. Je n’avais jamais rien vécu de comparable auparavant !
Celui de Lingua Ignota, au Ferrailleur à Nantes, en 2019. Dans la voix de cette nana… holala il y a un truc magique, sacré, qui prend aux tripes et parle à tout le monde… Plus particulièrement à la partie la plus fragile de ton âme… Je crois que c’est le seul concert de ma vie où j’ai versé une larme. Ah oui et pile pendant ce concert, on m’apprend que Notre Dame est en train de cramer… ça a rajouté un petit côté black metal à la soirée. Quand j’avais vu Saint Sadrill aussi… Je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi beau… Que ce soit la voix d’Antoine qui est d’une beauté, l’interaction des musiciens entre eux, ou la manière dont ils faisaient plonger le public dans leur univers… Un vrai bonheur ! Refused aussi, au dernier Hellfest, c’était génial ! La fatigue cumulée de quatre jours de festoch s’est envolée comme par magie quand ils jouaient !
Et bien sûr, Birds in Row ! Je me sens toujours privilégiée quand j’assiste à un de leur concert. Ces gars là sont tellement sincères, il y a vraiment un truc qui se passe entre eux et le public, un truc intense et vrai. Et la dernière fois que je les ai vus, c’était à Londres et mon dernier concert avant le confinement, du coup dur d’oublier ça!

3 – Côté organisation, quelle est ta plus grande fierté ?
C’est dur… J’ai envie de citer pratiquement tous les groupes que j’ai fait jouer… Mais s’il faut choisir on va dire mon premier concert, avec Odium Decoy, Mauvais Geste et Black Malo. Car faire son premier pas dans l’orga c’est toujours le plus stressant mais aussi le plus excitant. Et puis les concerts en eux-mêmes étaient juste géniaux ! Avoir pu organiser Les Enlaidies aussi, bien sûr ! J’ai de fortes convictions féministes depuis environ mes 13 ans et réussir à organiser (avec trois amies) un festival où l’on programme des groupes de ouf avec pratiquement que des femmes, c’est réellement un accomplissement personnel !
Et plus précisément, pour les groupes en eux-mêmes… Je suis hyper heureuse d’avoir fait jouer Ingrina, c’est un groupe que je suivais depuis quelques années et c’est d’ailleurs le dernier concert que j’ai organisé (au Mondo) avec Utoya ce soir-là avant… que ça devienne compliqué ! D’avoir fait jouer Mars Red Sky au Mondo aussi. C’était genre ma troisième orga, on attendait du monde… et je m’étais mis beaucoup de pression. On a eu environ 200 personnes ce soir-là, c’était énorme !
The Lumberjack Feedback et Wyatt E. qu’on avait co-organisé avec Antisthène en moins de 24h au Terminus suite à une annulation, c’était pas mal aussi ! Je suis également hyper contente d’avoir pu faire jouer Every Stranger Looks Like You. J’avais adoré écouter leurs albums, mais en live… Wouah ! Je ne m’attendais pas à un truc aussi intense et qui me plaise encore plus !

4 – Des groupes ou des artistes que tu aimerais faire jouer ?
Russian Circles ! C’est mon groupe contemporain préféré. Mais bon, c’est un de mes rêves les plus fou, dans la réalité il faudrait un sacré budget pour le concrétiser ! Lingua Ignota, Feminazgul, je suis une très très grande fan ! La scène belge a toujours regorgé de groupes hypra talentueux et dans une dimension où ils seraient encore actifs, je rêve de faire jouer Ghinzu (même si juste revivre un de leurs concerts, ce serait déjà fantastique). Amenra et Oathbreaker aussi, mais pareil, pour ce genre de groupes, mon asso est un peu trop… DIY on va dire ! Côté français, si un jour je pouvais faire jouer Year of No Light, Monarch!, Ddent ou Birds in Row, je serais aux anges !

5 – Comment découvres-tu de nouveaux groupes ? En live et/ou sur Internet ?
Je crois que la base principale de mes découvertes vient les échanges que je peux avoir avec d’autres passionné.e.s et avec des potes, ou de soirées où on se fait écouter les sons qu’on aime respectivement qui aboutissent à des to listen listes (que je perds ou pas..). Elles viennent aussi des différents media internet et blog spécialisés, la presse écrite (même si c’est sporadique). Enfin bien sûr, une très grosse partie de mes découvertes a lieu en concerts et en festivals.

6 – Vinyles, C.D., K7 : des supports encore importants aujourd’hui ?
Importants pour soutenir les groupes qu’on aime, oui ! Après… à titre perso j’ai une petite collection de vinyles, mais j’ai ralenti mes achats quand je me suis rendue compte que je ne les écoutais pas tant que ça… Je ne voulais plus être dans l’accumulation. Même si bien sûr il m’arrive encore de craquer lorsque je suis soufflée par la prestation d’un groupe en live, ou que je suis particulièrement fan d’un groupe. Quand j’écoute un groupe c’est principalement via bandcamp ou des plateformes de streaming. J’ai toujours une belle collection de CD que je me trimballais régulièrement quand j’avais encore une voiture (dont le lecteur ne lisait que les CD). Mais en vrai le CD est un support tellement pourri qu’il est voué à disparaître. Au-delà de l’espèce de hype qu’il y a autour du vinyle et de la cassette, c’est quand-même important que ces supports subsistent. Déjà pour les conserver à long terme, car le stockage numérique n’est pas indéfini, contrairement à ce qu’on a tendance à imager. Et puis la qualité est souvent meilleure (pour les vinyles en tout cas) et le rituel qui y est attaché fait toujours plaisir. Et souvent ce sont de beaux objets, des œuvres d’art à part entière. Mais bon, si on ne veut pas se mentir, c’est le numérique qui gagne, on n’y peut rien et j’ai envie de dire tant mieux ! Je suis pour l’accès à la culture pour tous et je suis contente qu’aujourd’hui, n’importe qui puisse avoir accès à n’importe quelle forme d’art relativement facilement.

7 – Un bon groupe peut-il être mauvais sur scène ?
Oui, je pense. J’en ai déjà été témoin. Puis la scène c’est chaud quand-même, c’est normal que quelques fois il y ait des ratés !

8 – Cinq albums à impérativement écouter ?
Je mets de côté tous les classiques de type Velvet Underground (mon groupe préféré), Beatles, Depeche Mode, etc… que tout le monde connaît, mais qu’il faut impérativement écouter avant ceux que je vais lister :
– Desertshore de Nico (sa carrière solo est injustement méconnue)
– F# A# ∞ de Gospeed You ! Black Emperor
– Station de Russian Circles
– Murmuüre
– All Bitches Die de Lingua Ignota

9 – Un festival pas comme les autres ?
J’ai décidé de rester en Bretagne en 2016 grâce au Binik Folk Blues Festival. J’avais tellement aimé le site, l’ambiance, les concerts… Après… il a pas mal évolué en quelques années, il y a maintenant beaucoup trop de monde, ça en gâche un peu le charme malheureusement. Le Cabaret Vert, festival de ma région de naissance, que je supporte depuis ses débuts. Tu as la même prog qu’à Rock en Seine, donc de sacrés bons groupes quand-même (et une scène plus indé, dédiée aux découvertes et groupes plus underground, je précise), mais tu as le charme d’un festival d’une région rurale et frontalière, avec une super ambiance, des spécialités locales et des gens sympas du cru ou des pays frontaliers. Après, comme tout petit festival qui est devenu géant, il a gagné pas mal de trucs, notamment concernant la prog, mais a perdu aussi le charme des premières années. Et sa grosse particularité, c’est aussi d’être dans une démarche aussi écolo que possible et ça c’est un très très gros plus. Le Hellfest, le Motoc… ils ont leurs défauts, mais je suis toujours contente d’en être ! Le Samaïn Fest, pour sûr, ça c’est un festoch pas comme les autres, qui soutient un très beau projet et qui j’espère, va perdurer ! Le Tapette Fest c’était un super festoch aussi, très DIY et éclectique dans le côté bourrin. De manière générale ce sont les tout petits festoch que je préfère, où tu arrives à parler aux gens et à faire de vraies découvertes. Là je n’en ai pas cité beaucoup, mais en vrai j’ai fait proportionnellement plus de concerts dans ma vie que de festivals.

10 – Un mot sur la période que nous vivons en ce moment ?
Les concerts me manquent.

Interview réalisé par mail.

Sur le Web :
https://www.facebook.com/DreaminNoise

Court Métrange (mars 2021)

À Rennes, le festival international Court Métrange fait la part belle au cinéma fantastique depuis 2003. L’objectif ? Faire connaître des réalisateurs et promouvoir un genre qui n’est pas toujours bien représenté. Des événements comme Gérardmer, Avoriaz ou encore Strasbourg favorisent déjà le long mais dans le domaine du court, « l’étrange et l’insolite » se font rares… voire, inexistants. Un constat qui a motivé les membres de l’association Unis Vers 7 Arrivé de se lancer dans l’aventure : « nous souhaitons (…) Aborder des œuvres peu représentées et non récompensées dans les festivals de courts métrages « généralistes » Offrir un espace d’expression et de diffusion à des auteurs qui ont fait le choix, dès leurs débuts, d’une cinématographie différente qui fascine un public important et (paradoxalement) peu considéré. »

Dix-huit ans plus tard, certains visages ont changé mais la « Team » s’est étoffée et spécialisée. Fondé par Hélène et Steven Pravong (président actuel), le festival compte aujourd’hui une quarantaine de bénévoles. Un nombre de volontaires importants qui augmente encore pendant le moment fort d’octobre. Sélection, sous-titrages, communication… Des projectionnistes aux coordinateurs (selon les pôles), les compétences ne manquent pas. Aux côtés de Cyrielle Dozières – directrice – et Benoît Chrétien – recruté en octobre 2020 –, l’équipe met à l’honneur des films mais elle n’oublie pas les autres formes d’art. Le festival s’articule autour d’expositions, de conférences, de concerts et de rencontres… Une programmation variée pour « faire dialoguer le cinéma et les autres disciplines de la création afin d’ouvrir et d’enrichir la conception de l’image fantastique » . Des actions de médiations sont aussi développées à l’année, à travers Métrange Nomade : des séances qui vont à la rencontre du public dans les salles de cinémas, les médiathèques et les établissements scolaires.

Le festival Court Métrange, ça se passe tous les ans, au mois d’octobre. Au fur et à mesure des éditions, l’événement s’est tenu dans des lieux comme le Triangle, le TNB ou encore le Gaumont. Et en 2020 ? La réalité a dépassé la fiction. Une pandémie mondiale… et la Covid qui s’est invitée sans prévenir… Le festival est devenu (Très) Court Métrange pour un temps et l’association a fait « œuvre de résistance » en investissant l’Opéra et de nombreux autres espaces à Rennes. L’atmosphère y était, le public s’est laissé emporté… Un beau moment à une époque où la culture et l’imaginaire sont condamnés à l’errance.

Interview par mail, avec Cyrielle Dozières.

1 – Un mot pour définir le cinéma fantastique ?
Intemporel.

2 – Combien de propositions recevez-vous chaque année ? Comment sélectionnez-vous les films pour le festival ?
Nous recevons environ 2000 courts métrages chaque année et nous en sélectionnons environ 70, représentants plus de 20 pays.
3 comités de sélection travaillent de janvier à juin pour sélectionner les films qui entreront en compétition officielle. Un comité tout public, secondé par un second comité qui participe au visionnage ; et un comité spécialisé pour la compétition jeunes publics. Cela représente 21 sélectionneurs qui travaillent de façon collégiale pour élaborer les programmations. Le débat, la discussion et l’argumentation sont au cœur de notre travail de sélection car nous avons tous des regards différents sur le cinéma et sur ce qu’est un « film Court Métrange ».

3 – Qu’est-ce qui fait que chaque année est différente ?
Chaque année, l’association définit une thématique de travail qui permet de créer un fil rouge sur l’ensemble des événements qui construisent le festival : conférences, rencontres, expositions… Cela nous permet d’offrir un regard particulier sur une thématique importante du cinéma et de la création. En 2017 nous avons travaillé sur l’intelligence artificielle ; en 2018 sur le cinéma fantastique italien, Giallo ; en 2019 sur la figure du fantôme. Nos thématiques construisent des éditions inédites et nous permettent d’enrichir chaque année notre expertise sur le cinéma de genre.
La compétition officielle de courts métrages, quant à elle, ne prend pas en compte la thématique annuelle et propose le meilleur de la production internationale de courts métrages insolites et étranges des 2 dernières années. Néanmoins, la création cinématographique est ontologiquement liée au contexte planétaire, aux grandes questions géopolitiques et sociétales, aux inquiétudes et espoirs du moment. Aussi chaque année, la compétition reflète d’une certaine façon l’état actuel du monde, elle est donc différente des années précédentes.

4 – Cinq réalisateurs qui ont marqué le festival ?
Il est difficile de distinguer 5 réalisateurs ou réalisatrices en particuliers qui ont marqué le festival. De par notre champ d’expertise qui est l’étrange et l’insolite, chaque réalisateurs et réalisatrices apportent avec leur film un regard unique et marquant. Cela est sans compter, bien entendu, les Grands Prix Court Métrange remis chaque année qui récompensent peut-être le film le plus marquant de chaque compétition.
Certains réalisateurs et réalisatrices ont été diffusés en compétition plusieurs fois au fil des années comme Joséfa Celestin, Matthieu Vigneau, Kevin McTurk, Bruno Collet, Simon Cartwright, Jospéhine Hopkins, Marc Riba, Karim Ouelhaj… et nous suivons leurs carrières avec intérêt.
Certains grands noms sont également passés par chez nous comme Denis Villeneuve, Jim Cummings ou encore Andy Muschietti qui avait présenté le court métrage Mamà, qui a donné lieu à son premier long métrage produit par Guillermo Del Toro.

5 – Votre plus grande fierté ?
L’enthousiasme du public, tous les ans, à venir découvrir avec nous ces « petits » films étranges et décalés, ces « petits » films peu valorisés qui sont rarement diffusés, ces « petits » films qui parfois révèlent les grands réalisateurs de demain.

6 – En dehors du cinéma, quels artistes (auteurs, musiciens, peintres…) voudriez-vous faire connaître dans le domaine du fantastique ?
Qu’ils soient auteurs, plasticiens, essayistes, artistes, bédéistes, graphistes, historiens… beaucoup travaillent avec l’imaginaire fantastique. Court Métrange c’est aussi un lieu où mettre en lumière le fait que ces mondes étranges et irréels font partis de nos quotidiens. Finalement il n’y a pas « un domaine du fantastique », le fantastique est omniprésent dans nos cultures. Nous aimons penser que Court Métrange est un lieu de décloisonnement des genres et des pratiques.

7 – Cyrielle, quand on a été l’unique salariée pendant des années, comment s’organise le travail ?
J’organise mon travail en m’appuyant sur la collégialité. En effet, bien que je sois au poste de direction, l’association fonctionne grâce à l’extraordinaire investissement de ses bénévoles qui travaillent à l’année sur la conception et la mise en place des événements. C’est aussi ce qui fait le charme du festival, une équipe de passionnés qui ont envie de faire plein de choses pour eux, pour le projet et pour le public.

8 – Court Métrange, c’est aussi un visuel impeccable. Qui est à l’origine de ces créations ?
Depuis 2008, nous travaillons avec le Studio de graphistes Kerozen (Rennes). Leur travail est magnifique et ils ont su, avec nous, créer une identité visuelle très forte pour le festival. Notre champ de recherche, pour la création des visuelles, s’articule sur l’ambivalence entre attraction et répulsion, c’est-à-dire le cœur de notre travail sur l’étrange. Chaque année, nous sommes très fiers de nos affiches et visuels, elles contribuent systématique à mettre un peu d’étrangeté dans la ville de Rennes grâce à l’affichage public et c’est toujours un plaisir.

9 – Pascal Laugier (Le Pacte de Loups, Saint-Ange…) était président du jury, en 2019. Comment l’avez-vous approché ? Comment se sont déroulés les séances de travail ?
Accueillir Pascal Laugier a été une grande fierté, l’approcher n’a pas été très compliqué car, très simplement, il a été partant pour soutenir le festival en y participant. Pascal Laugier a un regard sur le cinéma très fort et il a très rapidement compris notre « combat » pour valoriser des genres cinématographiques trop souvent mis de côté. Le jury du festival est totalement autonome, nous n’intervenons jamais dans leurs délibérations, mais nous avons pu observer la superbe personnalité de ce réalisateur et sa grande exigence face au cinéma. À la fin du festival, il nous a félicité pour notre travail et remercié pour ce qu’il avait pu voir avec nous, cela a été un moment de consécration pour moi.

10 – Des acteurs comme Tchéky Karyo ou Thierry Frémont ont aussi été président du jury. Pourquoi être allés vers eux ? Que représentent-ils dans le paysage cinématographique ?
Pour la constitution des membres de notre jury, nous essayons de mêler des personnalités différentes avec des carrières différentes. Qu’ils soient auteurs, cinéastes ou encore acteurs, ils ont tous a un moment de leur carrière interrogé ou expérimenté le fantastique et le genre. C’est cet éclectisme qui nous intéresse.

11 – Christophe Taudière fait partie du jury depuis de nombreuses années. Pour ceux qui ne le connaisse pas, pouvez-vous le présenter ?
Christophe Taudière est responsable du Pôle court métrage à France-Télévisions depuis 2011. Il est également conseiller de programmes et responsable éditorial de l’émission Histoires Courtes sur France 2. Chaque année, il intègre notre jury officiel afin d’attribuer le Prix France-Télévision, le film primé est alors diffusé en exclusivité sur France 2. Ce partenariat est très important pour nous car il contribue clairement à la visibilité des œuvres que nous défendons. De plus, la confiance que nous accorde France-Télévision et Christophe dans nos choix de sélection est une reconnaissance très forte.

12 – Un mot sur l’édition 2020 ?
Court Métrange n’a pas fait d’édition 2020, en effet, au vu du contexte sanitaire nous avons préféré reporter la compétition 2020 au profit d’une série d’événements autour du fantastique et de l’étrange intitulée (Très) Court Métrange. Ce choix a été compliqué à faire, néanmoins, nous tenons à la qualité de diffusion de nos films, à leur rencontre avec un large public et à l’accueil que nous pouvons offrir aux professionnels et au public. 2020 a été une année où ces conditions ne pouvaient pas être totalement respectées, aussi nous nous sommes emparés de ce contexte pour travailler sur une programmation rétrospective, travaillant sur des best of Court Métrange. Une occasion aussi de découvrir ou re-découvrir les films des anciennes compétitions.

13 – Des films à conseiller pour commencer ?
Allez fouiller chez Cronenberg, là vous avez de l’étrange !

14 – Pour les connaisseurs, des courts et longs métrages à voir et à revoir ?
Question compliquée… Je vais peut-être profiter de cette difficile question pour vous conseiller de venir re-découvrir avec nous le cinéma d’anticipation au Ciné TNB à partir de mai 2021. En effet, Court Métrange a été invité par le Ciné-TNB à proposer 4 longs métrages de l’histoire du cinéma d’anticipation dans le cadre du Ciné-Club, tous les premiers jeudis de chaque mois. Une belle occasion de s’emparer du cinéma pour voir ce qu’il nous dit du monde de demain. Bien entendu, en espérant que les salles soient ouvertes en mai prochain…

15 – Un roman fantastique que vous aimeriez voir adapté au cinéma ?
La nuit des temps de Barjavel. Un livre d’enfance pour moi.

16 – Pas de cinéma sans salles obscurs ?
Le cinéma peut exister à plein d’endroit, il y a de multiples façons de le faire exister. Néanmoins, penser le cinéma sans les salles obscures c’est aussi le dénaturer, en faire autre chose. L’expérience de la salle demeure le lieu sacré de l’expérience cinéma. En dehors de la salle, le cinéma devient autre chose. Cette « autre chose » peut être passionnante et riche mais à mon sens, cela en fait des objets cinématographiques autres et il faut en tenir compte.

17 – Le mot de la fin ?
Il n’y a pas de fin. Le cinéma de genre, le court métrage insolite et Court Métrange ont de belles années devant eux.

Caroline Vannier

Sur le web :
https://www.courtmetrange.eu/
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https://www.instagram.com/courtmetrange.fest/
https://twitter.com/courtmetrange
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Le Samaïn Fest (été 2020)

Le Samain raconte une histoire pas si lointaine… Celle d’une fête Celtique qui annonçait l’arrivée de l’hiver dans des pays comme l’Irlande ou l’Écosse. Celle d’une nuit qui permettait aux vivants de retrouver leurs morts autour du feu de l’Anaon en Bretagne. Samain, Heven ou Kala Goañv… la période du 1er novembre était célébrée de cette façon dans le Finistère jusque dans le milieu du 20ème siècle. Un calendrier peu connu aujourd’hui mais qui ne s’est pas perdu pour tout le monde…

En 2011, des passionnés de musique décident de réinterpréter cette fête d’antan. Pendant un long week-end (du jeudi au samedi), ils font le pari de faire le lien entre langue, culture Bretonne… et Rock’n Roll. L’objectif ? Créer un festival pour soutenir l’école Diwan de Guipel (basée à la Méziére à cette époque). D’accord… mais avant d’aller plus loin, qu’est-ce que signifie Diwan ? « Ça veut dire La Pousse » explique Charles Castrec, l’un des organisateurs. « C’est une école laïque, gratuite et ouverte à tous, dès l’âge de deux ans. Elle pratique la pédagogie par immersion en langue Bretonne. L’État paie les salaires des enseignants contractualisés, les non-contractualisés sont pris en charge par Diwan Breizh (la Fédération des écoles). À la charge des écoles comme celle de Guipel reste le loyer, les charges et les salaires des employés non enseignants, le tout acquitté par les forfaits scolaires et les dons des particuliers et des entreprises. Nos enfants y allaient et on était beaucoup de parents à écouter du Metal. On s’est dit pourquoi pas faire des concerts ? » Presque dix ans plus tard, l’aventure continue et le concept rassemble près de 500 personnes par jour. Pour Mick, l’un des fondateurs, tout ne s’est pas fait par hasard… Mettre les pieds dans les coulisses d’une telle organisation n’est pas une première : « j’ai longtemps préparé la bouffe en festival pour les groupes et le public. Je suis allé un peu partout ! Au Samaïn, j’ai fait un peu de tout aussi… les commandes, le merch, les goodies, les flyers… mais je m’occupe principalement de la restauration. J’ai aussi mon mot à dire sur la prog. »

La programmation, c’est le domaine de Charles, qui avant de parler de son travail, n’hésite pas à mettre en avant l’implication des autres : « on a eu de l’aide dès le début. Tom des Chouch’n Molotov’ qui n’a pas hésité à prêter son matos. Théo qui a fait la sono. Brieg qui est venu avec Les Ramoneurs de Menhirs qui ont joué gratuitement. » Et côté artistes, il y eu de belles affiches ? Pas de doute ! Parmi ceux qui sont passés sur la scène de la Mézière, on retiendra quelques pointures comme Regarde les Hommes Tomber, Les Ramoneurs ou encore Loudblast : « oui, mais ce n’est pas forcément représentatif. On cherche surtout des groupes bien lancés et qui n’ont pas encore explosés », fait remarquer Charles. Pour des raisons financières (hébergement, frais kilométriques…), la majorité des formations invitées sont Françaises mais il y a eu des exceptions telle que Bölzer. « Un très bon souvenir ! Ce sont des mecs gentils. Ils sont Suisses mais l’oncle d’un des musiciens habite à la Mézière, ça a pas mal facilité les choses. » Vous l’avez compris, le Samaïn, c’est l’occasion de découvrir des artistes prometteurs… mais aussi d’écouter des groupes qui chantent en Breton (Ebel Elektrik, Anken, Mörkvlth, Belenos…). Et puis, après dix ans d’organisation, les anecdotes ne manquent pas comme ces soirs de 2011 et 2013 où Morkelvyz (dans lequel officient Charles et Mick) accepte de monter sur scène : « ah oui mais on ne le refera pas ! C’est trop compliqué de jouer et d’organiser. » Il y a aussi ce jour où le groupe Kickstarters (qui devait seulement jouer sur la terrasse d’un café) s’est vu monter sur la grosse scène du Samaïn : un désistement de dernière minute qui a fait des heureux !

Au Samaïn, il y a des concerts de Metal mais c’est loin d’être tout. Depuis quelques années, des groupes aux influences diverses, sont invités à jouer dans les cafés de la Mézière. Une programmation en journée et un partenariat local qui se consolide avec le temps. En plus de la musique, d’autres animations sont également proposées au public : des causeries en Breton, une cérémonie druidique avec La Gorsedd (assemblée officielle des Druides de Bretagne) qui est suivie d’une conférence… La décoration de la salle revêt aussi une importance toute particulière. Chaque année, elle est réalisée pour mettre en lumière des artistes telles que Wyllö Droükspered ou l’association Truc (recyclerie d’art de la Mézière). Mais avec tous ces événements au sein d’un même week-end, comment se gère la communication ? Ça, c’est le domaine de Mathias : « pour les visuels, on bosse avec un graphiste de grand talent : Xavier. C’est une bête de détails. Pour te donner une idée, les affiches des trois dernières années ont été pensées en triptyque. Moi, je fais surtout de la diffusion sur Facebook et Instagramm. La difficulté, c’est de réussir à proposer du contenu toute l’année. Avant le festival, je parle du local. Toute la communication du festival se fait en trilingue (Français, Breton et Anglais).» Charles intervient : « on peut aussi citer Erwan Largy. Il a fait les six premières affiches complètement bénévolement. »

Les bénévoles justement, il y en a… Les parents d’élèves mais aussi des gens qui prêtent main forte comme Yoann (équipe prog et responsable de la billetterie) ou Erwann Maudez : « je suis arrivé en 2015. Ce que je fais concerne plutôt le côté régie-plateau. Le backline. Je m’occupe de l’accueil des groupes, du lien entre les musiciens et les techniciens. » Et le boulot ne manque pas ! Côté logistique, de nombreux partenaires prennent part à cet événement : « c’est Eurolive qui sonorise. On ne se voit pas faire sans eux. La bière vient du Finistère, elle est brassée par Vincent Couille de Loup, un mec en or ! » précise Charles. « Et Bob, c’est une légende en Bretagne ! », s’exclame Erwann.

À part une subvention de la ville (82 €) et un prix réduit pour la location de la salle Cassiopée, le Samaïn Fest est complètement indépendant. Depuis 2011, l’équipe donne de son temps pour mettre en avant une musique qu’ils aiment au service de la sauvegarde d’une langue régionale. Après dix ans, on peut dire que le pari est réussi : « oui, le but est de financer l’école Diwan de Guipel et le pire chiffre qu’on ait fait est zéro. On est jamais descendu en dessous. Les groupes sont toujours payés mais les musiciens font souvent pas mal d’efforts » explique Mick.

Avec le virus du Covid, pas de Samaïn en 2020… mais ce n’est que partie remise ! Le rendez-vous est donné les 21-22 et 23 octobre 2021 ! Et qui sait, il y aura peut-être des nouveautés dans les années à venir ? Charles regarde Mick puis se marre : « nos enfants se sont mis à la musique et ils sont motivés pour jouer. Alors oui, ils monteront peut-être à leur tout sur la scène du Samaïn. »

Caroline Vannier

*Termes Bretons recueillis auprès de l’équipe du Samaïn Fest

Mick, Mathias, Erwann et Charles

Sur le Web :
https://www.facebook.com/festivalsamain

Garmonbozia (automne-hiver 2020)

Du haut de ses vingt-deux ans, l’association Garmonbozia est un des piliers de la scène Metal en France. Avec plus de 1000 concerts à son actif (et autant en coréalisation avec d’autres organisateurs ou salles), elle a su trouver sa place dans un secteur pourtant très concurrentiel. Qu’est-ce qui explique une telle réussite ? Comment son fondateur a-t-il pu tenir la barre quasi seul pendant quinze ans ?

Toutes les histoires ont un élément déclencheur. Un déclic qui fait qu’à un moment donné, on décide de prendre un chemin plutôt qu’un autre. Pour Fred Chouesne, il faut remonter au 13 février 1998. À cette époque, Garmonbozia n’existe même pas à l’état d’ébauche. Il est alors étudiant en BTS et décide de monter un concert comme projet de fin de diplôme : « ça se passait aux Tontons Flingueurs (ancien caf’ conc’ emblématique à Rennes) et la tête d’affiche était Enthroned, un groupe Belge. C’était complet et ça m’a motivé pour continuer. » Un début prometteur… et David Mancilla comme parrain de la soirée. Pour ceux qui ne connaissent pas le monsieur, il fut pendant un temps un acteur local très actif : guitariste chez Stormcore, créateur du fanzine Hardside Report, fondateur du label Overcome records, tourneur et organisateur de concert… David M. a fait de Rennes la capitale du Hardcore dans la décennie 90 : le Superbowl of Hardcore (à l’origine) c’est lui, les shows avec des pointures internationales (c’est lui aussi). De cette période, il reste quelques interviews (sur fanzine papier) mais sa passion, on la retrouve surtout chez tous ces gens qui continuent à faire vivre les musiques extrêmes à Rennes. Fred Chouesne est de ceux là et il ira même plus loin… Après un premier concert réussi, il crée son asso sous le nom de Heic Noenum Pax (qu’il changera par la suite pour Garmonbozia) : « j’avais un boulot qui n’était pas dans la musique et j’organisais 3 à 4 concerts par an. Je programmais surtout du Black et du Death Metal. Il faut dire qu’il y avait peu de structures organisatrices dans l’Ouest et je voulais qu’on puisse faire venir quelques groupes internationaux à Rennes. J’ai contacté directement des labels et des tourneurs comme Metallysee (qui avait fait venir en Europe notamment Slayer et Sepultura). C’est comme ça que j’ai commencé à créer des contacts.» Marduk, Cannibal Corpse, Morbid Angel, Obituary, Mayhem (pour leur première venue en France), Immortal, Dissection, Satyricon, Enslaved… Fred accueille de grosses formations : « je suis un fan avant tout. J’ai fait venir des groupes que je rêvais de voir jouer. Il y a eu bien plus tard les musiciens des Doors au Liberté et c’est un énorme souvenir d’avoir pu les rencontrer. Magma aussi, qu’on invite tous les 3-4 ans en moyenne, depuis 2000. Gong, Opeth… Il y en a d’autres mais on essaie toujours de laisser une place aux groupes locaux suivant les possibilités. » Parmi eux, on retiendra Stormcore (reformé pour les 15 ans de Garmonbozia en 2013) mais aussi Voight Kampff et Darkseid. L’asso co-organise même en 2018 la première soirée I’m From Rennes dédiée au Metal.

Production de concerts, booking, organisation et supervision de tournées… Garmonbozia investit principalement des salles à Rennes (Antipode, Ubu, Étage, Liberté…), Nantes (Stereolux, Ferrailleur…) et Paris (Petit Bain, Trianon, Olympia, Bataclan, Élysée Montmartre, La Machine / ex Locomotive…) : « les groupes hors Metal qu’on présente sont des formations que je connais bien mais on reste surtout sollicité pour des concerts Metal. On n’a pas forcément le même réseau en terme de promotion pour couvrir d’autres courants musicaux, le public s’y retrouve peut-être moins également. » Fred place aussi des groupes et des plateaux pour les festivals comme le Sylak, le Fall of Summer, le Motocultor et le Hellfest : « on se connaît depuis le début avec Ben Barbaud (fondateur du Hellfest). On lui avait proposé des groupes Metal pour diversifier sa programmation dès le FuryFest, on avait également participé au financement de la seconde édition du Hellfest. On se soutient, surtout en ce moment avec la pandémie. »

Les années défilent et Garmonbozia devient un acteur indispensable de la scène Metal dans l’hexagone mais rester sous le statut associatif est un vrai choix : «  l’association est régie par les principes généraux de la loi 1901 donc l’asso n’a pas de but lucratif. Ce n’est de toute manière pas à proprement parler une activité très rentable ! Nous essayons chaque année d’avoir des comptes équilibrés tout en rémunérant les postes qui doivent l’être. »  Et le boulot ne manque pas ! Bien au contraire : « jusqu’à une certaine période, je faisais tout seul et je prenais du retard au niveau administratif. » Aux bénévoles, deux salariés viennent seconder Fred. Clément arrive début 2020 pour la gestion de la billetterie mais Lorène intègre l’équipe bien avant : «en 2013 » précise-t-elle. « Au début, j’étais bénévole et Fred m’a appris le métier. » Présentatrice de l’émission La Crypte sur Canal B, elle n’est pas une novice dans le milieu du Metal : « oui mais je nétais pas du tout Black. J’ai un peu changé depuis que je bosse chez Garmonbozia. » Mais au fait, à quoi ressemble le métier quand on passe de l’autre côté du miroir ? « On voit moins de concert ! On est occupé toute la soirée, on a plus le temps ! », ironise-t-elle. « Non, plus sérieusement, au quotidien, on échange beaucoup. On a des contacts privilégiés dans chaque pays. Je parle Allemand et on a pas mal de tourneurs basés en Allemagne. En fait, on achète des plateaux : c’est le tourneur principal qui monte les affiches. Parfois, ils nous laissent la possibilité d’ajouter un groupe de notre choix en première partie mais ça devient de plus en plus rare alors que c’était systématique il y a une dizaine d’années. » Fred enchaîne : « oui, on bosse principalement avec des tourneurs étrangers. On passe beaucoup de temps à parler et à échanger par mail en AnglaisPratiquement tout se passe sur Internet et sur les réseaux sociaux. » L’équipe continue de faire ses propres plateaux à l’occasion de l’anniversaire de Garmonbozia, un rendez-vous devenu régulier à Rennes. Idem quand ils mettent à l’honneur des groupes comme Magma qui aurait dû jouer à l’Opéra en octobre 2020 : « on a été obligés de reporter ces deux soirées à 2021. On avait vendu les billets et les nouvelles restrictions nous imposaient de diminuer encore la jauge. C’était difficilement tenable financièrement et il n’était pas question de voir ces concerts évènements (50 ans du groupe) au rabais. » explique Fred. La Covid 19… La pandémie dure et bouleverse tout. Impossible de savoir si les concerts pourront reprendre dans quelques mois, un an ou plus : « oui, on passe notre temps à annuler ou à reporter. Ce n’est pas simple. Depuis mars, on dû faire 80 reports ou annulations. On avait pu maintenir qu’une seule date et il n’y aura sans doute pas de reprise avant le second semestre 2021. Après, on a la chance d’avoir un public fidèle. On a reçu beaucoup de messages pendant le confinement. Les gens proposent d’acheter des billets à l’avance directement auprès de nous et même de faire une cagnotte. »

En un peu plus de vingt ans, Garmonbozia est devenu un gage de qualité. Le public répond présent : « oh ! On a aussi connu des soirées difficiles ! » s’exclame Fred avec beaucoup de franchise. Sans doute mais il est bon de savoir que des organisateurs prennent encore des risques dans leur programmation. Les concerts d’Alice Cooper au Liberté et de Brant Bjork à l’Ubu n’étaient peut-être pas complets mais ceux qui ont pu y assister ne l’oublieront pas de si tôt. Idem pour tous ces artistes locaux qu’ils soutiennent depuis des années et qui ont pu monter sur des scènes comme le Hellfest.

Transparence, simplicité… et une ligne de conduite irréprochable… c’est un peu tout ça Garmonbozia ? Ah, c’est sans compter la passion… Sans elle, Fred Chouesne ne se serait sûrement pas engagé sur ce chemin. Les Doors, Depeche Mode, King Crimson, Pink Floyd, Magma, Dead Can Dance, John Coltrane, Miles Davis, Klaus Schulzeles groupes qui l’accompagnent au quotidien ne sont pas forcément Metal mais en live, il sait faire la part belle aux musiques extrêmes. Garmonbozia est paraît-il la nourriture des Dieux dans Twin Peaks… Une idée pleine de promesses… pour un public qui attend que sonne à nouveau l’heure des concerts.

Caroline Vannier

Sur le Web :
https://fr-fr.facebook.com/Garmonbozia.Inc

I’m From Rennes, l’Étage (Rennes) – 13 septembre 2019 –

Vendredi 13… Une date symbolique qui lance la première soirée I’m From Rennes 100 % Metal. L’asso qui valorise la scène locale a attendu 8 ans pour le faire mais elle n’a rien laissé au hasard : une prog de qualité, un visuel qui claque, des partenaires solides… Il faut dire que l’équipe orga a très bien joué. En s’associant à une structure référente en la matière, elle a su interpeller les passionnés de musique extrême. Reine du gros son, Garmonbozia organise des concerts à Rennes et ailleurs depuis déjà 21 ans. Avec plus de 700 dates à son actif et un carnet d’adresses bien rempli, elle s’est taillée une solide réputation en France et en Europe. Alors qui de mieux pour investir la salle de l’Étage ?

Les gens viennent en nombre dès 19h00. Dans le public : des passionnés, des musiciens, des potes, des membres actifs d’asso… Bref, pas mal de personnes qu’on retrouve dans les Caf’Conc’ de Rennes tout au long de l’année. Ça discute musique, technique… et la configuration de la salle en intéresse plus d’un. Pour passer 7 groupes en 5h15 chrono, une seconde scène a été monté. Plus petite, plus proche du public… C’est là qu’on retrouvera la plupart des formations Hardcore. Mais pour l’heure, place au premier groupe !

19h30 pétante. Il y a du monde devant Entertain the Terror. Jamais simple « d’ouvrir le bal » mais le groupe de Hardcore n’a aucun mal à entrer dans son concert. Un son brut et efficace qui colle parfaitement aux propos qu’il défend. Le message est clair : engagé et sans concession. Un franc-parler qui dénonce sans jamais tomber dans la facilité. Une presta sans filtres qui fait entrer les maux de la rue dans les salles de concert.

Deuxième scène… Cadaveric Fumes enchaîne à peine 5 minutes plus tard. Éclairage minimaliste, fumigène, visages à peine visibles… Les membres du groupe s’effacent pour laisser toute la place à leur musique. Le groupe de Death Metal propose un son précis, martelé, fourni… Les compos laissent planer une ambiance sombre teintée de notes quasi vintage. Une identité très forte qui interpelle forcément.

Il est encore tôt quand Hard Mind monte sur scène mais le groupe frappe très fort. Dès le premier morceau, le ton est donné : de l’énergie, de la puissance et une véritable présence scénique. Ils ne lâcheront rien. Le public non plus. Un rythme explosif, chargé de DIY qui n’a rien à envier aux groupes américains. L’efficacité des compos et des propos ne laissent pas de temps mort au pit. Une presta qui dévoile la qualité de la scène Hardcore Rennaise.

Mantra

Éclairage étudié, riffs à la Tool, voix planante… Mantra est là pour un live hors norme. Et quelle claque ! Depuis 10 ans, le groupe de Metal Progressif ne cesse de se réinventer. La qualité d’interprétation est indéniable : le chanteur accompagné d’un danseur du Butô offrent une presta unique et habitée. Dans un milieu pas mal codifié, c’est osé mais quelle bouffée d’inventivité. Les compos fourmillent de détails qui prédestinent le meilleur dans les années à venir.

Fange démarre à 22h20… et le groupe de Harsh & Sludgy Death retourne littéralement la salle de l’Étage. Programmé au Motocultor cette année, le quator démontre toute la pluralité de la musique Metal. La puissance est là mais quelle technique ! La rythmique est solide, précise, judicieuse… Un jeu subtile qui ne fait à aucun moment de l’ombre à l’énergie brute du chant. Un groupe très prometteur, à voir sans tarder en live !

Les bons musiciens font avec les soucis techniques et ce soir-là, Hexecutor s’en sort avec brio. Le groupe de Thrash démontre toute son aisance sur scène. Des enchaînements rapides, une belle présence et un son quasi old-school. Les musiciens signent quelques textes chantés en français : une orientation qui donne une véritable dynamique à leur musique. Des titres comme Hélène Jegado ou encore La Sorcière du Marais sont accessibles sur Bandcamp.

Voight Kampff

Fin de soirée… Il est un peu plus de minuit quand Voight Kampff monte sur scène. D’emblée, le talent et l’habileté technique des musiciens saute aux yeux. Le groupe de Techno Thrash donne une impression de facilité comme seuls, les grands musiciens savant le faire. Des compos façonnés avec finesse, une énergie teintée de S.F., des riffs éclairés…. Ils offrent un travail abouti qui explose en live. Yeux fermés, frontman au-devant de la scène, batterie qui martèle les fûts… Ce soir, ils jouent pour « leur frère » disparu. Depuis 2013, Mathieu Broquerie était guitariste chez Voight Kampff et grâce à eux, sa créativité continue de résonner à travers leur musique. Un hommage délicat… et vivant pour un acteur de la scène locale pionnier du Hardcore à Rennes dans les années 90.

Une préparation au millimètre, un public qui répond présent, une prog qui met en lumière la diversité de la scène Metal… Oui, cette soirée est un sans faute pour les équipes de I’m From Rennes et de Garmonbozia ! Mais voilà, ce Vendredi 13 marque un tournant… Le début de quelque chose pour les uns, la fin d’une époque pour les autres… RIP Mathieu Broquerie. RIP Philippe Pascal, chanteur emblématique du groupe Marquis de Sade. Quand elle prend les chemins du studio, la musique a ce pouvoir de figer le temps. Messieurs, votre talent ne s’éteindra pas.

Caroline Vannier

Article également publié sur Metalorgie (sous le pseudonyme Ubuto Kro)
https://www.metalorgie.com/live-reports/1883_I-m-From-Rennes_le-13-09-13-Rennes-L-Etage


Prophets of Rage, à l’Olympia (Paris) – 8 août 2019 –

Il y a des artistes qui savent plaquer les mots justes sur les problèmes de ce monde. Des musiciens qui ont le truc pour créer des morceaux qui sonnent dès la première écoute. Les Prophets of Rage ont cette force et au vu de leur formation, on comprend pourquoi : trois membres de Rage Against the Machine, deux de Public Enemy, un de Cypress Hill… Une expérience qui donne le vertige ! Les gars sont là depuis une trentaine d’années… et ce qui est beau, c’est qu’ils ont su avancer avec la rage de leur début.

Ce jeudi 8 août 2019, Prophets of Rage passe par Paris, à l’Olympia. Comme beaucoup avant eux, leur nom est annoncé à l’ancienne, en grosses lettres rouges sur cette façade quasi-mythique. La plus vieille salle de la capitale passe les épreuves du temps avec un historique qui ferait pâlir plus d’un programmateur. Des grands de la musique sont passés par là : Jeff Buckley, Jacques Brel, Edith Piaf, les Stones, Jimi Hendrix (certes en première partie, mais quand même)… Avec une acoustique exceptionnelle et une belle proximité avec le public, elle demeure un vivier unique pour les artistes de tout horizon. Seul problème, l’Olympia est désormais propriété du groupe Vivendi… Triste monde qu’est celui du tout capitalisme… mais joli pied de nez quand on sait qu’un groupe qui dénonce ce système investit les lieux ce soir.

Dans la salle, des fans de la première heure… mais aussi des jeunes et moins jeunes comme cet homme de quatre-vingt ans qui fend le public pour s’approcher de la scène. Bref, des passionnés de musique qui sont aussi très curieux de découvrir les Nova Twins, le groupe qui assure la première partie. Cette formation de Londres au style urban punk est composée de deux musiciennes et d’un batteur. Un trio, passé au Hellfest en 2019 et qui a visiblement marqué les esprits. D’entrée de jeu, il est clair que Amy Love et Georgia South sont les dignes héritières d’une fusion à la Rage. Du flow, de l’énergie, des riffs qui sonnent à la Morello et à la Commerford. Ouais, une vraie présence scénique et une identité musicale déjà très affirmée pour ces compositrices d’à peine vingt ans. Un groupe très prometteur à découvrir sans tarder en live !

Très vite, l’ambiance monte. Les lumières s’éteignent… N’est-il pas trop tôt pour Prophets of Rage ? Grosse surprise quand DJ Lord entre seul sur scène. Pendant une trentaine de minutes, il enchaîne les mix de morceaux devenus des classiques du rock et du metal. Black Sabbath, les Stones, AC/DC… mais petite incompréhension quand le public siffle l’hymne américain interprété par Jimi Hendrix. On peut voir ce qu’on veut dans cette version mais sûrement pas le « règne » de Trump, alors pourquoi cette réaction ? Est-ce l’Amérique toute entière qui est huée ?

Voile noir, sirène, poings levés… Les Prophets of Rage arrivent quand on ne s’y attend pas. Et c’est une vraie claque ! La touche fusion est bien là… Des riffs de guitare tellement propres à Morello, une rythmique juste et habile… Les musiciens de Rage proposent un son unique et maîtrisé qui ne vieillit pas. Bien au contraire, il se bonifie avec le temps, développant des variantes subtiles aux morceaux les plus connus. Un socle solide qui même après avoir connu plusieurs formations ne s’est jamais altéré. Ça c’est pour la partie musicale mais il y a le chant… et quelle performance !

Le duo formé par les rappeurs B-Real et Chuck D est impressionnant. Leurs voix martèlent avec puissance et éloquence des textes forts et engagés. Ils enchaînent les nouvelles et anciennes compos avec une facilité déconcertante. Pas une ride dans leur approche. Il faut dire que le groupe s’est monté en réaction à la campagne de Trump et cet engagement citoyen est palpable sur scène. Une prestation sincère qui clame tout haut ce que beaucoup pensent tout bas.

Les morceaux présents sur le dernier album – et quelques nouveautés – de Prophets of Rage sont distillés tout au long du concert : Unfuck the Word, Heart Afire, Legalize me… À souligner, ce très bon moment sur Hail to the Chief quand Tom Morello et DJ Lord se répondent par riffs et samples interposés. Autre instant à retenir : le trio formé par les gars de Public Enemy et de Cypress Hill au milieu du concert. À eux trois, ils enchaînent Night of the Living Baseheads, I Ain’t Goin’ Out Like That, Can’t Truss It, Insane in the Brain, Bring the Noise ou encore Hand on the Pump. Une exclu 100 % hip-hop qui démontre tout le talent des deux frontman.

Pas de temps mort pendant le show : de l’explosif mais pas que… Beaucoup de respect et d’humilité quand Morello, Commerford et Wilk interprètent Cochise d’Audioslave. Le micro est éclairé à l’avant de la scène… Pas de chanteur mais une empreinte, celle d’un musicien exceptionnel parti trop tôt mais qui aura marqué l’histoire du rock et du grunge. RIP Chris Cornell.

La musique a ce pouvoir de passer d’une émotion à l’autre… et les morceaux de Rage Against the Machine s’enchaînent pour le grand plaisir des fans… Testify qui déboule derrière le premier morceau du concert. Suivent des classiques comme Know your Enemy, Bullet in the Head, Bulls on parade…. et bien d’autres. On retiendra Killing in the Name qui crée un bordel monstre. Mais quel bon bordel ! À l’avant, c’est la folie. Au milieu, c’est la bagarre. À l’arrière, ça gueule les paroles… et dans les balcons, les gens se lèvent enfin. Comme à son habitude, Morello fait le solo de fin à une main. Quel talent ! Et quel cadeau quand ils terminent le show sur Bombtrack.

Prophets of Rage, c’est du très bon son mais au-delà de la musique, ce sont aussi des artistes authentiques et engagés. Ce groupe est une sphère de liberté qui laisse chacun exprimer ses revendications comme il l’entend. Certains retiendront le solo de Tom Morello avec les dents qui dévoile une croix gammée barrée derrière sa gratte. D’autres, son soutien aux gilets jaunes. Peu importe… Le message qu’il passe est de ne surtout pas se taire. La soumission est la pire des prisons. Avoir une opinion et la confronter aux autres est salutaire aujourd’hui. Qu’on soit d’accord ou pas, mieux vaut débattre haut et fort que ne rien dire !

Caroline Vannier

Article également publié sur Metalorgie (sous le pseudonyme Ubuto Kro)
https://www.metalorgie.com/live-reports/1875_Prophets-Of-Rage_le-08-08-19-Paris-Olympia